Comme chacun le sait, le Franco-Américain Alcatel-Lucent souffre, en particulier en Europe. La société multiplie ainsi les licenciements pour réduire ses coûts. Afin d'inverser la tendance, Arnaud Montebourg a demandé aux grands opérateurs mobiles français de faire jouer leur patriotisme. Et selon le ministre du redressement productif, trois d'entre eux ont déjà répondu positivement.
Trois (voire quatre) opérateurs joueront le jeu
Véritable entreprise mondiale, Alcatel-Lucent est présente sur tous les territoires. Néanmoins, ces dernières années, l'Europe a vu son importance se réduire, au contraire de l'Amérique et de l'Asie. La montée en puissance du Chinois Huawei lui a été de plus préjudiciable dans certains pays clés. Son effectif sera ainsi réduit de 10 000 personnes d'ici deux ans, dont 4100 en Europe et une grande partie en France.
Si le gouvernement comme les syndicats comprennent que la société est en difficulté du fait de la concurrence, les niveaux de licenciement sont jugés trop élevés et rapides. La semaine dernière, Arnaud Montebourg expliquait ainsi à l'Assemblée nationale avoir « reçu le président d'Alcatel, nous lui avons dit que la première des choses était que le plan social (...) est excessif. (...) Nous avons demandé à la direction d'Alcatel-Lucent de reformater à la baisse le plan social, de le réduire. »
Mais si ces propos ne seront pas forcément suivis de faits, l'une des solutions pour limiter les dégâts en France est de pousser les opérateurs locaux au patriotisme : en somme, de choisir Alcatel plutôt que ses concurrents. Et si l'Hexagone ne représente qu'une très faible part du chiffre d'affaires du groupe désormais, cela pourrait toutefois avoir une légère incidence sur l'emploi local, poussant l'équipementier à diminuer ses licenciements.
D'après le ministre, trois opérateurs sur quatre parmi les détenteurs de licences mobiles 3G et 4G ont répondu positivement à cet appel à ce « chauvinisme » économique. « Trois d'entre eux nous ont déjà répondu positivement. Nous attendons le quatrième et nous ne serons pas déçus, je l'espère » a-t-il ainsi déclaré selon l'AFP. Les noms des opérateurs en question ne sont pas connus, mais Orange fait certainement parti de la liste, dès lors qu'il utilise déjà en grande partie du matériel fourni par Alcatel-Lucent.
Une guerre contre NSN et Ericsson
Il est surtout intéressant de noter qu'en France, le principal concurrent d'Alcatel-Lucent n'est pas le Chinois Huawei, mais plutôt les Nord-Européens Ericsson et Nokia Solutions Networks (NSN). Certes, Huawei est utilisé partiellement par Bouygues ou encore SFR, mais le Finlandais NSN est lui très présent chez Free ou encore chez SFR, et Bouygues tout comme Orange s'appuient en grande partie sur le Suédois Ericsson. En somme, la majorité du réseau mobile français a une origine européenne. Malheureusement, Alcatel-Lucent est en queue de peloton, derrière Ericsson et NSN.
Si tous les opérateurs jouent le jeu du made in France, les principaux perdants seront donc les sociétés suédoises et finlandaises, et non le Chinois Huawei. Il faudra néanmoins vérifier comment se matérialiseront ces réponses positives des trois opérateurs mobiles. Les contrats pour le déploiement de la 4G sont déjà signés, il faudra donc se montrer patient avant qu'un quelconque changement soit visible.
« L’entreprise peut disparaître »
Reste qu'Alcatel est bien décidé à mettre en place son plan de licenciement massif. Michel Combes, le patron du groupe, a ainsi rappelé que sa société perdait depuis sa fusion en 2006 entre 800 millions et 1 milliard d'euros par an. Elle a même annoncé en 2012 une perte nette de 1,37 milliard d'euros, pour un chiffre d'affaires historiquement bas de 14,4 milliards d'euros.
« L’entreprise peut disparaître » a même déclaré Combes, expliquant que ce plan était « indispensable à la survie de l’entreprise ». Il a toutefois laissé la porte ouverte à des améliorations, rappelant de plus qu'il devrait s'agir de l'ultime vague de départs alors que l'entreprise en est à sa sixième annonce de ce type depuis 2006, soit quasi une par an.
Près d'un millier d'employés d'Alcatel-Lucent ont manifesté hier à Paris aux alentours de l’Assemblée nationale.
Pour rappel, les téléphones portables Alcatel n'ont plus rien à voir avec l'entreprise Alcatel-Lucent depuis la vente de cette division au Chinois TCL.