Pour l'April, le contrat « Open Bar » conclu il y a plus de quatre ans entre le ministère de la Défense et Microsoft « fait bien suite à une décision politique ». L’association de promotion du logiciel libre étaye aujourd'hui ses affirmations à l’appui de documents internes à l'administration, obtenus suite à une procédure CADA.
C’est en mai 2009 qu’a été signé entre Microsoft Irlande et la Direction interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information (DIRISI) le fameux accord-cadre, évoqué dès 2008 par PC INpact. Concrètement, le ministère de la Défense pouvait puiser dans toutes les solutions et applications de Microsoft (Office, etc.), en échange d’un montant forfaitaire d’une centaine d’euros environ, et ce pour chaque poste informatique bénéficiaire. Au regard du nombre d’ordinateurs autorisés à utiliser ces logiciels, l’addition se chiffrait alors en dizaines de millions d’euros. Un pack « Open Bar » qui permettait surtout à la firme américaine d'envahir l’administration, ceci aux dépens de la concurrence.
Problème : cet accord-cadre a été passé sans appel d’offres ni mise en concurrence, au grand dam de la commission des marchés publics de l'État (voir notre article). En février dernier, l’Association de promotion du logiciel libre a donc décidé de lancer une procédure de communication de documents administratifs, afin de faire la lumière sur cette affaire. Peu avant l’été, le ministère de la Défense s’est résolu à transmettre à l’April plusieurs documents, lesquels viennent d’être mis en ligne sur son site Internet.
L’April l’affirme désormais sans détour : « Le choix d'un contrat Open Bar fait bien suite à une décision politique », laquelle « a visiblement été prise en amont des études sur la faisabilité et les risques ». Et pour cause : l’association rappelle que même en interne, des voix s’élevaient au sein du ministère de la Défense pour mettre en lumière les inconvénients du contrat mis sur la table par Microsoft. Dans un rapport datant de 2008, un groupe de travail réunissant neuf experts et représentants de différents départements du ministère (État major, Secrétariat général de l’administration,...) concluait notamment que « compte tenu des risques élevés et du surcoût par rapport à la situation actuelle, le groupe de travail déconseille la contractualisation sous forme de contrat global sauf à le limiter au périmètre de la bureautique ».
L'April dévoile les fruits de sa procédure CADA
Mais les documents obtenus par l’April du fait de sa procédure CADA permettent de remonter un tant soit peu le processus décisionnel ayant malgré tout conclu à la signature de l’accord-cadre, et ce en dépit des mises en garde du groupe de travail. L’association publie tout d’abord une lettre signée en février 2008 par l’État major des armées (PDF). « De l’avis de l’EMA, ce projet de rapport apporte des conclusions partiales difficilement vérifiables et exploitables » tacle le signataire du courrier, sans pour autant apporter une quelconque justification de ses critiques à l’égard des préconisations du groupe de travail.
Le second document dévoilé par l’association avait déjà été évoqué dans nos colonnes (voir notre article). Il s’agit des conclusions d’une réflexion menée par la direction générale des services d'information et de communication (PDF). Contrairement au groupe de travail, cette note interne à la DGSIC retient « qu’il est opportun de conclure avec Microsoft un contrat sur la base de la proposition qui a été formulée ». Dès lors, le directeur général de la DGSIC invite au travers d'un courrier le ministre de la Défense à inscrire les montants relatifs à ce contrat dans le projet de loi de finances pour 2009.
Rappelons enfin que l’accord-cadre avec Microsoft devait arriver à expiration cette année. En avril dernier, Le Canard Enchaîné rapportait ainsi que les négociations étaient en cours pour le renouveler, et ce en dépit de deux rapports déconseillant fortement une telle reconduction.