Piratage : le massif attaque

Haute, bas, stable, inflexion, recul, reprise

Au Sénat, le CSA a affirmé que le piratage était désormais si massif qu’il justifiait un transfert rapide de la réponse graduée de la Hadopi au CSA. Des données contredites par la Hadopi et relativisées par le monde de l’édition vidéo qui évoque une inflexion dans la reprise des téléchargements. Pour tirer cela au clair, nous avons questionné la Haute autorité lors de sa conférence de presse annuelle jeudi à Paris.

hadopi

 

Le 10 septembre 2013, Olivier Schrameck justifiait d’un transfert au plus vite de la réponse graduée dans les mains du CSA par l’aiguillon d’un piratage désormais « massif ». Ce piratage résulterait d’une « modification des comportements des utilisateurs qui semblent d’ores et déjà se traduire par une extension massive du piratage ».

 

Pour étayer ses propos tenus devant la très sérieuse Commission de la Culture du Sénat, le président du CSA dévoilait ses sources : « il se trouve que j’ai rencontré vendredi dernier les représentants des organisations du cinéma, du BLIC, du BLOC, de l’ARP, de l’UPF, tous ont souligné que depuis quelques mois il y avait une aggravation considérable de la situation qui ne vient pas de dispositions particulières, mais d’un contexte d’ensemble, de mentalités qui se cristallisent en ce moment. »

 

Le 12 septembre 2013, devant la même commission, Marie-François Marais a balayé en bloc ces affirmations : « J’entends qu’en raison des incertitudes actuelles, le piratage aurait « massivement augmenté ». Je répondrais qu’il faut raison garder. Il y a les chiffres. Et il y a les fantasmes. Observe-t-on une évolution « massive » ? Non. Y’a-t-il un risque qu’elle soit irréversible comme cela a été dit ? Non. L’argument est spécieux je le dis tout net. Dois-je rappeler que lors de notre création nous avons hérité de 10 ans de laisser-faire, et que ceux-là mêmes qui expriment ces craintes saluent notre efficacité. Alors si en 3 ans nous avons inversé 10 ans de pratique, ce n’est pas en quelques mois d’incertitudes qu’elles vont tout d’un coup devenir irréversibles. Il faut savoir de quoi on parle. »

 

Jeudi 10 octobre 2013, à la maison de la Chimie, nous avons demandé à la Hadopi des éclairages sur ces analyses diamétralement opposées, d’un piratage qui monte ou qui descend, comme la petite bête. Il faut dire que dans son tout frais rapport annuel, la Hadopi évoque p.45 que « la consommation licite augmente, et l’illicite diminue ».

Pas d'augmentation massive du piratage

Une première explication est venue de Pauline Blassel, l’ex-conseillère du président Nicolas Sarkozy, remplaçante d’Eric Walter : « les chiffres dont vous faites part datent d’octobre 2012 » nous répondra-t-elle. Alors, et cette augmentation massive du piratage ? « Ce n’est pas le cas. Pour en parler, il faut préciser de quels chiffres, de quels contenus et de quelles façons ils ont été mesurés. Pour ce qui nous concerne, on suit assez régulièrement les audiences. Si l’on vise les visiteurs uniques, on ne va pas nécessairement pouvoir nécessairement mesurer un volume de consommation licite, il faut davantage s’intéresser aux pages vues. Quand on s’intéresse au pair à pair, il ne faut pas nécessairement se limiter aux annuaires qui référencent les liens, etc. ». Bref, « avec ces éléments, on maintient qu’il n’a pas d’augmentation en pratique du piratage quelle que soit la pratique visée, ni pour le P2P, ni pour le streaming ni pour le téléchargement direct. » Clair, net, précis.

Une progression récente du piratage

Mais assis entre les journalistes face à la Hadopi, le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) n’a pas partagé la même analyse. Jean-Yves Mirski, son délégué général, a ainsi pris le micro pour contrebalancer ces affirmations: « je représente un certain nombre d’ayants droit et je peux vous dire que nous constatons tous depuis à peu près cette période (octobre 2012, NDLR) que le mouvement de baisse constaté depuis 2010 s’est totalement arrêté. Alors, que la progression que l’on constate maintenant soit massive, pas massive - on peut jouer sur les mots, cela dépend probablement du protocole, il y a un certain nombre d’analyses qui sont en cours – il est certain, absolument certain, que maintenant il n’y a plus de baisse de la piraterie voire au contraire une progression récente, mais une progression » conclura celui qui est également en lien avec l’ALPA, l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle.

Une inflexion du piratage

La Hadopi insistera quelques minutes plus tard pour dire qu’il n’y a pas eu d’« inflexion massive depuis l’été 2012 en ce qui concerne le P2P » et Mireille Imbert Quaretta d’ajouter une dernière touche à ce clair-obscur : « quand on annonce qu’on coupe la tête au canard tous les trois mois et que le canard est toujours vivant et à sa tête, cela décourage peut être le poulailler » (comprendre que ceux qui seraient tentés par le téléchargement illicite, constatant que les poumons de la Hadopi fonctionnent toujours, seraient désincités.) Quant à Jean Berbinau, ce membre du collège de la Hadopi indiquera qu'il fallait en toute circonstance tenir compte de la progression du parc d'abonnés à Internet avant de tirer n'importe quelle conclusion.

Une anticipation psychologique d'une hausse possible

Finalement, c’est Jacques Toubon qui est intervenu pour tenter de démêler l’imbroglio : « l’affaire de l’augmentation massive du piratage est sortie au moment de l’amendement Assouline, c’est-à-dire au moment où il fallait démontrer qu’il y avait urgence à passer la réponse graduée le plus rapidement possible de la Hadopi à une autre institution, le CSA. Ça a été la justification économique de la proposition de transfert immédiat proposée par le rapporteur du texte, soutenu par Olivier Schrameck et la ministre de la Culture. Personne n’en sait rien. On peut parfaitement constater qu’il y a eu certainement une stabilisation de la baisse du piratage sur le P2P depuis l’été, l’automne 2012, mais s’agissant du piratage sur la lecture en contenu et le téléchargement direct (streaming et direct download en non français, NDLR), on n’en sait rien. »

 

Alors ? « L’argument « le piratage augmente » ne repose pas sur des données objectives, mais sur une anticipation psychologique tout à fait vraisemblable », selon laquelle la Hadopi étant bientôt supprimée, le téléchargement serait désormais considéré comme libre. Toubon en profite pour adresser un message à Aurélie Filippetti afin que la période d’incertitude soit levée par un message politique fort, clair et net sur l’avenir de la réponse graduée.

 

Si on résume : le piratage a reculé (baromètre Hadopi d’octobre 2012), mais cette baisse a depuis cessé voire a succombé à une légère reprise des téléchargements (donnée de l’édition vidéo) qui selon les sources (donnée de l’audiovisuel) serait même « une aggravation considérable de la situation », laquelle selon Toubon ne serait pas « une donnée objective » mais « une anticipation psychologique » de la fin de la Hadopi.

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