Si la Hadopi a d'ores et déjà envoyé plus de 2 millions d’avertissements dans le cadre de la riposte graduée, elle a en fait sommé dans le même temps les fournisseurs d'accès à Internet de lui délivrer plus de 7,7 millions de fois le nom de leurs abonnés. Sauf que ces derniers ont échoué plus d'une fois sur dix. Et même lorsqu'ils ont réussi, l’envoi de recommandations par la Rue du Texel ne fut pas systématique.
En début de semaine, la Hadopi mettait à jour ses chiffres relatifs à la riposte graduée. Ainsi, la Rue du Texel affirmait avoir adressé à la fin septembre pas moins de 2 136 724 premiers avertissements (mails) depuis l’entrée en vigueur du dispositif, en octobre 2010. Du côté des secondes recommandations, l’on en arrivait à 224 073 lettres recommandées adressées depuis près de trois ans.
Le rapport d’activité de l’institution, dévoilé hier, permet cependant d’avoir davantage de recul sur ces chiffres. Il s’avère en effet que ce sont 759 387 premières recommandations et 83 299 secondes notifications qui ont été expédiées sur une période d’un an, du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013. Au-delà du fait que cela illustre relativement bien la montée en puissance du dispositif, il convient de mettre en balance ces 842 686 avertissements avec les « plus de 19,8 millions de procès-verbaux » qui ont été transmis dans le même laps de temps à la Commission de protection des droits par les agents assermentés désignés et rétribués par les ayants droit (ALPA, SACEM, SPPF,...). La Hadopi affirme au passage que 58,26 % de ces PV concernaient le secteur musical, contre 41,74 % pour le secteur de l’audiovisuel.
Pourquoi un tel écart ? Notamment parce qu’un abonné peut être visé par plusieurs procès verbaux. Ce fut notamment le cas du premier condamné pour défaut de sécurisation de son accès à Internet, qui a écopé d'une amende de 150 euros suite à la mise en partage de la même chanson, flashée au total 150 fois.
Près de 8 millions de demandes d’identification auprès des FAI
Revenons-en à nos moutons. Les saisines qui accompagnent les fameux PV sont ensuite contrôlées par la Hadopi, laquelle explique qu’elle vérifie « qu’elles contiennent les informations prévues à l’article R. 331-35 du Code de la propriété intellectuelle ainsi que l’extrait du fichier contrefaisant « chunk » et qu’elles portent sur des faits de moins de six mois ».
Une fois cette formalité effectuée, les fournisseurs d’accès à Internet se voient réclamer l’identité de l’abonné dont l’IP s’est faite flasher sur les réseaux de peer-to-peer. « Depuis la mise en place de la procédure de réponse graduée en septembre 2010, la Commission de protection des droits a envoyé 7 718 000 demandes d’identification aux fournisseurs d’accès à Internet » indique la Hadopi, sans toutefois donner de chiffre correspondant à l’année sur laquelle elle faisait pourtant son bilan. L'institution précise néanmoins que « désormais, la Commission envoie en moyenne 20 000 demandes d’identification d’adresses IP par jour ».
Environ 926 000 adresses IP non-identifiées par les FAI
Mais toutes ces demandes ne sont pas systématiquement fructueuses. La Haute autorité précise effectivement que « tous les fournisseurs d’accès ne parviennent pas à identifier la totalité des adresses IP qui leur sont transmises ». Elle affirme d’ailleurs que le taux global d’adresses IP identifiées est d’environ 88 %. Autrement dit, 12 % des IP transmises aux FAI pour identification ne permettent pas de débusquer le titulaire de la ligne correspondante. Ce qui nous donne un total de 926 160 adresses étant ainsi passées entre les mailles du filet.
Mais pourquoi un tel déchet ? « L’absence d’identification est liée le plus souvent au caractère majoritairement dynamique de l’attribution des adresses IP et surtout au développement de la pratique du « nattage », qui consiste à attribuer la même adresse IP à plusieurs abonnés (cette technique permet aux fournisseurs d’accès de pallier la pénurie d’adresses IP disponibles) » explique la Hadopi. L’institution se sert d’ailleurs de cette excuse pour légitimer son souhait de pouvoir envoyer également aux FAI le « port source » de la connexion à identifier.
« Toutes les demandes d’identification ne se traduisent pas par l’envoi d’une recommandation. On ne doit pas confondre les flux et les stocks » résumait déjà Mireille Imbert-Quaretta en janvier 2011. La différence entre les 6,7 millions d'IP identifiées et les plus de 2 millions d'avertissements finalement envoyés aux abonnés français demeure néanmoins abyssale.
6 % des abonnés français déjà avertis par la Hadopi
En partant du principe que l’ARCEP dénombrait 33,19 millions d’abonnés à Internet en France au 31 décembre 2012, et au regard des plus de 2 millions de recommandations adressées par ses soins depuis octobre 2010, la Hadopi considère qu’au 30 juin 2013, « près de 6 % des titulaires d’abonnement à Internet ont reçu une première recommandation de l’Hadopi ».