Info PC INpact. Depuis le 1er janvier 2012 les professionnels peuvent se faire rembourser la copie privée. Combien ont-ils réclamé depuis cette date ? Théoriquement 40 millions d'euros. En pratique 70 000 sur les huit premiers mois de l’année.
Sous l’aiguillon du droit européen rappelé par la CJUE, Paris a finalement adopté une loi en décembre 2011 pour épargner les professionnels du paiement de la copie privée. Si l’Europe exige le non-assujettissement, la France a opté pour un régime à double détente : les pros doivent payer leurs supports puis réclamer le remboursement.
La surface d’impact est vaste puisque la copie privée leste les téléphones, les tablettes, les cartes mémoires, les clefs USB, les disques durs externes, les box, les GPS multimédias, les autoradios, les CD, les DVD, etc. Bref, tous les supports sauf les disques durs internes. Les demandes de remboursements doivent alors être adressées aux ayants droit, réunis au sein de la société Copie France.
Voilà pour la théorie.
Des remboursements bloqués
En pratique, cela se complique.
On le savait déjà, les pros qui réclament ne sont pas remboursés pour l’instant. La faute à un bug de TVA : quand un importateur ou un fabricant déclare ses supports en sortie de stock, Copie France lui facture une redevance copie privée avec deux taux de TVA. Une à taux réduit sur la part de la rémunération versée aux auteurs/artistes-interprètes/éditeurs. Une à taux normal (19,6 %) sur la part versée aux producteurs. Or, quand le distributeur revend à un professionnel, il applique une TVA uniforme à 19,6%. Le précédent gouvernement était informé de ce souci tout comme Bercy mais depuis le vote de la loi du 22 décembre 2011 rien a été fait pour le débloquer.
Combien de copie privée en attente de remboursement ?
Mais une autre question demeure : quel est le montant de la copie privée en attente de remboursement ? Sur le papier, c’est toujours simple. La rémunération copie privée a rapporté 189 millions d’euros aux ayants droit en 2010 (un peu plus en 2011). L’étude d’impact annexée à la loi de décembre 2011 estimait que les remboursements allègeraient les perceptions de 30%. « Les ayants droit vont perdre les perceptions correspondant aux supports acquis à des fins professionnelles. S’il est impossible à l'heure actuelle d'en mesurer l'importance exacte, cette perte pourrait toutefois représenter entre 20 et 30 % des rémunérations perçues chaque année. »
Le gouvernement anticipait donc sur l’année une baisse de 60 millions d’euros (189M€- 30%). Une saignée pour les ayants droit, mais pas forcément pour l’économie française : « cette mesure permettra en revanche de réduire le marché gris des professionnels qui s'approvisionnaient dans d'autres États membres afin d'éviter d'acquitter la rémunération en France. Elle va donc permettre de relancer le marché de commercialisation dédié aux professionnels. »
Sur les huit premiers mois de l’année, proportionnellement, on devait s’attendre à une chute de 40 millions d’euros. Qu’en est-il en pratique ? Contactée, Copie France nous indique que fin août, le montant des sommes en souffrance était de... 70 000 euros. En clair, très peu de professionnels français ont réclamé le remboursement de la copie privée (*).
Pas de notice, des factures précises
Copie France ne s’explique pas de cette désaffection. La société note cependant que le décret sur la notice informant du droit au remboursement n’est toujours pas publié. Cette notice doit pourtant accompagner les supports vierges vendus en France. On en déduit que rares sont les professionnels à être alertés de ce droit au remboursement.
Et ceux qui le sont doivent encore subir quelques écueils... L’arrêté encadrant le formulaire du remboursement contient en effet une petite perle : quand le professionnel envoie sa facture, celle-ci doit détailler son nom, sa raison sociale, etc. mais aussi « les caractéristiques du support d'enregistrement (pour chaque type de support acheté : marque, capacité de stockage et quantités achetées) » et surtout « le montant de la rémunération pour copie privée acquittée lors de l'achat. »
Problème : aucune grande ou petite enseigne ne donne cette information ! « Des professionnels se sont organisés pour faire apparaître ce montant » nous assure Copie France qui reconnaît dans le même temps que les FNAC et autre Auchan, etc. ne le fournissent pas. Et pour cause, faire apparaître cette information essentielle au remboursement exigerait une remise à niveau complète de tous les systèmes de facturation en France. Avec des barèmes, souvent mis à jour, le plus souvent à la hausse.
Partout en Europe, la rémunération pour copie privée ne peut être prélevée que sur les supports acquis par les particuliers pour leurs besoins privés. En France, résultat des courses, les sommes qui n’ont pas été réclamées par les pros (39,93 millions théoriques au 31/08) resteront dans les caisses des ayants droit.
(*) et dans le même temps le nombre d'entreprises exonérées à la source n'a pas varié énormément.