Une procédure à l’encontre du Royaume-Uni vient d’être déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), dont le siège est situé à Strasbourg. L’objectif ? Arriver à faire reconnaître l’illicéité de la surveillance des communications des citoyens britanniques, notamment telle qu’effectuée par les autorités britanniques au travers des programmes Prism et Tempora.
CEDH - Crédits : ifreelancer, CC BY-NC-SA 2.0, Flickr.
L’Open Rights Group, Big Brother Watch, l’English PEN et l’universitaire allemande Constanze Kurz (également porte-parole du Chaos Computer Club) ont annoncé hier avoir déposé un recours contre le Royaume-Uni auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme. À l’origine de cette saisine, les révélations faites depuis le mois de juin au travers des documents dévoilés par le lanceur d’alerte Edward Snowden, et plus particulièrement celles concernant les programmes Prism et Tempora.
Dans la ligne de mire des plaignants : les autorités britanniques, accusées d’avoir illégalement surveillé les communications de leurs citoyens au travers de ces deux programmes. Et pour cause : Prism est le programme en vertu duquel la NSA a accès, via les grands acteurs du Web (Microsoft, Google, Facebook...) à l’ensemble des métadonnées concernant les emails, les SMS, les relevés d'appels téléphoniques, les connexions aux réseaux sociaux, etc. de millions de personnes situées en dehors du sol américain. Sauf que les États-Unis partagent les informations ainsi collectées avec certains de leurs alliés, dont le Royaume-Uni. De son côté, le programme Tempora sert de mémoire tampon géante pour l’ensemble des communications transitant par la Grande Bretagne, y compris lorsque celles-ci sont à destination ou à l’origine de citoyens britanniques.
Violations de l’article 8 de la CEDH sur le droit à la vie privée
À l’appui des nombreux articles de presse et documents publiés depuis les débuts de l’affaire Snowden, ces organisations britanniques et l’activiste allemande demandent désormais à la CEDH de reconnaître que les pratiques du Royaume-Uni sont contraires à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, lequel prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».
Bien conscients que ce même article indique dans le même temps que ce droit peut connaître des exceptions (en l’occurrence lorsque la loi le prévoit et si cette mesure est nécessaire, par exemple à la sécurité nationale), les plaignants considèrent que les autorités britanniques ont eu une interprétation trop large des textes. « Le caractère nécessairement secret des interceptions, couplé avec la sensibilité et le spectre de certaines communications Internet, crée de sérieux risques d'intrusion arbitraire de l'État dans de nombreux aspects de la vie privée et des correspondances » ont-ils ainsi fait valoir dans leur plainte auprès de la CEDH.
En quête d'une première condamnation au niveau européen
Il s’agit ici de la première initiative judiciaire déposée devant la cour de Strasbourg depuis le début des révélations sur les différents programmes de surveillance étatiques. Si le Royaume-Uni était sanctionné, la décision des magistrats pourrait potentiellement impacter l’ensemble des autres États ayant signé la CEDH (une quarantaine de pays, dont la France). Ce type de procédure s'avère cependant longue et coûteuse pour les plaignants, qui ont ouvert un site dédié à leur action, « privacynotprism.org.uk ».
L’on rappellera enfin qu’outre les différentes procédures engagées également aux États-Unis, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue française des droits de l'Homme (LDH) ont déposé plainte contre X cet été au nom des différentes atteintes aux libertés individuelles subies par les internautes français - dans le cadre notamment du programme Prism. Le Parquet de Paris a d’ailleurs décidé d'ouvrir une enquête préliminaire dès le 16 juillet dernier, laquelle est toujours en cours.