Fin du cumul des 5 % de réduction et des frais de port gratuits pour les livres

Libraires, taxis, mêmes combats

Les députés français viennent de discuter et de voter la proposition de loi rédigée par plusieurs députés UMP et soutenue par le gouvernement, visant à interdire le cumul de la gratuité des frais de port des livres et la réduction de 5 % pour les sites internet. Un cadeau offert aux libraires, une claque pour les cybermarchands.

Amazon livraison gratuite livre

Adieu la réduction de 5 % pour les libraires en ligne

Tous les libraires ou presque ne cessent de le répéter depuis des années, internet, et plus précisément Amazon, est en train de les tuer à petit feu. Et avec l'essor (limité toutefois) des liseuses et des livres électroniques, certains estiment que les libraires deviendront bientôt aussi rares que les disquaires. En juin dernier, nous vous annoncions en exclusivité qu'un projet de loi était préparé par les députés UMP Christian Jacob, Christian Kert, Hervé Gaymard et Guy Geoffroy. Cette proposition avait pour objectif initial de « ne pas intégrer la prestation de la livraison à domicile dans le prix unique du livre ». Plus précisément, la proposition de loi voulait intégrer les mots suivants dans la Loi Lang : « La prestation de livraison à domicile ne peut pas être incluse dans le prix ainsi fixé. »


Le but était donc de s'attaquer uniquement aux frais de port gratuits des cybermarchands, ceci présentant une forme de concurrence déloyale vis-à-vis des boutiques physiques. Mais les députés sont allés plus loin. Un amendement a en effet été adopté, et son contenu dépasse largement le cadre des frais de port puisqu'il indique que  « lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit. »

Le gouvernement rajoute sa touche

Cet amendement n'a pas été proposé par les députés UMP à l'origine de la proposition de loi, mais par le gouvernement lui-même, et en particulier par Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture. Dans son argumentation, le gouvernement explique que « conjuguée avec l’application systématique du rabais de 5 % que permet la loi, la pratique systématique de la livraison gratuite par certains opérateurs fragilise aujourd’hui » l'équilibre qui avait été trouvé avec la Loi Lang de 1981, à savoir celui de sauvegarder les libraires d'une concurrence acharnée des grandes enseignes.

 

Mais pour le gouvernement, s'attaquer uniquement aux frais de port gratuit n'était pas suffisant. Il est vrai que l'interdire aurait pu être aisément contourné, ne serait-ce qu'en appliquant des frais de port minimes. Qui plus est, la proposition de loi des députés UMP visait la livraison à domicile, ce qui sous-entend qu'une livraison à un autre endroit (point relais, etc.) pouvait éviter l'interdiction. « C’est la raison pour laquelle il est proposé de retenir la rédaction du présent amendement qui se concentre sur la fin du cumul de deux avantages, celui du rabais de 5 % sur le prix du livre et la gratuité des frais de port » précise-t-on dans l'argumentation de l'amendement.


Pour les libraires en ligne, cela signifie donc que proposer des tarifs inférieurs à ceux des libraires physiques sera désormais impossible, à moins de passer par d'autres types de ristournes. Encore faut-il que le texte soit confirmé par les sénateurs dans les semaines à venir.

Pour le SLF, l'objectif ultime d'Amazon est de « bâtir un monopole »

Rappelons qu'en 2007, la gratuité des frais de port sur internet était déjà menacée. Il faut dire qu'en mai 2007, la Cour d’appel de Paris condamnait Alapage pour son système de gratuité des frais de port sur les livres. Le Syndicat de la Librairie Française (SLF), à l'origine de la plainte, a ensuite voulu s'attaquer aux autres cybermarchands, et en particulier à Amazon. Ce dernier a été condamné mais est entré en résistance plutôt que de se plier à la loi. Bien lui en a pris puisqu'en 2008, sous l'impulsion d'Alapage, la Cour de cassation a estimé que la livraison gratuite n'était pas équivalente à une prime, invalidant ainsi la Cour d'appel.

 

Ce même syndicat semble d'ailleurs à l'origine de l'amendement du gouvernement visant à annuler le cumul des frais de port gratuit et de la réduction de 5 %. Dans un communiqué publié le 26 septembre dernier, le SLF explique ainsi que ce cumul permet à Amazon de financer, « grâce à l'évasion fiscale qu'il pratique à grande échelle, une politique de « dumping » visant à étrangler ses concurrents, à contourner le prix unique du livre et à bâtir un monopole qui lui permettra dans quelques années d'imposer ses conditions aux éditeurs et de relever ses prix ».

 

Le SLF estime ainsi qu'Amazon propose la livraison gratuite afin de tuer la concurrence, et qu'il peut se le permettre financièrement du fait de sa présence au Luxembourg et de ses optimisations fiscales. Le syndicat fait de plus remarquer qu'au niveau international, « et à l'exception du Royaume-Uni, Amazon n'offre les frais de port sans minimum d'achat que dans les pays dans lesquels s'applique un prix unique du livre ».

Amazon s'estime non pas concurrent mais complémentaire des libraires

Cette nouvelle attaque contre les frais de port de la part des députés et du gouvernement n'est pas sans générer diverses réactions. Amazon France  a officiellement déclaré que « toute mesure visant à augmenter le prix du livre sur internet pénaliserait d’abord le pouvoir d’achat culturel des Français et créerait une discrimination pour le consommateur sur internet. Cette mesure risque également de ne pas être neutre sur la diversité culturelle : son impact sera le plus important à la fois sur le fond de catalogue et pour les petits éditeurs, pour qui internet peut représenter une large part de leur activité. »

 

Plus tôt, avant le vote des députés, Romain Voog, le président d'Amazon France, avait expliqué au Figaro que l'interdiction du cumul des frais de port gratuits et de la réduction de 5 % « iraient avant tout à l'encontre de l'intérêt des consommateurs, en renchérissant de facto le prix des livres achetés sur Internet par rapport à ceux achetés en magasins. De nombreux consommateurs habitent loin de toute librairie et apprécient de pouvoir acheter leurs livres en ligne ».

 

Pour le patron de la filiale française d'Amazon, un tel vote aura un faible impact sur Amazon, par contre, « cela pénalisera les consommateurs et menacera la diversité culturelle en France, car Amazon offre le plus large choix de livres neufs ou d'occasion en France » avançait-il comme argument dans les colonnes de nos confrères. Voog a de plus expliqué qu'Amazon n'était en aucun cas un concurrent direct des libraires, puisque 70 % de ses ventes ne concernent pas des nouveautés. « Au contraire, les libraires se concentrent sur les nouveautés et ne peuvent pas servir les clients qui demandent des ouvrages plus anciens car ils ne les conservent pas en stock. Nous sommes donc parfaitement complémentaires. » Des propos qui ont certainement dû faire bondir le Syndicat de la Librairie Française.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !