La hausse des barèmes de copie privée réclamée par les ayants droit provoque la colère de l’UFC Que Choisir, de la distribution et des industriels informatiques.
Lors de la dernière réunion en commission copie privée, les ayants droit ont proposé de nouveaux barèmes de copie privée. Suprise ! La plupart des montants explosent : + 113 % sur les smartphones (>64 Go), +326 % sur les tablettes tactiles (>64 Go), + 137 % sur les cartes mémoires, +25 % sur les GPS ou les autoradios à mémoire, etc. Nous avions réalisé ce tableau pour détailler le nivellement réclamé :
Les ayants droit affirment avoir fait preuve de retenue puisque au fil de leurs calculs, « lorsque le poids de la rémunération ainsi déterminée dans le prix de vente moyen du support a paru de nature à affecter significativement le marché du support concerné, des abattements sont proposés pour limiter ces effets ». De même, « un plafonnement de la capacité prise en compte est proposé pour certains supports, pour tenir compte d’incertitudes sur la proportionnalité des volumes de copie privée avec la capacité du support au-delà de certaines capacités pour les supports concernés ». Bref, ces augmentations à deux ou trois chiffres auraient pu être pires.
Ces barèmes doivent désormais être votés en Commission copie privée d'ici la fin de l'année. Pourquoi ? Les anciens barèmes avaient été annulés pour malfaçon par le Conseil d’État. Ils assujettissaient notamment les professionnels et tenaient comptes des sources illicites. C'était interdit mais cela avait effet mécaniquement de maximiser les rendements. Bon prince, le Conseil d’État n’a pas exigé le remboursement des millions de trop perçus. Fin 2011, ces mêmes ayants droit obtenaient même du gouvernement le vote d’une loi faisant subsister ces barèmes illicites, pour une année supplémentaire.
Dans le calendrier, de nouveaux barèmes doivent donc être votés d’ici la fin 2012. Consommateurs et industriels ne s’attendaient évidemment pas à de tels montants alors que la purge réclamée par le Conseil d'Etat aurait dû conduire à un abaissement.
Une dérive
Dans un communiqué, la plateforme Chere Copie Privée (UFC, industriels, etc.) dénonce du coup une « dérive » : « conformément à la directive européenne du 22 mai 2001, la redevance pour copie privée devrait avoir pour objet la compensation d’un préjudice. Or, force est de constater que les nouveaux montants proposés sont exorbitants et ne reflètent en aucun cas la réalité du préjudice subi par les ayants droit. Les montants prélevés au titre de la rémunération pour copie privée sont déjà 4 fois plus élevés en moyenne en France qu’ailleurs en Europe et cette nouvelle hausse des tarifs, répercutée sur le prix de vente des supports, aura un impact immédiat sur le pouvoir d’achat des consommateurs et le développement du marché gris. » Encore et toujours, Chere Copie Privée réclame « une méthodologie de calcul de la RCP claire et transparente prenant en compte la réalité du préjudice lié à la copie privée et l’évolution des usages » et « une gouvernance basée sur une institution indépendante composée de personnes qualifiées n’ayant de relation avec aucune des parties prenantes. »
La France, championne
Les ayants droit sont en position de force au sein de la Commission copie privée : ils ont 12 voix solidaires face aux 6 voix de consommateurs (dont un qui n’hésite pas à voter en leur faveur) et 6 voix des industriels. Ce dernier groupe très hétérogène comprend fabricant, distributeur et opérateurs télécom.
En attendant, la pompe à copie privée fonctionne très bien en France. Le tableau ci-dessus synthétise la situation (en haute définition). Il croise les actuels montants de RCP sur trois produits différents (CD, DVD, disque dur externe 1 To) dans plusieurs pays dont la France. Les données sur les supports ont été relevées dans une étude de la SACEM hollandaise (Thuiskopie), celles sur la population sont issues d’une étude universitaire anglaise.
Dans un cas comme dans l’autre, on voit que les montants français sont très largement au-dessus de la moyenne européenne. Quand la RCP est de 78 cts en Europe par habitant, elle est de 2,6 euros en France. Dans le même sens, l’assujettissement des DVD vierges est d’un euro en France alors qu’il est de 0,25 cts en Europe. Quant aux disques durs externes de 1 To, comptez 20 euros en France, contre 8,5 euros dans les autres pays, en moyenne.