Les explications de Manuel Valls sur l'affaire « DCRI / Wikipédia »

Et salue « le beau projet universel qu'est Wikipédia »

L’exécutif ne s’était guère expliqué sur l’affaire dite « DCRI / Wikipédia », au cours de laquelle un membre de l’association Wikimédia France, également administrateur de la célèbre encyclopédie, fut contraint de supprimer des informations portant sur des installations militaires françaises. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur affirme que « le droit, en l'occurrence le code pénal, a été appliqué » durant cette affaire. Retour sur les explications de Manuel Valls.

wikipedia wikimedia DCRI

 

En avril dernier, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) provoquait un bel effet Streisand pour avoir réclamé d’urgence auprès du président de l'association Wikimédia France, au nom de la défense nationale, la suppression d’une entrée de la célèbre encyclopédie en ligne Wikipédia. La page en question concernait une installation militaire située à Pierre-sur-Haute, dans les monts du Forez.

 

À l’époque, la manœuvre avait suscité de vives réactions. Et pour cause : les pressions exercées lors de la convocation du bénévole de l’association Wikimédia France avaient conduit ce dernier à retirer des informations accessibles pour tous de longue date sur l’encyclopédie libre. Ces dernières se bornaient de surcroît « à agréger des informations publiques, la principale source étant un reportage sur la station diffusé par la chaîne locale "Télévision Loire 7", toujours disponible en ligne » affirmait ainsi le député socialiste Christian Paul, dans une question écrite adressée au ministre de l’Intérieur le 16 avril. Le parlementaire demandait d’une part à Manuel Valls quelles parties de l’article en question avaient justifié la démarche de la DCRI, mais aussi sur quelles bases juridiques celle-ci avait agi.

 

manuel valls

 

Plus de cinq mois et demi après la publication de cette question au Journal Officiel, le « premier flic de France » vient de donner une réponse à cette affaire - sur laquelle l’exécutif ne s’était guère expliqué. Tout d’abord, Manuel Valls relate les prémices du litige, lesquels remontent à plus de trois ans :

 

« En juin 2010, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) était alertée par le ministère de la défense de l'existence sur le site Wikipédia d'un article compromettant des informations, relatives à la chaîne de transmission de l'ordre de mise à feu nucléaire, classifiées Confidentiel Défense et Secret Défense. Avisé, le parquet du tribunal de grande instance de Paris demandait à la DCRI de mener une enquête préliminaire pour atteinte au secret de la défense nationale (articles 413-9, 413-11 et 414-7 du code pénal). En novembre 2010, le vice-président de l'association Wikimédia France était entendu et affirmait que seule la Wikimedia Foundation, Inc., aux États-Unis, pouvait retirer l'article litigieux et identifier son auteur. Une demande d'entraide pénale internationale était donc présentée aux autorités américaines. Ces dernières l'ont toutefois rejetée, au motif que le délai légal de conservation des données était dépassé. Le parquet demandait alors à la DCRI de mettre un terme à son enquête. »

Une première enquête close en 2010, mais rebelote en 2013

Mais cette année, rebelote. « En janvier 2013, le ministère de la Défense informait la DCRI d'une nouvelle mise en ligne d'éléments compromettant des données classifiées, s'ajoutant à celles déjà accessibles sur Wikipédia » explique le ministre de l’Intérieur. Une nouvelle fois, le Parquet a confié une enquête préliminaire à la DCRI pour atteinte au secret de la défense nationale. « Le ministère de la défense faisait valoir que la publication de ces informations, classifiées, causait un préjudice important à la défense nationale » affirme Valls.

 

Sauf que la réponse du président de Wikimédia France, entendu par la DCRI en février, restait la même qu’en novembre 2010. Le ministre de l’Intérieur fait ainsi valoir que ce dernier « affirmait que, bien que possédant les droits d'administrateur du site Wikipédia, il ne prendrait pas la responsabilité de supprimer des données diffusées par la Wikimedia Foundation, Inc. ». La suite demeurait identique : en dépit des demandes formulées par les forces de l’ordre auprès de l’organisation américaine, cette dernière refusait de retirer les contenus considérés comme classifiés par les autorités françaises. Pourquoi une telle opposition ? La fondation expliquait au travers d’un communiqué que « rien ne lui permettait de déterminer le caractère litigieux de l’article incriminé » au regard des informations qui lui étaient fournies.

 

« Devant le refus des dirigeants de cette fondation de retirer toute information en ligne, le président de l'association Wikimédia France, administrateur de Wikipédia, qui risquait une mesure de garde à vue pour complicité de compromission du secret de la défense nationale, était une nouvelle fois convoqué en avril par la DCRI ». Nous y voilà... La suite, telle que racontée par la Place Beauvau, est bien connue. « L'intéressé consentait à supprimer l'article », poursuit ainsi le ministère de l’Intérieur.

Circulez, y'a rien à voir ! 

Conclusion de Manuel Valls ? « Rien dans cette affaire ne saurait s'apparenter à une quelconque atteinte à la liberté d'expression ou à la liberté de la presse ». D’après lui, « le droit, en l'occurrence le code pénal, a été appliqué ». Bref, circulez, y’a rien à voir ! Sans préciser quelles parties de l’article en question justifiaient l’action de la DCRI - et donc sans attester de leur classification - le premier flic de France couvre ses services et contredit la version de ceux qui affirmaient que toutes les informations contenues dans cet article étaient « publiques ».

Valls salue « le beau projet universel qu'est Wikipédia » 

Prenant un peu de recul sur le sujet, comme l’y avait invité le député Christian Paul, Manuel Valls ajoute que « les vérifications entreprises n'ont pas permis de déceler la mise en ligne par Wikipédia d'informations aussi détaillées sur les bases américaines que celles présentes sur les bases militaires françaises ». Autrement dit, l’encyclopédie libre serait davantage fournie s’agissant de nos installations militaires que de celles de nos voisins d’outre-Atlantique. « Or, bien qu'elle soit de droit américain, il est légitime que la fondation Wikimédia respecte les lois et règlements et intérêts fondamentaux de l'ensemble des espaces culturels couverts par le beau projet universel qu'est Wikipédia » lance le ministre de l’Intérieur, sans que l’on comprenne en quoi un plus grand nombre de détails signifie automatiquement que la publication de ceux-ci est illicite...

 

« Au-delà de cette situation particulière, il faut aujourd'hui faire face au déploiement des nouvelles technologies et repenser le cadre de nouveaux équilibres entre l'exigence absolue de respect de la liberté d'information et l'exigence tout aussi absolue de sauvegarde de la sécurité des intérêts fondamentaux de la nation » conclut Manuel Valls. L’intéressé laisse ainsi entendre que le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité, dont les conclusions sont promises pour la fin du mois prochain, devrait se pencher sur le sujet.

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