Outre une hausse sensible des dommages et intérêts que les sociétés de collecte et de répartition vont pouvoir toucher, la proposition de loi du sénateur Richard Yung contient d’autres dispositions qui vont intéresser ces Sacem & co. L’une touche particulièrement aux demandes de paiement dirigées contre ces sociétés de gestion collective.
Dans une série de « dispositions diverses » à sa toute récente proposition de loi sur la contrefaçon, le sénateur Richard Yung propose de modifier un article important du code de la propriété intellectuelle. Cet article est le L321-1, lequel définit le statut des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD, droits d'auteur, droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes). Ces sociétés civiles ont ainsi la capacité d’agir en justice pour la défense des droits dont elles ont la charge.
Concrètement, elles représentent les intérêts des auteurs, des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes, des éditeurs ou leurs ayants droit. Mais parfois, il arrive que ces mêmes personnes intentent une action en paiement des droits perçus par ces SACEM & co.
Dans de telles hypothèses, le terrain est vaste puisque ces actions se prescrivent par dix ans à compter de la date de perception des droits.
Une prescription de 10 ans ramenée à 5 ans
Le sénateur Richard Yung - qui veut déjà muscler les demandes de dommages et intérêts des SPRD – veut aussi s’attaquer à ce délai de prescription.
Il propose de remplacer ces dix ans par une prescription de cinq ans. En clair, les sommes litigieuses dans les caisses des SPRD pourront être définitivement gardées au bout de cette période réduite. A 5 ans et un jour, les éventuelles actions en justice seront aussi efficaces qu’un coup d’épée dans l’eau.
Ce n’est pas la première fois que le sénateur milite pour un tel délai. Dans une précédente proposition de loi déposée en juillet 2011, restée dans les cartons, il justifiait ces 5 ans par un « souci de rationalisation et de simplification de notre droit ». Et pour cause : le délai de prescription est aussi celui de droit commun.
Richard Yung avait également interrogé la SACEM qui approuvait des deux mains une telle réduction : « la survivance de la prescription décennale, en ce qui concerne les actions en paiement de droits exercées par les associés de sociétés de gestion contre la société à laquelle ils ont confié la gestion de leurs droits, et à laquelle ils peuvent par conséquent demander à tout moment compte de sa gestion, ne paraît pas constituer une exception appropriée. ». A 5 ans plutôt que 10, la SACEM retrouvera une pleine sérénité deux fois plus rapidement qu’aujourd’hui. Pour arrondir les angles, la puissante SPRD affirmait alors que les actions intentées entre les 5 et 10 ans de la perception « ont été rarissimes et n'ont pu aboutir faute de preuve ». Bref, pas de danger : rabotons, cela n’aura pas de douloureux effets.
Mais n’empêchera pas les effets bénéfiques.
L’effet bénéfique sur les irrépartissables
L’actuel délai de 10 ans sert en effet de « borne » pour déterminer quand une somme en souffrance sur le compte bancaire des SPRD bascule dans la catégorie des « irrépartissables » (voir le 2° de l'article L321-9 du Code de la propriété intellectuelle). Ce sont des sommes collectées qui n’ont pu être réparties faute pour les SPRD d’avoir pu retrouver leurs bénéficiaires en bout de chaine.
Avec un délai raboté à 5 ans, ces mêmes sommes dont les ayants droit n'ont pas été retrouvés seront donc requalifiés plus rapidement en « irrépartissables ». Et ensuite ? Conformément à ce même article L321-9 du Code de la propriété, ce flot financier sera réutilisé pour des « actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes », financer l’action syndicale ou la lutte contre la contrefaçon, au même titre que les 25 % de la copie privée.