BlackBerry peut-il rebondir ? Entre espoirs et désespoirs

L'espoir, c'est la quintessence des illusions humaines

Peu après avoir annoncé l'abandon du marché grand public pour se concentrer sur les professionnels, BlackBerry a reçu cette semaine une offre d'un consortium afin de redevenir privé (i.e. sortir de bourse). Une nouvelle majeure dans le secteur mobile, qui fait suite au rachat de Motorola par Google et à celui de Nokia par Microsoft. Mais le Canadien peut-il avoir de l'espoir dans sa reconversion ?

  BlackBerry Z30

 

La société Fairfax Financial Holdings Limited, qui dirige le consortium qui souhaite mettre la main sur BlackBerry, l'assure : elle a confiance en l'avenir du constructeur de smartphones et a même « une stratégie à long terme » pour la société, notamment pour le secteur professionnel. Abandonner le marché grand public est un pari qui peut tout aussi bien être salvateur que destructeur. D'un côté, l'entreprise nord-américaine a réalisé des dépenses faramineuses pour développer des produits pour le grand public, tout ceci pour des retours sur investissement médiocres. La PlayBook en est le meilleur exemple. De l'autre, le secteur professionnel rime souvent avec des marges supérieures au grand public, ce qui pourrait bien permettre à BlackBerry de rebondir.

 

Ces dernières années, et plus encore ces derniers jours, le Canada craint toutefois de perdre à nouveau l'un de ses pilliers. L'affaire Nortel Networks (voir plus bas) est en effet dans toutes les mémoires. Il faut dire que les points communs avec BlackBerry sont troublants. Mais il est aussi possible de jeter un œil vers les exemples positifs de reconversion et d'alliance bien réalisée. Celui de SEGA par exemple.

Le bon exemple SEGA

Créé au début des années 1950, le Japonais SEGA est surtout connu dans le monde entier pour ses consoles de salon, en particulier la Megadrive, et sa console portable Game Gear. La société est aussi fameuse pour avoir difficilement abordé la fin des années 1990, avec l'échec de la Saturn et surtout de la Dreamcast, dont la durée de vie ne fut que de trois ans suite à son arrêt de production en 2001.

 

Depuis plus d'une dizaine d'années, SEGA a donc délaissé le secteur des consoles à Sony, Nintendo et Microsoft. Pour autant, la firme nipponne se porte à merveille. Si les  échecs de la Dreamcast ou encore de la Nomad ont été douloureux, notamment pour son image, la dernière décennie a été utilisée pour rebondir. Après quelques années très difficiles financièrement au début des années 2000, la société a été rachetée en 2004 par Sammy Corporation, une entreprise japonaise spécialisée dans les pachinkos, ces fameuses machines à sous un peu spéciales.

 

Ce rachat est en fait une fusion, dès lors qu'une holding nommée SEGA Sammy Holdings Inc. est fondée afin de gérer les affaires des deux sociétés (SEGA et Sammy donc). Or il se révélera que cette acquisition a été primordiale dans la vie de SEGA, comme le montre parfaitement son dernier bilan financier. D'un côté, le chiffre d'affaires et les bénéfices du groupe explosent. De l'autre, nous pouvons nous rendre compte que la branche jeux vidéo, principalement représentée par SEGA donc, a des difficultés à être rentable. Qui plus est, les jeux vidéo représentent à peine un cinquième du chiffre d'affaires du groupe.

 

Aujourd'hui, si SEGA existe encore et se permet de développer des jeux vidéo pour consoles et smartphones, il ne le doit qu'au succès des pachinkos de Sammy. Véritables phénomènes au Japon, ces machines génèrent des milliards de yens chaque trimestre, et elles permettent surtout à SEGA de se développer. Ce dernier a d'ailleurs racheté Relic Entertainment en début d'année, studio bien connu pour ses jeux comme Homeworld (dont la franchise n'appartient toutefois pas à SEGA) ou encore Warhammer 40,000 et Company of Heroes.

 

SEGA doit donc son salut à Sammy, et pour le moment, il n'est pas question d'éteindre la division jeux vidéo du groupe.

Le contre-exemple Nortel Networks

Changeons de secteur avec le cas Nortel. Il y a encore quelques années, cette société canadienne était un géant dans son marché, à savoir les réseaux et la télécommunication. Ses principaux concurrents étaient donc Ericsson, Alcatel-Lucent, ou encore Nokia Siemens Networks. Présente partout dans le monde, elle signait des contrats de plusieurs centaines de millions voire de plusieurs milliards de dollars avec les opérateurs mobiles. La firme comptait à son apogée plus de 90 000 employés à travers le monde, et sa valeur représentait près d'un tiers de la bourse de Toronto. Nortel Networks était la fierté du Canada. Mais ça, c'était avant.

 

Au début des années 2000, après l'explosion de la bulle, son PDG (John Roth) quitte le groupe, qui annonce en 2001 des pertes historiques et astronomiques de plus de 19 milliards de dollars US. Un record pour le Canada même. Une forte restructuration a alors débuté, avec des licenciements massifs, des ventes d'activités et des choix stratégiques très critiqués. Le feuilleton durera en fait huit longues années, jusqu'à la faillite du groupe en 2009. Triste fin.

 

Entre temps, les dirigeants de l'époque (après le départ de John Roth) ont été impliqués dans une affaire de manipulation de résultats financiers en 2002 et en 2003, ce qui a d'ailleurs poussé à leur licenciement l'année suivante. Ils ont toutefois été jugés non-coupables par la Cour supérieure de l'Ontario, faute de preuve. Enfin, en 2011, vous avez certainement entendu parler de Nortel du fait de sa vente de 6000 brevets pour 4,5 milliards de dollars à des entreprises bien connues comme Apple, Microsoft, Ericsson, Sony ou encore RIM.

 

BlackBerry peut-il pour autant être un nouveau Nortel ? Pas forcément. Certes, la société a quelques points communs, dont sa nationalité, sa direction à plusieurs (durant un temps), sa difficulté à s'opposer à la concurrence mondiale, ou encore ses choix stratégiques plus que contestables. Mais BlackBerry n'a surtout pas les mêmes problèmes financiers que ceux rencontrés dans le passé par Nortel. Il n'a pas de dettes et dispose même de 2,6 milliards de dollars de cash. Et ses comptes n'ont pas été manipulés, tout du moins pas aux dernières nouvelles. Qui plus est, le marché des appareils pour professionnels est à la fois important et ouvert. Apple y est présent, et Samsung tente de s'y intégrer, mais BlackBerry jouit d'une forte crédibilité dans ce marché. Le viser en priorité n'a donc rien d'insensé.

 

Fairfax et ses alliés ne sont probablement pas les équivalents de Sammy. Ils pourraient toutefois permettre à BlackBerry de souffler un peu, loin de la pression des actionnaires, afin de mieux rebondir dans quelques années. Le pari est risqué, mais pas perdu d'avance.

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