Le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel actuellement au Sénat veut obliger l’ensemble des sites de vidéo à la demande et de TV de rattrapage (SMàD, service de média à la demande) à se déclarer auprès du CSA. Une idée démolie par l’ASIC, l’association du web 2.0 qui comprend YouTube et Dailymotion dans ses rangs.
David Assouline a fait adopter en commission de la Culture des amendements pour contraindre les éditeurs et distributeurs de SMàD à déclarer leur existence au CSA. Une demande poussée par le rapport Lescure. Le sénateur socialiste s’en justifie ainsi : « le CSA qui est en charge de la bonne application des obligations (…) notamment en matière de déontologie, de protection des mineurs, de production et de promotion des œuvres, a de grandes difficultés à recenser ces SMàD et à faire appliquer la législation. »
Obliger tous les services de vidéo à se déclarer au CSA
En somme, la régulation de ce secteur dépend des capacités du CSA à les identifier. En obligeant les services en ligne à se déclarer auprès de lui, Assouline veut inverser la logique. A défaut, « le travail de recensement complexe qui s’impose ainsi au Conseil présente le risque d’être partiel et de mettre en cause l’effectivité de la régulation. Il semble donc souhaitable que la loi dispose d’une obligation de déclaration préalable. »
Une régulation effective ? En matière de protection des mineurs, les textes obligent les SMàD à une classification et une signalétique identiques à celles existantes pour la TV (tous publics, -10 ans, -12 ans, -16 ans, -18 ans). Ces services en ligne doivent encore isoler les programmes « déconseillés ou interdits aux mineurs de 18 ans » dans un espace verrouillé. En outre, les SMàD d’une certaine importance doivent soutenir la création par une série de prélèvements et d’obligation d’exposition des œuvres françaises ou européennes.
Assouline le jure, main droite en l’air : « Il ne s’agit pas d’un contrôle a priori, mais de la fixation de règles minimales. Les réflexions menées dans le présent projet de loi ne visent absolument pas à instituer une forme de « gendarme de l’Internet », risquant de se transformer en néo Big Brother. »
Une autorisation préalable déguisée et donc interdite ?
Du côté des acteurs du Web comme YouTube ou Dailymotion, réunis au sein de l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC), on tire la sonnette d’alarme. Si l'actuelle définition des SMàD laisse à ce jour de côté les sites contributifs ou ceux où la part vidéo n’est qu’accessoire, « demain, ce sont les blogueurs, les sites de e-commerce, les journaux en ligne, les jeunes créateurs, tous ces acteurs qui ont décidé d’avoir recours à la vidéo pour faire usage de leur liberté d’expression, qui vont se retrouver soumis à une censure préalable ». FUD ? Le CSA a pourtant déjà marqué son vif intérêt à contrôler les contenus de Dailymotion ou Youtube, sites contributifs par excellence.
Juridiquement, l’article 4 de la directive e-commerce de 2000 interdit expressément que les prestataires en ligne puissent être soumis à un régime d'autorisation préalable, « ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent ». Pour l’ASIC, la déclaration préalable – qui n’est pas une autorisation préalable - s'assimile ici à une exigence « ayant effet équivalents » compte tenu de la régulation qui se cache derrière.
Du côté du Sénat, David Assouline tente de contourner cette critique attendue : « la déclaration constitue une simple mesure d’information de l’autorité auprès de laquelle cette formalité doit être accomplie, sans qu’elle puisse, de ce seul fait, s’opposer à l’exercice de l’activité en question. Il ne s’agit donc pas d’une exigence contraignante ou restrictive de liberté, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1971, à propos de la liberté d’association. »
Il reste que le CSA par ce biais va pouvoir obliger tous les acteurs concernés à rentrer dans ses rangs, sous peine de sanctions. De plus, avec ces déclarations d’existence, il pourra préparer les premières briques du grand projet du rapport Lescure : lui confier les manettes de la régulation des contenus numériques en ligne. La connaissance précise des plateformes en ligne lui permettra de les inciter très fortement à des mesures pro actives contre les contenus illicites.