Distributeurs et importateurs se déchirent sur le décret Copie privée

Pour le plus grand bien des ayants droit

« Bruxelles n’a soulevé aucun problème. Il faudra donc publier ce décret puisqu’il n’y a plus aucun obstacle de fond ». Pascal Rogard (SACD), un des ayants droit qui perçoit la redevance pour copie privée, nous a indiqué que le décret « Notice affichage et facturation » serait bien publié le 1er janvier 2014 confirmant une information révélée dans nos colonnes en mars 2013.

ministère de la culture

 

La loi du 20 décembre 2011 bouleverse quelque peu les lignes en matière de copie privée. Elle oblige théoriquement l’information du consommateur sur le niveau de copie privée prélevée sur les produits qu’il compte acheter. La même loi organise le principe d’un remboursement des acheteurs « professionnels » (comprendre « non particuliers »). Une notice doit également accompagner cette vente pour expliquer aux pros cette faculté de remboursement et aux consommateurs les finalités de la ponction : compenser la possibilité pour le particulier de faire une copie privée et expliquer le financement de l’action culturelle puisque 25 % des sommes prélevées sont conservées à cette fin par les sociétés de collecte et de répartition.

 

En même temps qu’était publiée au journal officiel la loi du 20 décembre 211 sur la copie privée, le ministère de la Culture et Bercy officialisaient le même jour un texte d’application pour le moins contrariant. Il conditionne le remboursement des pros à la fourniture d’une facture mentionnant le montant de la copie privée. Mais Aurélie Filippetti s’est bien gardée d’imposer cette obligation de facturation voilà pourquoi si peu de sommes ont été restituées aux pros (voir notre test).

 

Un projet de décret en ce sens a toutefois été notifié à Bruxelles début 2013 comme le veut une directive dès lors qu’un texte touche à la « société de l’information ». Dans la version révélée par PC INpact, ce deuxième texte veut obliger les détaillants à informer le consommateur sur le montant de la copie privée affiché par famille à proximité des supports concernés. Lorsque l’affichage ne sera pas possible ou que le revendeur utilise un site, le décret se contentera d’une information « par tout moyen approprié ». La notice explicative pourra être diffusée sur un site géré par le ministère de la Culture. Enfin, le niveau de copie privée sera affiché sur les factures afin que les pros puissent obtenir le remboursement de ce qu’ils n’avaient pas à payer.

Les remboursements des pro effectifs dès le 1er janvier 2014, sauf que...

Si on résume, la loi prévoit le principe du remboursement des pros. Le ministère de la Culture le conditionne à la fourniture d’une facture mentionnant le niveau de prélèvement. Et un projet de décret veut obliger cette obligation de facturation seulement à partir du 1er janvier 2014.

 

Nous avons eu plusieurs échos ces derniers jours laissant entendre que ce projet de décret resterait dans les tiroirs. Du côté de la Fédération des ventes à distance, les derniers échanges avec Bercy datent de début juillet quand le décret partait en Conseil d’État. Là, elle a évidemment soulevé les difficultés de mise en œuvre de ces futures obligations. Mais du côté des ayants droit, ce texte doit être publié puisque Bruxelles n’a émis aucune critique sur le dispositif. « C’est une mesure de transparence, en quoi la distribution peut-elle s’y opposer ? Il y a eu un consensus général » nous assure Pascal Rogard.

 

La loi du 20 décembre 2011 avait entretenu le flou sur la prise en charge de ce dispositif. Est-il normal que les détaillants supportent finalement ces frais d’étiquetage ou de facturation ? Pascal Rogard botte en touche par une autre question : « est-ce qu’on les aides quand ils étiquettent des produits ou indiquent que tel yaourt a tant de glucide ? ». Réponse de la FEVAD : « Ces indications sont liées à des impératifs de santé, la copie privée est conçue pour que les ayants droit touchent de l’argent ». Nuance.

 

Pour les boutiques en dur, l’idée serait que les magasins puissent afficher la copie privée en tête de gondole, non sur les étiquettes de prix déjà bien occupées par l’éco-participation. « Sur internet, nous avons un peu moins de souci d’espace ou de facturation » admet la FEVAD, avant de tempérer : « rajouter des lignes c’est toujours compliqué, d’autant que les barèmes sont modifiés suivant les décisions de la commission copie privée ou les décisions d’annulations du Conseil d’État alors que nous révisons les catalogues B2C généralement tous les 6 mois. Nous avons demandé du coup un renvoi vers les barèmes affichés sur le site de la Commission afin d’être sûr d’avoir les bonnes informations en permanence. »

 

La Fédération ajoute qu’« il faudra attendre la publication de l’arrêté détaillant le décret. Nous avons en tout cas demandé un délai entre la publication du décret et sa mise en œuvre effective. »

Les solutions préconisées par le rapport Castex sur la copie privée

La socialiste Françoise Castex est depuis intervenue dans ce débat épineux. Dans un projet de résolution, elle demande à ce que la copie privée soit récoltée non dans l’Etat du consommateur mais dans celui où le produit a été placé pour la première fois sur le marché européen. L’eurodéputée préconise d’interdire par la suite les perceptions dans les autres États pour éviter le risque de cumul de redevance. Contrairement à la Commission européenne, qui se montre favorable à un assujettissement chez le détaillant – afin de ne facturer la RCP qu’au consommateur final – l’eurodéputée estime que la ponction pourrait être affichée dès l’importation, ce qui soulagerait la charge des distributeurs.

 

Mais l’idée est rejetée en bloc par le Simavelec, syndicat de l’industrie de l’électronique. « Tout arrive à Amsterdam, il n’y a pas de stock qui vise directement la France. Sticker ensuite chaque produit, c’est un peu compliqué ! » D’autant qu’il existe des pays sans RCP ou avec des niveaux totalement différents. Il faudrait donc deviner dès Taiwan ou à l’entrée à la frontière si tel colis va en France, en Belgique ou en Allemagne.

Pour l'harmonisation

Pour Marine Pouyat, responsable juridique à la FEVAD, malgré tout, « ce choix favoriserait l’harmonisation tout en évacuant le casse-tête des distributeurs ». Harmonisation ? « Lorsque nous demandons aux consommateurs pourquoi ils achètent à l’étranger, la première raison invoquée est celle du prix. C’est une étude Médiamétrie sur les usages des internautes qui le dit. Entre 2011 et 2012, les achats vers les sites étrangers ont pris trois points de plus. Or, on n’achète pas un réfrigérateur ou une télé à l’étranger du fait des frais de livraisons. L’intérêt se concentre donc sur les petits produits qui ne pèsent pas lourd comme les disques durs externes, les tablettes, les smartphone », tous soumis à copie privée.

 

Laissant s’envenimer la mêlée entre distributeurs et importateurs, les ayants droit savent qu’ils ne pourront être accusés d’avoir bloqués ce dispositif si celui-ci coince chez les détaillants. Ceux-ci porteront donc le chapeau et les bénéficiaires de ces 180 millions d’euros collectés chaque année n’auront qu’à se contenter de percevoir sans avoir à rembourser les pros.

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