En Allemagne, la riposte graduée version Hadopi n’existe pas. Les ayants droit passent directement par la case justice, en tentant malgré tout parfois une tactique pour obtenir facilement et rapidement de l’argent de leurs proies, comme l’illustre une situation récente mise en avant par TorrentFreak. Explications.
En France, comme en Allemagne ou aux États-Unis, de nombreux ayants droit font surveiller les réseaux peer-to-peer par des sociétés tierces. L’objectif ? Que celles-ci repèrent les adresses IP d’abonnés dont la ligne servirait pour télécharger ou mettre à disposition illégalement certaines de leurs œuvres protégées. Une fois cette adresse IP à la disposition de l’ayant droit, celui-ci se voit offrir plusieurs options.
Chez nos voisins d’outre-Rhin, la 20th Century Fox a par exemple décidé de demander à la justice à ce que les fournisseurs d’accès à Internet du pays lui transmettent les données d’identification correspondant à plusieurs adresses IP à partir desquelles des échanges d’épisodes de la série Homeland auraient été effectués. Résultat ? Une fois cette formalité accomplie, les abonnés pris dans les filets ont reçu une lettre au délicat parfum et signée de la filiale allemande de la célèbre major du cinéma.
Au choix : 726 euros ou le tribunal
Le deal suivant est mis sur la table : soit le titulaire de la ligne accepte de verser tout de suite 726 euros à la 20th Century Fox, soit cette dernière envisagera d’éventuelles poursuites devant les tribunaux. Sachant qu’il ne s’agit que du téléchargement d’un seul épisode de la saison 2 de Homeland, l’addition a dû sembler très salée aux yeux de certaines personnes menacées... Les épisodes en question étaient en version originale sous-titrée en allemand, tout simplement parce que la diffusion de cette nouvelle saison n’a pas encore débuté outre-Rhin.
Crédits : TorrentFreak.
Le procédé n'est pas seulement discutable sur la forme. Rien n’atteste par exemple que le titulaire de la ligne soit celui qui est effectivement à l’origine du prétendu téléchargement illégal. Nos confrères soulignent également un aspect intéressant de la procédure : son automaticité. La justice a en effet validé la demande d’identification de l’IP mise en avant par TorrentFreak le même jour que celui où l’abonné a été flashé sur un réseau BitTorrent.
Un véritable business pour les ayants droit
Si les personnes menacées plient, la manoeuvre se révèle relativement lucrative pour les ayants droit, qui évitent en outre les frais d’avocats ou de procédure occasionnés par un procès - dont l’issue peut s’avérer lointaine et incertaine. La technique est d’ailleurs très répandue aux États-Unis, mais aussi chez nos voisins britanniques. Celle-ci y est souvent axée sur les contenus pornographiques, y compris sur le porno gay. Et pour cause : la consommation de ces contenus est moins bien vue socialement que celle d'épisode de séries « grand public », ce qui pousse davantage les abonnés accusés à passer à la caisse, quand bien même ils n’y seraient pour rien.
Pour mémoire, en France aussi, des abonnés avaient reçu en 2009 des courriers de l’éditeur allemand de film X Magmafilm. Ce dernier leur demandait à l’époque de verser une somme de 316 euros dans un délai de 8 jours s’ils ne voulaient pas être poursuivis (voir notre article).
En France, les procédures sans avertissement Hadopi continuent
Rappelons également que dans notre pays les ayants droit de la musique et du cinéma font flasher des milliers d’adresses IP à Trident Media Guard (TMG) chaque jour. Sur ce lot, chacune des cinq sociétés de gestion collective autorisées peut adresser quotidiennement jusqu'à 25 000 IP à la Hadopi afin que celles-ci soient traitées dans le cadre de la riposte graduée.
Mais certaines d’entre-elles sont mises de côté, pour faire par exemple l’objet d’une action en contrefaçon. L’internaute mis en cause s’expose alors à des sanctions bien plus importantes (jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende), sans le moindre avertissement préalable. L’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) nous confiait ainsi en janvier dernier que près de 300 dossiers étaient actuellement en cours dans ce cadre-là. C’est suite à ce type de procédure qu’un Amiénois de 31 ans a été condamné au début de l’année à 90 jours-amende de 5 euros pour avoir mis à disposition 18 films en peer-to-peer - soit un total de 450 euros - plus 2 200 euros de dommages et intérêts.