Le climat entre NVIDIA et la communauté est tendu depuis longtemps, le constructeur n’ayant jusqu’à présent jamais publié de documentation complète sur ses GPU. La situation pourrait toutefois prendre un nouveau tournant avec la diffusion de documents que les concepteurs de pilotes pourraient utiliser.
Une situation tendue jusqu'à maintenant
L’année dernière, Linus Torvalds avait fait parler de lui avec un geste grossier destiné à NVIDIA. Un acte en réaction à la ligne sévère imposée par NVIDIA sur ses pilotes : utiliser sa propre infrastructure plutôt que celle de Linux. Dans les distributions libres, les développeurs ont été contraints de se reposer sur l’ingénierie inverse pour produire les pilotes Nouveau. Malgré des demandes répétées, NVIDIA avait jusqu’à présent refusé de transmettre les informations techniques essentielles pour une prise en charge efficace et complète.
Pourtant, la situation évolue. Alors qu’on ne l’attendait plus vraiment sur ce terrain, le constructeur vient de publier une première documentation technique. Celle-ci concerne la disposition du Device Control Block (DCB) dans le VBIOS des cartes vidéo. Sachez que dans les grandes lignes, ces informations concernent la disposition des composants sur la carte, sa topologie ainsi que l’emplacement des connecteurs vidéo.
Un vrai pas du constructeur
NVIDIA, dans son message d’annonce, joue même la carte de l’humilité : « Je pense que la majorité des informations dans ce document ne seront pas des nouveautés pour la communauté Nouveau, mais cela aidera je l’espère à confirmer votre compréhension ou à étoffer l’implémentation de certains cas qui n’étaient pas gérés » indique ainsi Andy Ritger. Il ajoute que plusieurs développeurs de chez NVIDIA surveilleront désormais ce qui se passe du côté de Nouveau pour en suivre les avancées. La firme se dit même ouverte au dialogue, notamment sur un point précis : remonter les demandes pour aider les développeurs à donner des priorités sur les documents à publier.
La décision ne manque pas d’intérêt. Du côté de la communauté Linux, on trouve plusieurs types de réactions. Chez Canonical par exemple, Maarten Lankhorst a répondu à NVIDIA qu’il s’agissait d’un vrai bon pas, les félicitant pour ce virage. Il s’engouffre d’ailleurs dans la porte ouverte en indiquant que les soucis se concentrent essentiellement sur l’horloge vidéo et la gestion de l’énergie, deux traits largement spécifiques à chaque carte. Il demande du coup une vraie documentation complète sur le bios vidéo, tout en sachant qu’un tel effort demandera du temps.
Torvalds reste prudent
Du côté de Linus Torvalds, l’heure est cependant à l’attente, tout en constatant que le mouvement se fait dans la bonne direction : « Nous verrons » indique-t-il à Ars Technica, « Je suis prudemment optimiste sur le fait qu’il s’agisse d’un vrai changement dans la manière dont NVIDIA perçoit Linux ». Il ajoute que les documents publiés sont « relativement limités » et qu’ils ne sont en eux-mêmes pas une grande avancée. Toutefois, il espère qu’il s’agit d’un vrai premier pas : « Si NVIDIA suivait vraiment et s’ouvrait davantage, ce serait naturellement excellent ».
Andy Ritger a confirmé à Ars Technica de son côté que « d’autres informations sur le bios vidéo sont en préparation ». Il ajoute d’ailleurs : « Notre objectif avec le pilote Nouveau est de donner aux utilisateurs NVIDIA une première expérience raisonnable. Cela comprend des éléments tels qu’une bonne initialisation du GPU, la configuration de l’écran, et les rendus basiques 2D et 3D ». Ce qui reste à publier sera « largement basé sur les retours de la communauté Nouveau », précisant d’ailleurs que les informations sur le DCB se révèlent jusqu’à présent plus utiles que prévu.
Il faut remarquer que ce mouvement de NVIDIA intervient dans un contexte bien particulier. Valve a en effet annoncé SteamOS, son système d’exploitation pensé pour le jeu vidéo. Or, même si l’entreprise est particulièrement déterminée à travailler sur sa plateforme, une partie de la bonne expérience de jeu vient des pilotes : plus la qualité augmente, plus les performances grimpent. Une bonne gestion du matériel permet en outre de tirer vraiment parti des spécificités et surtout de mettre en place des économies d’énergie dès que c’est possible.