Interrogé hier par le Journal du Dimanche, Jean-Yves Charlier, PDG de SFR depuis quelques semaines, a abordé plusieurs sujets, dont les nouveaux forfaits 4G, une fusion avec Numericable et le partage de réseaux mobiles avec Bouygues Telecom. Un rapprochement avec Bouygues qui l'a mené à déclarer qu' « au bout du compte, n'avoir plus que deux réseaux est une possibilité ».
Jean-Yves Charlier, PDG de SFR.
Pas d'alliance avec Numericable pour le moment
SFR vit probablement l'une des périodes les plus complexes de son histoire. L'arrivée de Free Mobile a chamboulé ses taux de croissance, l'opérateur a pour la première fois poussé au départ de centaines de salariés, sa tête a changé de visages plusieurs fois en quelques mois, la concurrence s'active comme jamais pour la 4G et sa box internet souffre de la comparaison avec les autres FAI.
Rajoutons que Vivendi a récemment annoncé qu'il comptait bien se séparer de la société au carré rouge, ce qui pourrait impliquer une entrée en bourse l'an prochain. Et selon certaines rumeurs, cela pourrait même faciliter un rapprochement avec Numericable, qui entrera en bourse d'ici quelques semaines sauf surprise de dernière minute. L'idée avait été officiellement formulée par la direction de Numericable l'an passé déjà. Mais SFR n'a pas changé son point de vue sur le sujet, c'est toujours un non catégorique.
« Une fusion avec Numericable n'est pas à l'ordre du jour » a ainsi affirmé Jean-Yves Charlier à notre confrère. Elle est non seulement difficile du fait de l'Autorité de la concurrence, mais surtout, SFR préfère pour le moment se concentrer sur son futur accord avec Bouygues Telecom. « Ce serait un accord historique qui permettrait d'économiser plusieurs centaines de millions d'euros d'ici à 2020. Il nous donnera une meilleure couverture qu'aujourd'hui, aussi bonne que celle d'Orange » se félicite par avance le PDG. Ce dernier note ainsi que SFR n'a pour le moment pas besoin d'une consolidation du secteur pour avancer.
« N'avoir plus que deux réseaux est une possibilité »
Mais la remarque la plus surprenante de la part de Jean-Yves Charlier ne porte pas sur Numericable mais bien sur son analyse du marché. Il rappelle ainsi qu'il faut « redonner à la filière télécoms un avenir et une vision », c'est-à-dire à la fois des tarifs compétitifs et un budget suffisant pour investir massivement dans les réseaux. Une rengaine connue de la part des grands opérateurs, qui ne cessent de répéter depuis plusieurs années, avant même l'arrivée de Free Mobile, que la guerre des prix implique une baisse des revenus et donc un recul des investissements, ce qui par conséquent pourrait entrainer un réseau de plus faible qualité si la situation venait à ne pas s'améliorer. Cela explique ainsi pourquoi SFR et Bouygues veulent mutualiser une partie de leurs réseaux 2G, 3G et 4G.
Cependant, pour le PDG de SFR, si des fusions économiques pures et simples ne sont pas à l'ordre du jour, des rapprochements de réseaux sont par contre plus probables. « Au bout du compte, n'avoir plus que deux réseaux est une possibilité. Notre axe avec Bouygues Telecom est clair. Free est, de son côté, déjà lié à Orange » a-t-il ainsi résumé au micro du JDD.
Stéphane Richard : « Je ne ferme aucune porte »
Cette remarque fait donc à la fois écho au futur accord de mutualisation entre SFR et Bouygues, mais aussi aux derniers propos de Stéphane Richard, le PDG d'Orange. Ce dernier a ainsi affirmé à La Tribune il y a environ deux semaines que « si Bouygues Telecom et SFR vont au bout de leur accord [de mutualisation, ndlr], il est clair que cela ne nous laisse plus tellement de possibilités », le sous-entendu envers Free Mobile étant ici évident. D'autant plus qu'il a précisé sa pensée : « l'accord d'itinérance préfigurait un peu ces questions-là. (...) La mutualisation des réseaux s'inscrit dans une grande logique historique. Je ne ferme aucune porte. »
Bien entendu, la possibilité demeure encore faible qu'à moyen ou long terme, la France ne dispose que de deux réseaux mobiles, l'un géré par Orange et Free Mobile, et l'autre par SFR et Bouygues Telecom. Tout du moins, le scénario parait difficile dans les grandes villes et tous les territoires denses, où l'Autorité de la Concurrence comme l'ARCEP ne verront pas d'un très bon œil une telle stratégie. A contrario, dans les zones moins denses du territoire, soit en fait la majorité du pays (en surface), la question peut se poser. La plupart des Français sont urbains et cela n'aura donc qu'une incidence limitée sur la couverture de la population, néanmoins, les conséquences sur la couverture du territoire seront assurément grandes, et surtout, les économies pourraient se compter en milliards d'euros.
Orange, SFR et Bouygues Telecom ont déjà donné leur point de vue sur le sujet. Quant à Free Mobile, la question est plus complexe. Pour le moment, il se contente de son accord d'itinérance 2G et 3G avec Orange. En matière de 4G, l'opérateur reste discret, laissant entendre qu'il ne lancera d'offres qu'une fois la population suffisamment couverte. Mais Free doit à la fois se développer dans la 3G et en même temps déployer sa 4G, ce qui implique de sérieuses dépenses. L'opérateur pourrait donc lui aussi être tenté par une alliance. Mais son indépendance pourrait aussi être entachée. Voler de ses propres ailes a un coût, et l'accord d'itinérance avec Orange était censé être momentané et sans suite.