Hadopi-CSA : Le chant du cygne de Marie-Françoise Marais

Et ça vous fait Marais ?

Mais que s’est-il vraiment passé dans la tête de Marie-Françoise Marais ? L’omnipotente présidente de la Hadopi a littéralement changé son fusil d’épaule entre la publication du rapport Lescure et sa (presque) concrétisation dans le projet de loi sur l’audiovisuel. Retour sur une dégénérescence presque spontanée.

Rappelez-vous. Alors que Pierre Lescure avait tout juste dévoilé son rapport, Marie Françoise Marais trempait sa plus belle plume dans sa plus belle encre pour l’encenser. Une rivière de pétales dorés et de parfums précieux coulait Rue de Texel : « Le rapport trace une feuille de route ambitieuse pour la modernisation de l’action publique en faveur de la création et des usages culturels sur internet » chantait Marie-Françoise Marais, « se [réjouissant] des recommandations de consolidation et d’évolution des missions actuellement assurées par l’Hadopi proposées par Pierre Lescure ». N’en jetez plus !

 

Mais que demandait le rapport Lescure ? Piqûre de rappel :

  1. Le maintien de la riposte graduée
  2. La bascule de cette riposte de la Hadopi au CSA.
  3. Le remplacement de la contravention et la suspension par une amende administrative de 60 euros.

De l’esprit Canal, à l’esprit pénal

De son généreux et large sourire, la présidente de la Hadopi exposait ce 13 mai que « le maintien du dispositif de réponse graduée, débarrassé de certaines de ses contraintes, lui permettra de gagner en efficacité envers les comportements les moins graves ». Et pour cause : selon Lescure, le futur CSA devrait être en capacité de distribuer des amendes administratives conformément aux vœux des ayants droit. Des sanctions infligées à tour de bras sans le passage devant le juge, cette fameuse « contrainte » qui déplait tant à la magistrale magistrate.

 

Marie Françoise MaraisMarie Françoise Marais dans Capital sur M6

 

Et celle-ci de s’envoler, non sans lyrisme pour ce rapport qui « en proposant de conserver l’ensemble des missions au sein d’une seule entité publique (…) ouvre des perspectives garantissant la poursuite d’un travail public spécialisé autour des questions de diffusion des contenus culturels sur internet, nécessaire à la bonne prise en compte de la très haute technicité du sujet et de son évolution permanente ». On frôlait alors le plébiscite.

 

Ce 12 septembre, alors que tout le monde attendait l’amendement Assouline transférant Hadopi au CSA en mode TGV, léger changement de discours. D’une ode à la joie, Marie Françoise Marais optait pour un hardcore métal qui n’aurait pas déplu au regretté député Patrick Roy.

Marais basse, Marais haute

« Nous refusons catégoriquement toute méthode intrusive, risquée et contraire à la nature du réseau, qui tient à sa neutralité » tambourine-t-elle face à Assouline interloqué, histoire de lui dire combien les tentacules du CSA sur la régulation du Net seraient la pire des idées. Presque du Aigrain dans le texte : « L'Hadopi a la responsabilité de faire respecter le droit d'auteur sur internet, et non pas de veiller à la qualité des contenus, au pluralisme politique ou à la bonne utilisation de la langue française. Internet n'est enfin pas soumis comme l'audiovisuel à un régime d'autorisation : au contraire, c'est la liberté qui est la règle et la contrainte l'exception. »

 

Compris, Olivier Schrameck ? Non ? Alors, écoute : « la gouvernance [du régulateur du Net] doit (…) répondre aux objectifs d'indépendance, de représentativité et d'expertise - notamment en matière de droit d'auteur - et d'impartialité vis-à-vis de tous les acteurs économiques de l'offre culturelle. Celle de l'Hadopi a été conçue dans ce but : son président est ainsi élu par le collège parmi les trois membres magistrats ou chargés de missions juridictionnelles. Un transfert au profit d'une institution n'offrant pas les mêmes garanties constituerait un recul. Or, sous la forte pression médiatique et face aux exigences renouvelées des internautes, toute suspicion doit être écartée. »

 

Marie françoise marais

La massue sur le piratage massif

On a connu critique plus mesurée alors qu’Assouline allait mettre en musique la partition Lescure que Marais encensait ! D’ailleurs, toujours à destination du sénateur et du président du CSA, lequel justifiait le transfert de la réponse graduée par un piratage à nouveau massif, Marais adressait un somptueux bras d’honneur : « J'entends que le piratage aurait massivement augmenté ? Il faut savoir distinguer les chiffres des fantasmes. L'évolution n'est ni massive ni irréversible. En trois ans, nous avons inversé dix ans de laisser-faire : ce n'est pas en quelques mois d'incertitude que l'évolution peut devenir irréversible. D'ailleurs, un transfert au CSA permettrait-il de l'endiguer ? Non. L'opinion ne retiendrait qu'une chose : l'Hadopi est supprimée. Or le dispositif de la réponse graduée repose largement sur sa notoriété. »

 

Y-t-il eu une épidémie de fièvre aphteuse, une fuite radioactive du côté de la tour Montparnasse, non loin du coûteux nid de la Hadopi ? Pas si sûr.

De gros sabots, une fine tactique

Malgré la lourdeur des sabots, sa cavalcade peut s'analyser comme le fruit d’une fine tactique, nous confie une source proche du dossier. Lors du rapport Lescure, Marais s’était mise en position de montrer qu’elle était prête à accompagner le passage Hadopi -> CSA pour se retrouver dans la meilleure position lorsque sonnerait le temps de la négociation. En somme, en faisant preuve d’ouverture, elle espérait ne pas se retrouver dans l’aigre situation où tout aurait pu se passer en dehors de son champ d’action.

 

Lorsque le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel est arrivé dans les bras du Sénat, le vent se chargeait d’une odeur fétide : Marais n’avait alors plus intérêt à se voir aussi rapidement doublée, prête à tomber dans les profondes oubliettes de la régulation du net, d’autant que Filippetti avait finalement abandonné l’idée d’une sanction administrative. Le torse gonflé, elle a donc montré qu’elle était toujours en position de force. Elle a tenté le chant du cygne, la dernière carte pour faire croire à ceux qui craignent la mainmise des ayants droit de l’audiovisuel sur le Net, qu’elle est leur dernier recours.

 

Sauf que cette même Marais a pris le risque d'être pour le coup totalement « démonétisée » en expliquant que Schrameck avait raconté n’importe quoi au Sénat, sur le-retour-du-fameux-piratage-massif, n'anticipant pas la fausse couche de l'amendement Assouline.

 

Souvenons-nous enfin que cette garante de la neutralité et de la liberté fut aux manettes de l’affaire Estelle Halliday (fermeture d’Altern.org pour l’hébergement d’une photo d’Estelle Halliday), de l’affaire Mulholland Drive (la copie privée n’est pas un droit face aux DRM tout puissants), de l’affaire Tiscali (hébergeur reconnu responsable des contenus stockés dans ses serveurs car il y met des publicités) sans oublier cet épisode où elle manoeuvrait en coulisse pour contrer le droit de communication d'un journaliste.

Vous n'avez pas encore de notification

Page d'accueil
Options d'affichage
Abonné
Actualités
Abonné
Des thèmes sont disponibles :
Thème de baseThème de baseThème sombreThème sombreThème yinyang clairThème yinyang clairThème yinyang sombreThème yinyang sombreThème orange mécanique clairThème orange mécanique clairThème orange mécanique sombreThème orange mécanique sombreThème rose clairThème rose clairThème rose sombreThème rose sombre

Vous n'êtes pas encore INpactien ?

Inscrivez-vous !