C'est désormais officiel. Numericable a remis hier à l'Autorité des marchés financiers (AMF) un très long document dans le but de sa future entrée en bourse, confirmant les dernières rumeurs. Le document indique aussi que Numericable et Completel ne feront plus qu'un sous le nom de Numericable Group.
La bourse ou la vie
Les entrées et sorties en bourse se multiplient ces derniers temps. D'un côté, Dell compte accroître son indépendance, et BlackBerry pourrait bien en faire de même. De l'autre, des sociétés comme Criteo et Twitter ont officialisé leur future entrée en bourse, et SFR pourrait bien en faire de même d'ici peu sitôt sa séparation avec Vivendi réalisée. Numericable, de son côté, prépare sa mutation.
Le câblo-opérateur, présent dans la plupart des grandes villes françaises (et belges) et roi du très haut débit dans l'Hexagone, va donc à la fois fusionner avec Completel, connu des entreprises, et entrer en bourse. Le but est ainsi de créer un groupe capable d'être présent à la fois sur le marché grand public et professionnel, et de dominer le très haut débit fixe. Numericable couvre près de 10 millions de foyers et une très grande partie peut déjà profiter de débits au-delà des 100 Mb/s. Un atout dont ne peut se prévaloir la concurrence.
La FTTH, le VDSL2 et l'économie française, ses principaux ennemis
Dans son document, la société précise néanmoins que « le déploiement de réseaux de fibre optique et/ou VDSL2 par les concurrents du Groupe pourrait réduire et, in fine, supprimer l’écart entre la vitesse et la puissance du réseau en fibre optique/câble du Groupe comparé aux réseaux DSL de ses principaux concurrents ». Une remarque logique et peu surprenante mais qui ne sera réelle que dans les mois voire années à venir. Numericable note aussi que ses concurrents sont globalement plus puissants. L'opérateur cible en particulier Orange, qui dispose, du fait de son passé, d'infrastructures inégalables.
Le câblo-opérateur fait de plus remarquer sa dépendance à la France et à son économie. « Une mauvaise performance de l’économie française (...) pourrait avoir un impact négatif direct sur les habitudes de dépenses des consommateurs ainsi que sur les entreprises (...). Une telle mauvaise performance pourrait rendre la captation de nouveaux abonnés et clients par le Groupe plus difficile, augmenter la probabilité que certains abonnés ou clients du Groupe réduisent le niveau des services souscrits ou résilient leurs souscriptions et rendre plus difficile le maintien par le Groupe de son ARPU ou de ses prix B2B aux niveaux actuels. »
Améliorer et rénover le réseau
Aujourd'hui, Numericable est détenu à 37,47 % par Carlyle, à 37,47 % par Cinven, à 24,06 % par Altice et à 1 % par Fiberman. Les trois premiers nommés détiennent aussi Completel, ce qui facilite le rapprochement. L'entrée en bourse bouleverserait évidemment ces différentes parts. Selon Eric Denoyer, le PDG du groupe, entre 20 et 40 % du capital partirait en bourse, ce qui devrait représenter plusieurs centaines de millions d'euros, ce qui valorisera le groupe à plusieurs milliards d'euros. D'après une source qui s'est confiée à notre confrère BFM Business, Carlyle et Cinven lâcheront du lest, tandis qu'Altice se maintiendra voire se renforcera au sein du groupe.
Notez que Numericable ne devrait pas profiter de son introduction en bourse pour fortement réduire sa dette, tout au plus d'une façon négligeable. Cette dernière s'élève à environ 3 milliards d'euros et les centaines de millions d'euros captés en bourse serviront prioritairement à l'investissement. Entre 220 et 230 millions d’euros pour la période 2014 à 2016 seront par exemple dépensés pour passer le réseau en EuroDocsis 3.0 (200 Mb/s) et dans le projet DSP 92. Rajoutons que 300 millions d'euros seront aussi investis hors rénovation du réseau.
Le 200 Mb/s pour tous, et bientôt du 400 Mb/s, voire du 1 Gb/s ?
Sachez aussi que l'opérateur assure qu'il a l'intention de passer d'ici 2016 un maximum de foyers en EuroDocsis 3.0, c'est-à-dire avec des débits d'au moins 200 Mb/s. Numericable ne cache d'ailleurs pas que les débits pourraient augmenter dans le futur, ceci sans donner de date. La société estime ainsi que son réseau « est susceptible de supporter des vitesses de téléchargement allant jusqu’à 400 Mbps moyennant des dépenses d’investissement limitées pour le Groupe, et, à plus long terme et moyennant des dépenses d’investissements supplémentaires, pourrait potentiellement supporter des vitesses de téléchargement allant jusqu’à 1 Gbps ».
Numericable précise qu'au 30 juin 2013, près d'un tiers (34 %) des décodeurs déployés par la société utilisaient EuroDocsis 3.0 (200 Mb/s), tandis que 51 % sont encore en EuroDocsis 2.0B (100 Mb/s) et 14 % en EuroDocsis 2.0 (30 Mb/s). Si l'on en croit l'opérateur, passer au 400 Mb/s ne devrait donc pas être un gros problème, moyennant quelques euros d'investissement par prise. Sachant que les concurrents ont tous commencé à accroître leurs débits en FTTH, certains officiellement, d'autres plus officieusement, il ne serait pas étonnant que le câblo-opérateur réplique d'ici les prochains mois.
Numericable craint de devoir un jour ouvrir son réseau à la concurrence
Il est aussi intéressant de noter qu'en page 30 du document, Numericable n'exclut pas la possibilité qu'il soit « tenu d’accorder à ses concurrents un accès à son réseau de fibre optique selon des conditions à déterminer ». Une ouverture qui nuirait à ses affaires, mais qui lui serait imposée par l'ARCEP. Ce n'est toutefois qu'un scénario possible, et en aucun cas à l'heure actuelle ce dernier est crédible.
Mais Numericable estime que si, pour le moment, seul Orange est qualifié comme opérateur exerçant une influence significative sur le marché, rien ne dit que dans un futur plus ou moins proche, Numericable ne sera pas lui-même concerné à son tour. « Si le Groupe devait être soumis à des réglementations relativement plus contraignantes que ses concurrents, ce qui n’est actuellement pas le cas, cela pourrait avoir un effet défavorable significatif sur son activité, ses résultats d’exploitation ou sa situation financière » craint-on.
Mais il reste optimiste pour ses finances
Enfin, concernant les objectifs du groupe, sachez qu'il compte gagner entre 250 et 300 000 clients (particuliers) entre le 30 juin 2013 et fin 2016. Grâce à la génération du 200 Mb/s (ou plus), Numericable espère d'ailleurs voir son chiffre d’affaires croître entre 2 % et 5 % par an entre 2013 et 2016.
Ces chiffres peuvent paraître faibles au premier abord, et pourtant, ils sont bien supérieurs à ceux constatés ces dernières années, l'entreprise étant plutôt la reine de la stabilité, avec un chiffre d'affaires en baisse de 0,3 % en 2012 par rapport à 2011, et en hausse de 1,1 % entre le premier semestre 2012 et le même semestre en 2013. Tabler sur une croissance entre 2 et 5 % est donc un signe d'optimisme de la part de l'opérateur.