Trahi par la géolocalisation de sa voiture, un salarié obtient réparation

Tomtom et nana

Pour pouvoir utiliser le dispositif de géolocalisation d’un véhicule professionnel afin de prouver qu’un employé n’était pas là où il était censé se trouver, il faut premièrement que celui-ci en soit informé. Voilà en substance la leçon délivrée par la cour d’appel de Lyon dans une décision rendue le 13 mars dernier.

justice

 

Le 7 juin 2010, presque quatre ans jour pour jour après avoir été embauché en CDI, John S. reçoit une lettre recommandée lui signifiant son licenciement pour faute. « Par votre comportement indiscipliné qui vous a conduit le 9 mars 2010 à vous soustraire pendant deux heures (de 22h49 à 00h35 le 10 mars 2010) de votre tour de service pour quitter, sans autorisation de votre hiérarchie, votre secteur d’intervention pour vous rendre dans le local technique dédié aux équipes d’intervention du tunnel de la Croix rousse, vous avez commis un grave manquement incompatible avec la poursuite de votre contrat de travail » annonce alors l’employeur à cet agent de sécurité, âgé de 29 ans au moment des faits.

 

Cette décision s’avère cependant consécutive à d’autres remontrances à l’égard du salarié : un avertissement pour absence injustifiée en mai 2007, plus différents rappels à l’ordre (utilisation à des fins personnelles de véhicules de la société, absence de poste, et même « non respect du règlement intérieur et de la charte informatique avec la présence de fichiers illicites sous [sa] session »). Le salarié se voit ainsi remercié, mais doit encore travailler deux mois afin de respecter le préavis prévu dans ce type de procédure.

Le salarié trahi par le dispositif de géolocalisation de son véhicule

Problème : l’employeur a réussi à savoir que John S. n’avait pas respecté son tour de service du fait du système de géolocalisation installé sur son véhicule professionnel. Dès la fin du mois de juin, l’employé saisit les prud’hommes pour faire reconnaître l’illicéité d’un tel mode de preuve, en ce que les institutions représentatives du personnel, de même que sa propre personne, n’avaient pas été informées et consultées préalablement à l’instauration du fameux dispositif.

 

Autre chose : l’affaire se corse quelques semaines plus tard, lorsque l’employeur met fin au préavis du salarié pour faute lourde cette fois. À l’appui d’un constat d’huissier, il affirme que John S. a créé un site Internet dénigrant l’entreprise, lequel est accessible via des liens publiés sur la page Facebook de l’employé mais aussi depuis Google. « Le contenu de ce site à caractère insultant et malveillant porte manifestement atteinte à l’image et à la réputation de l’entreprise » explique alors le patron dans un second courrier.

 

Dans un arrêt rendu le 13 mars dernier (reproduit ci-dessous), la cour d’appel de Lyon a donc dû trancher sur les deux aspects du litige : la licéité du système de géolocalisation et le site Internet créé par le salarié.

 

 

S’agissant du dispositif de géolocalisation du salarié, les juges ont conclu qu’il ne pouvait pas servir à « fliquer » l’employé. En effet, dans une note de service présentée fin 2006 à l’attention des agents de sécurité, l’employeur explique les raisons de l’installation de ce système : « quantifier les interventions par type et connaître les délais et temps d’intervention sur événement », « établir des tableaux de bord de nos activités, et en cas de désaccord avec nos clients, apporter un avis contradictoire, notamment sur nos délais d’intervention ». De fait, l’employeur fait seulement référence à la mise en place de ce système dans un but commercial et statistique, mais n’évoque absolument pas le suivi de l’activité des employés de la société. Conclusion de la cour d’appel : l’entreprise a ainsi opéré « un détournement de finalité au regard de celle qui avait été portée à la connaissance du salarié ». Le licenciement est de ce point de vue privé de cause réelle et sérieuse, conduisant au passage les juges à ordonner au patron de verser 6 000 euros d’indemnités à son ex-employé.

 

Le salarié n’a cependant pas obtenu gain de cause au sujet de son site Internet. En effet, aux yeux des juges, celui-ci contenait bel et bien « des propos dénigrants [dépassant] le cadre normal de la liberté d’expression et [constituant] un abus dudit droit ». Et pour cause : les magistrats ont relevé que ce site perso, hébergé chez Free, pouvait « faire penser à un site officiel », d’autant plus qu’il était directement accessible via un moteur de recherche en tapant le nom de l’entreprise en question. Sur ce site, se trouvaient différentes pages, dont une intitulée « politique » et sur laquelle apparaissait un lapin chantant une chanson paillarde. « Un autre onglet « FAUX » conduit à un écran sur lequel figure un texte indiquant que les agents de sécurité [de la société] ne participent pas aux exercices de sécurité » a également retenu la cour d’appel. Si les juges ont estimé que ces faits ne caractérisaient pas une intention de nuire à l’employeur - ce qui aurait été une faute lourde - cela constituait malgré tout selon eux « une faute grave justifiant la fin immédiate du préavis et le non-paiement des jours de la partie restant à couvrir ».

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