La cour d'appel de Pau a validé en juin dernier le licenciement d'une salariée ayant effectué un nombre important de connexions vers des sites non professionnels durant son temps de travail. Mais si l'ex-employeur assurait qu'il s'agissait d'une faute grave, les magistrats ont quant à eux retenu la qualification de licenciement à cause réelle et sérieuse. Explications.
Depuis 2001, Catherine X. travaillait en tant que chargée de recrutement pour une entreprise bayonnaise. Sauf qu’en novembre 2009, son CDI est rompu par son employeur. La salariée est licenciée pour faute grave. Qu’est-ce que lui reproche son patron ? Beaucoup de choses : différentes erreurs et négligences, mais aussi son utilisation de l’outil informatique mis à sa disposition dans le cadre de son travail.
La lettre de licenciement de Catherine X. fait effectivement référence à l’utilisation « parfaitement excessive et totalement inappropriée » de sa connexion Internet, au travers de laquelle la salariée est accusée d’avoir consulté de manière récurrente sa messagerie Hotmail personnelle, des sites de rencontres ou des réseaux sociaux tels que Facebook. Si l’employeur précise que la liste qu’il déroule n’est « en aucune manière limitative », il n’oublie pas de souligner que son employée s’est également connectée au site Charlott’Lingerie, à partir duquel l’intéressée travaillait en plus de son emploi en tant qu’hôtesse de vente.
Cause réelle et sérieuse de licenciement
L’affaire aurait pu en rester là, mais la salariée a décidé de contester son licenciement devant la justice. La cour d’appel de Pau a justement rendu un arrêt dans cette affaire le 13 juin dernier, que nous reproduisons ci-dessous.
À partir des « relevés d’écran de l’ordinateur utilisé par Madame Catherine X. dans le cadre de ses fonctions » - lesquels étaient produits par l’employeur - mais aussi des déclarations de l’intéressée, les magistrats ont retenu que les connexions au site Charlott’Lingerie étaient « quotidiennes, fréquentes et durant les heures de travail ». Pour les juges, pas de doute : « il ne peut être contesté que Madame Catherine X. se livrait sur ce site à des opérations commerciales rémunératrices ».
Ce n’est pas tout. Les juges ont également estimé que la salariée avait effectué des visites « très fréquentes, durant les heures de travail, sur des sites communautaires tels que "Facebook" ». La cour d’appel en rajoute une couche : « Les connexions quasi-quotidiennes, à plusieurs reprises dans la journée entre le 12 et le 27 octobre, durant les heures de travail, sur un site sur lequel Madame Catherine X. se livrait à une activité commerciale ainsi que sur des sites communautaires démontrent que cette dernière durant ces périodes ne pouvait se livrer à son travail au sein de l’Agence ».
Conclusion : aux yeux des magistrats, l’ensemble de ces manquements « suffisent à constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ». Il ne s’agissait cependant pas d’une faute grave, en ce que le maintien de l’employée dans l’entreprise restait possible pendant la durée du préavis. L’employeur n’a donc pas obtenu gain de cause sur ce point, et a donc été au final condamné à indemniser son ancienne salariée (préavis, licenciement, rappel de salaire).
La faute et sa sanction appropriée
De fait, cette décision complète la jurisprudence de ces dernières années s’agissant des litiges portant sur la consultation de sites Internet par le salarié, sur son lieu de travail et à des fins non professionnelles. On se souvient par exemple que la cour d’appel de Toulouse, dans une décision rendue en juillet 2007 puis confirmée par la Cour de cassation en mars 2009, avait validé le licenciement pour faute grave d’un employé ayant surfé sur la Toile pendant 41 heures sur son lieu de travail.
S’agissant de Facebook en particulier, la cour d’appel de Lyon a estimé en novembre 2011 que « l’utilisation à des fins ludiques de l'ordinateur professionnel pendant le temps de travail à quatre reprises au mois d'avril 2009 et à deux reprises au mois de mai 2009 » était fautive dès lors qu’elle constituait une violation des prescriptions du contrat de travail. Cependant, le licenciement est une sanction disproportionnée vis-à-vis de cette faute commise (voir notre article).