Pas contents, les professionnels de l’ARP ! Une fois la nouvelle connue, les cinéastes ont dénoncé la fausse couche de l’amendement de David Assouline, celui qui était censé confier la riposte graduée au CSA. Ils militent toujours pour ce transfert tout en souhaitant l’instauration d’amendes administratives contre les abonnés au lieu et place de la suspension.
Florence Gastaud et Patrick Bloche en septembre 2011
Comme l’a révélé PC INpact vendredi matin, David Assouline laissera finalement dans ses tiroirs l’amendement qui devait être déposé dans le cadre du projet de loi sur l’audiovisuel. Cette rustine de dernière minute devait organiser le transfert de la riposte graduée au CSA, au plus vite. Le rendez-vous parlementaire, examiné sous procédure d’urgence, était l’occasion rêvée pour ceux qui estiment que le CSA est le futur régulateur du numérique. Dans les rangs de la majorité, ce qui fut vite qualifié de « manœuvre » n’a cependant pas du tout été apprécié. Elle fut très tôt dénoncée par Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles ou encore par Christian Paul, sans oublier les jeunes socialistes.
La riposte graduée au CSA, premier pas d'un vaste chantier
Du côté de l’ARP, c’est désormais la soupe à la grimace : « Le projet d’amendement se devait de porter l’une des premières mesures fortes et symboliques voulues par le Rapport Lescure, dont l’ambition est d’intégrer sereinement l’écosystème de la création dans l’ère du numérique » écrit la société civile.
Celle qui réunit Claude Lelouch, Michel Hazanavicius, Costa Gavras, Patrick Braoudé, ou encore Olivier Nakache craint maintenant l’occasion manquée. « Symboliquement, cet amendement devait mettre le pied dans la porte de la mission Lescure afin de lancer un vaste chantier. Là, nous avons l’impression qu’il y a désormais un manque d’enthousiasme » regrette Florence Gastaud, contactée aujourd’hui. Pour la déléguée générale de l’ARP, « en terme de communication, nous pensions franchement qu’il s’agissait là d’un choix pertinent que de confier au CSA un outil de régulation du numérique linéaire et non linéaire. Désormais, chaque minute passée est une minute perdue. »
Certes, si l’amendement Assouline reste au stade du projet avorté, Hadopi continuera son régime de croisière avec une montée en puissance. Où est le problème, d'autant que l'Elysée a arbitré en faveur du transfert ? « On peut en effet dire que la réponse graduée n’est pas abandonnée, ce n’est pas la fin du monde. Il reste que ce n’est pas très amitieux. On ne voit pas très bien qui veut quoi ! L’arrêt de la suspension de l’abonnement devait aller de pair avec l’amende. Il y a désormais un flou artistique et tout flou artistique laisse passer un message dans le fantasme collectif, qui voudrait qu’à nouveau on puisse télécharger. J’aurais pour le coup préféré un message plus fort que cette situation. »
L'assurance de François Hollande
Ces professionnels du cinéma nous confient avoir rencontré le président la semaine dernière. François Hollande leur aurait alors assuré qu’il voulait que ce transfert se fasse dans l’urgence, via le bon cavalier. « Nous avions l’assurance du président de la République. On a maintenant l’impression que le sujet a été déporté pour des raisons de circonstance. »
Problème : le calendrier est désormais surchargé. Difficile de trouver un temps parlementaire pour orchestrer ce transfert. Sur cet échiquier stratégique, les options sont maigres : une grande loi à venir, à une date indéterminée. Une solution pour le moins cavalière serait aussi de programmer ce transfert dès à présent, tout en repoussant dans le temps sa mise en œuvre.
Le retour de la suspension ou de l'amende
L’ARP craint en tout cas de se retrouver face aux mêmes débats que pour Hadopi 1 et 2. « Nos détracteurs n’attendent que de rentrer dans un débat démagogique ! Je pensais que nous étions un peu sortis de ce débat binaire sur Hadopi alors que le CSA doit être régulateur de l’environnement numérique. »
Confidence, au passage, Florence Gastaud nous indique qu’une partie de la profession voulait profiter de l’amendement Assouline avorté pour réintégrer la suspension Hadopi. Et du côté de l’ARP ? « L’avertissement, c’est bien gentil, mais lorsqu’on sait qu’il n’y a pas de sanction derrière… ». La société civile milite encore et toujours pour l’amende adminsitrative, « car il faut une sanction juste proportionnée à l’infraction. »
A l'instar de Mireille Imbert Quaretta, le rapport Lescure avait préconisé l’instauration d’une amende administrative au lieu et place de l’actuelle amende contraventionnelle infligée par un juge. Selon Lescure, cette solution permettrait « d’adoucir la procédure de sanction mise en oeuvre au terme de la phase pédagogique. Cela éviterait le recours au tribunal de police (selon la procédure contradictoire ordinaire ou selon la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale), ainsi que la convocation préalable de la personne poursuivie au commissariat. Cela empêcherait les ayants droit de se constituer partie civile afin de réclamer à la personne poursuivie des dommages-intérêts, en plus de l’amende. Cela permettrait aussi que la sanction prononcée ne soit pas inscrite au casier judiciaire de la personne sanctionnée. »
Surtout, cela aurait permis au CSA d’éviter la case « justice » si chronophage tout en gérant seul sa politique pénale. Le juge ne serait intervenu que sur saisine de l’abonné, renversant la charge du procès, aujourd’hui initié par la Hadopi. Lescure proposait aussi un mécanisme de petites amendes - 60 euros et plus en cas de récidive.Le projet a finalement été abandonné par Aurélie Filippetti. « Nous avons fait expertiser la manière dont pourrait évoluer [la sanction Hadopi] d’un point de vue juridique. Pour ma part, je ne pense pas que cela doit être une sanction administrative, parce qu’une sanction administrative a quelque chose d’automatique et le juge administratif n’a pas de latitude d’appréciation concernant l’opportunité des poursuites », alors que pour la ministre, « seul le juge judiciaire a cette capacité de juger l’opportunité des poursuites. »