Quand la 4G s'achemine vers un record de vitesse de déploiement

Merci la concurrence

Les opérateurs de téléphonie mobile, et en particulier Orange, ne le cessent de le répéter : la 4G se déploie à une vitesse jamais vue en France. S'agit-il de simples propos marketing pour attirer les clients et ouvrir plus amplement leur portefeuille, ou les dirigeants de ces opérateurs disent-ils vrai ?

Orange 4G LTE 2013

Rappel historique sur les déploiements de la 2G et de la 3G

Couvrir un grand territoire d'un réseau mobile est moins long et coûteux que d'en faire de même pour le fixe, mais pour un pays comme la France cela nécessite malgré tout plusieurs années, de nombreuses négociations, des travaux, et des milliards d'euros. Avant d'aborder le cas de la 4G, revenons un peu sur la 2G (GSM) et la 3G (UMTS).

 

Concernant le réseau voix et SMS classique, encore utilisé aujourd'hui, les premières autorisations ont été attribuées à France Télécom et SFR le 25 mars 1991 (Bouygues attendra le 8 décembre 1994), ceci pour la France métropolitaine. La fameuse bande 900 MHz, aujourd'hui réutilisée pour la 3G, pouvait ainsi être exploitée. La bande 1800 MHz, qui sera exploitée par Bouygues pour la 4G dans quelques semaines, fut pour sa part délivrée quelques années plus tard.

 

Tant que nous sommes dans l'histoire du secteur, précisons aussi qu'auparavant, le 16 décembre 1987 précisément, SFR fut la première société privée à obtenir l'autorisation d'exploiter un service de radiotéléphonie publique analogique en concurrence de Radiocom 2000, réseau lancé à l'époque par les P&T. La société d'État se scindera d'ailleurs très peu de temps après en France Télécom et La Poste notamment.

 

Mais revenons au GSM. Au début des années 1990, si les autorisations existaient, le réseau était évidemment peu développé. Les appareils et plus encore les forfaits étaient de toute façon hors de prix et seuls les professionnels étaient intéressés par de tels services. Selon ce rapport portant sur la téléphonie mobile, la facture moyenne par abonné en France était proche de l'équivalent de 80 euros par mois au début des années 1990, l'Allemagne dépassant même les 100 euros. Ceci pour des temps d'appels misérables.

 

Du côté des couvertures,  les opérateurs avaient pour obligation de couvrir 70 % de la population en 1995 et 85 % en 1997, ceci pour France Télécom et SFR uniquement. Bouygues Telecom, du fait de son retard, ne devait couvrir en GSM que 15 % de la population au 1er juin 1996, 54,2 % fin 1998, et 86,6 % fin 2005. Ces obligations ont toutefois été modifiées en 1998, avec une harmonisation à la clé pour les trois opérateurs, à savoir : 85 % de la population au 1er janvier 1999 et 90 % le 1er juillet 2000.

 

Plus concrètement, les réseaux des deux grands opérateurs ont été ouverts en GSM au milieu de l'année 1992, suivi par Bouygues Telecom en 1996. Dès la fin de l'année 1995, SFR et FT atteignant déjà les 75 % de couverture. Un taux qui passe la barre des 90 % entre 1997 et 1998. Les 98 / 99 % de la population couverte ne furent atteints qu'au début des années 2000. Il a donc fallu un peu plus de quatre ans après les autorisations octroyées pour atteindre 75 % de la population couverte en 2G, et entre 6 et 7 ans pour dépasser les 90 % pour France Télécom. Des durées loin d'être si longues, même si en termes de territoire, 90 % de la population représente moins de 60 % du territoire.

 

Voilà pour le GSM. Et l'UMTS, plus connu sous le nom de 3G ? Contrairement à la 2G, la troisième génération a connu un scénario très différent. Afin de mieux comprendre la situation, voici un graphique regroupant à la fois des informations sur la couverture de la population par les trois opérateurs, les dates d'attributions des licences, les dates de lancement des services et leurs engagements auprès de l'ARCEP.


3G UMTS France historique

Ce graphique, assez complexe tant il comporte des données différentes, montre les points suivants :

  1. Orange et SFR ont pris près de trois ans et demi pour lancer leurs services 3G après l'attribution des licences, et un peu moins de trois ans pour Bouygues Telecom. C'est bien plus que pour la 2G, mais aussi plus que la 4G. Pourquoi ? Plusieurs raisons expliquent cette situation. Les opérateurs ont tout d'abord développé leur réseau 2G pour se rapprocher des 100 % de couverture. L'ARCEP accorda même en mars 2004 à tous les opérateurs un peu plus de deux ans de marge supplémentaires (28 mois précisément) pour déployer leur 3G, ceci afin de s'adapter à leurs retards. En effet, initialement, Orange et SFR devaient couvrir 58 % et 75 % de la population respectivement deux ans après la date de délivrance des autorisations 3G, soit en juillet 2003. Comme vous le voyez dans le graphique ci-dessus, il n'en était rien puisque leurs services n'étaient même pas proposés à cette date. L'ARCEP ramena de plus l'obligation et donc l'engagement de SFR à celui d'Orange, soit 58 %. Vous l'aurez compris, l'histoire de la 3G est incomparable à celui de la 2G tant les bouleversements ont été nombreux. Cela a aussi permis aux opérateurs de vendre durant de longues années des forfaits 2G particulièrement onéreux.

  2. Si l'on prend comme base le lancement des offres, il n'a fallu qu'un an et demi pour les trois opérateurs pour atteindre une couverture 3G de 60 % de la population. Un niveau impressionnant, mais qui ramené aux dates d'attribution l'est beaucoup moins, puisque l'on passe alors à cinq longues années. La logique est similaire pour atteindre la couverture de 90 % de la population, six ans, soit aussi rapide (voire plus) que pour la 2G. Mais là encore, les trois ans et demi d'attente entre l'attribution et le lancement des services ne sont pas pris en compte. Cela ramène ainsi à près de dix longues années pour atteindre les 90 % de la population couverte, ce qui est déjà moins glorieux. 

  3. SFR a été dominateur durant de longues années. Un passage de témoin avec Orange a eu lieu en 2008/2009, alors qu'en 2G, France Télécom a toujours eu le dessus. Pour la 4G, la chanson sera assurément différente.

La 4G, un réseau très rapide... à déployer ?

Passons enfin à la 4G, et plus précisément la LTE. « Jamais un réseau mobile n’a été déployé aussi vite en France. On a battu tous les records » s’est vanté Stéphane Richard, le PDG d’Orange, lors d’une conférence de presse relayée par notre confrère 01 Net. Des propos confortés par Delphine Ernotte Cunci, la directrice exécutive d'Orange France, lors d'une entrevue accordée à BFM Business : « nous avons des équipes chez Orange qui sont capables de déployer un réseau 4G deux fois plus vite qu'elles n'ont déployé un réseau 3G ».

 

Officiellement, si l'on écoute les opérateurs télécoms (hormis Free Mobile évidemment), leur couverture de la population en 4G sera proche des 40 % à la fin de l'année. Bouygues Telecom devrait même surpasser ce niveau, puisqu'il annonce pouvoir l'atteindre dès le 1er octobre prochain, quand ses antennes 1800 MHz proposeront de la LTE. En prenant en compte que les opérateurs sont honnêtes et que leurs chiffres avancés s'approcheront bien de la réalité, est-ce un déploiement rapide ou non ?

 

Les licences 4G pour tous les opérateurs ont été cédées à la même date : en septembre 2011, tout du moins pour la bande 2,6 GHz (la bande 800 MHz fut délivrée fin 2011). A contrario, chaque opérateur a choisi son rythme pour le lancement des offres. Si l'on se concentre uniquement sur le grand public, c'est-à-dire en excluant les offres réservées aux professionnels, SFR a dégainé le premier en étant disponible sur Lyon fin novembre 2012 (voir nos impressions). Orange en a fait de même en avril 2013, suivi par Bouygues le mois suivant.

 

Même si ces différentes dates ne sont guère intéressantes dès lors qu'elles ne concernent qu'une poignée de villes, cela signifie donc que SFR a proposé de la 4G 14 mois après l'attribution de la licence, contre 19 mois pour Orange et 20 mois pour Bouygues. C'est évidemment bien plus rapide que pour la 3G, et cela se rapproche du modèle de la 2G.

 

Mais si le démarrage est plutôt rapide, le déploiement l'est-il pour autant ? Atteindre une couverture de 40 % de la population au dernier trimestre 2013 signifie qu'un tel résultat a été réalisé en un peu plus de deux ans après l'attribution, et surtout en moins d'un an (et même une poignée de mois pour Orange et Bouygues) après le lancement de leurs offres. Si nous n'avons pas de détails assez précis pour la 2G, concernant la 3G, elle est de façon évidente surpassée.

Quatre à cinq ans d'avance sur leurs obligations

Assurément, afin de creuser l'écart avec Free Mobile, ses concurrents vont tout faire pour couvrir 50 voire 60 % de la population dès l'an prochain. Des taux extrêmement élevés quand on connait les obligations/engagement des opérateurs auprès de l'ARCEP, que voici :

 

 

« To » étant équivalent à 2011, soit la date de délivrance des licences 4G, cela signifie donc que Free, Orange, SFR et Bouygues Telecom doivent au minimum proposer des taux de couvertures de 25 % de la population d’ici fin 2015, 60 % d’ici fin 2019 et 75 % d’ici fin 2023. Vous l'aurez compris, l'Autorité de régulation des télécoms aurait pu être bien plus difficile, dès lors que non seulement les 25 % seront explosés fin 2015, mais aussi les 60 %. Ce qui signifie que les opérateurs n'auront pas une ou deux années d'avance, mais plutôt quatre voire cinq. Seul le cas Free Mobile pose des questions. Mais assurément, nous aurons des réponses assez rapidement, tant le quatrième opérateur ne peut rester encore longtemps silencieux.

 

Reste enfin à savoir si cette « avance », liée en grande partie à une concurrence accrue, permettra à l'Hexagone de rattraper son retard sur la véritable 4G (LTE Advanced), qui risque du coup de s'appeler 5G, avec des débits jusqu'à 1 Gb/s. Il faudra de toute façon patienter encore de longues années pour avancer dans ce dossier.

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