C’est la douche froide pour les différentes associations qui soutenaient ces textes : poussé par un avis défavorable de Benoit Hamon, le Sénat a finalement rejeté les amendements qui tentaient de vidanger la problématique de la vente liée ou du moins de la transparence des prix du matériel et des logiciels. Par la même occasion, le ministre a poussé sans ménagement aux oubliettes, les promesses du candidat Hollande.
Dans une série d’amendements, les sénateurs écologistes ont tenté de faire qualifier de vente par le lot le fait de vendre un ordinateur accompagné de logiciels préinstallés. « Cet amendement vise à mettre fin, après des années de débats, à la pratique commerciale déloyale que constitue la vente forcée de logiciels intégrés au matériel informatique » soutenaient ces auteurs. Dans un jugement du 10 janvier 2012, le tribunal de proximité de Saint-Denis avait en effet estimé ces pratiques « déloyales en toutes circonstances » puisqu’elles « obligent finalement à la fourniture de logiciels non demandés par le consommateur. » Ils réclamaient à tout le moins que les prix de ces ventes composites soient détaillés, ventilés, accompagnés d’une information sur les caractéristiques essentielles de chacun de ces éléments et des conditions d’utilisation de ces produits.
Benoit Hamon, ministre délégué à la Consommation, avait déjà repoussé de telles idées en Commission sénatoriale, visiblement mal ciselées. « Nous ne pouvons pas qualifier de « pratique commerciale déloyale » le fait de ne pas afficher le prix des logiciels. Je suggère de retirer cet amendement pour le retravailler et lui donner ainsi plus de chances de succès en séance. ».
« Mettons fin à la vente forcée de logiciels intégrés au matériel informatique »
Plus de chance de succès en séance ? Autant dire qu’hier soir, lorsque le temps de la fameuse séance fut là, les espoirs étaient grands chez les promoteurs de ces textes, d’autant que ces derniers jours, l’AFUL, l’Adulact, Racketiciel, et l’April avaient publié des communiqués au soutien de ce vote.
Cependant, le discours musclé du sénateur Joël Labbé (« Mettons fin à la vente forcée de logiciels intégrés au matériel informatique ») ou l’avis favorable du rapporteur (« la vente forcée de logiciels augmente le prix de l'équipement ») n’auront pas suffi.
Benoit Hamon fait capoter ce dispositif
Benoit Hamon a une nouvelle fois fait capoter ce dispositif (résumé des débats en séance) se moquant d’abord du tapage autour de ces textes sur Internet. « Sur ce sujet, les réseaux sociaux sont parfois prompts à lancer des contre-vérités ». Pour le ministre, « le code de la consommation prévoit déjà une information, que ce texte renforce. Sur la jurisprudence, on pourrait citer un arrêt de la cour de Versailles allant dans le même sens, cassé par la Cour de cassation ».
Et si ces amendements sont l’occasion de s’attaquer à Microsoft, le ministre se veut rassurant : « La position dominante de Microsoft permet déjà aux autorités d'agir contre la vente forcée : la Commission européenne a sanctionné Microsoft d'une amende de 671 millions d'euros pour ne pas avoir respecté l'obligation de proposer à l'utilisateur l'écran permettant un choix. L'enquête de l'autorité de la concurrence permettra de mesurer l'ouverture du marché ». Bref, toutes les armes existent pour purger un problème qui visiblement n’est pas bien lourd.
Les promesses du candidat Hollande en avril 2012
Dans un courrier adressé le 30 janvier 2012 à tous les candidats à l'élection, l'Association des développeurs et utilisateurs de logiciels libres pour les administrations et les collectivités territoriales exposait...
Extrait du courrier PDF de l'Adullact adressé à tous les candidats le 30 janvier 2012
Dans sa réponse envoyée trois jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, François Hollande, alors candidat, avait été très attentif à ces remarques : « Je laisserai aux utilisateurs la possibilité de choisir leurs logiciels » claironnait-il à l’approche des urnes.
La réponse du candidat François Hollande, 19 avril 2012 (pdf)
Selon le pas-encore-président, il est nécessaire en effet « de faire en sorte que les prix du matériel et des logiciels préinstallés soient dissociés. De même, le client doit pouvoir acheter le matériel sans avoir à payer pour le logiciel pré-installé s’il n’en veut pas ». Hollande affirmait encore « ceci peut se faire par le biais de clés d’activation, qui seront remises au client ayant payé pour ces logiciels. Les fournisseurs de matériels auront ainsi intérêt à pré-installer plusieurs logiciels concurrents, laissant au client final le choix d’en activer certains, et de supprimer les autres ». Soit très exactement la revendication de tous les opposants à la vente couplée PC et OS.
À la même époque, Fleur Pellerin avait donné une explication à peu près similaire (PDF) à l'initiative Candidats.fr, organisée par l'April : « La question de la vente liée évolue en droit de la consommation et en droit de la concurrence. Évitons tout dogmatisme en la matière. Des systèmes de clés d'activation existent, qui permettent la préinstallationde logiciels sur les ordinateurs, ces logiciels étant activés si l'usager achète en sus les licences nécessaires. Ces systèmes peuvent être généralisés. »
Hier soit, Benoit Hamon a gommé soigneusement ces voeux à ceux qui ont le tort de s’en souvenir ou de les sur interpréter : « L'engagement du candidat Hollande, souvent rappelé, était adressé aux professionnels et aux collectivités, non aux associations de consommateurs ». Nuance ! Ceci fait, il s’est délesté d’un « avis défavorable » qui a conduit cette salve d’amendements à la poubelle. Avec les promesses du candidat.