Le « piratage massif » pour justifier au plus vite le transfert Hadopi-CSA

La télécommande, la télé commande

Une nouvelle grande loi Hadopi 3 ou un discret amendement voté à quelques bras levés dans le projet de loi sur l'audiovisuel ? Cela ne fait plus de doute aujourd’hui. C'est cette deuxième voie qui l'emporte et organisera le transfert de la riposte graduée de la Hadopi vers le CSA.

Schrameck csa assises

 

Hier lors de son audition devant la commission de la Culture au Sénat, le président du CSA était questionné par le sénateur PS David Assouline. Celui-là même qui est pressenti pour organiser ce basculement de la riposte graduée entre les deux autorités dès le projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel en octobre 2013. 

 

Dans sa quête de légitimité pour réguler les contenus du net, Olivier Schrameck a débordé d’arguments pour justifier ce mouvement au plus vite.

Conserver les agents de la Hadopi

Les premiers tiennent au risque de perte de compétence des actuels agents de la Hadopi : « Si l’indétermination sur l’évolution législative de la Hadopi persistait, il y aurait de notre point de vue un risque de dispersion et d’affaiblissement des compétences dans tous les sens du terme » estime Schrameck qui cite les compétences techniques des personnels de la Hadopi, leur expérience acquise dans leur contact avec les acteurs du numérique, etc. Un message qui sera évidemment apprécié rue de Texel, où les agents restent inquiets sur leur sort.

L’extension de la lutte contre le « piratage massif »

Mais surtout, Olivier Schrameck a trouvé l’argument de poids pour justifier ce transfert de la riposte graduée vers le CSA : l’aiguillon du « piratage massif ». Il y aurait selon lui aujourd’hui une « modification des comportements des utilisateurs qui semblent d’ores et déjà se traduire par une extension massive du piratage ». Notons la contrariété entre le prudent « il semble » et la nucléaire « extension massive du piratage ».

 

De fait, les sources d’Olivier Shrameck sont simples : elles viennent du secteur du cinéma, celui-là même qui avait enfanté Hadopi : « il se trouve que j’ai rencontré vendredi dernier les représentants des organisations du cinéma, du BLIC, du BLOC, de l’ARP, de l’UPF, tous ont souligné que depuis quelques mois il y avait une aggravation considérable de la situation qui ne vient pas de dispositions particulières, mais d’un contexte d’ensemble, de mentalités qui se cristallise en ce moment. »

 

Dans la foulée, lors de son audition devant la Commission de la Culture, Aurélie Filippetti rassurera la filière assurant que le gouvernement a bien arbitré favorablement le transfert de la réponse graduée de la Hadopi au CSA.

2008 revival

On se souvient des propos de Christine Albanel avançant en octobre 2008 que « 450 000 de films » étaient téléchargés illégalement chaque jour. « Je peux vous dire que ça met en danger toute la filière cinéma aujourd’hui ! Regardez les Chtis, ils auraient certainement dépassé les 20 millions depuis longtemps s’il n’y avait pas eu de téléchargement ! ».

 

Aujourd'hui, ce piratage massif devient encore plus massif que massif à en croire les propos soufflés par les ayants droit de l’audiovisuel à l'oreille de Schrameck . Il s'agit cependant cette fois de militer par une accélération de la purge des réseaux. Cumuler riposte graduée contre les internautes et riposte graduée contre les sites (filtrage, déréférencement, etc.). Cette deuxième couche est en effet préparée actuellement par Mireille Imbert Quaretta, qui rédige un rapport sur le filtrage volontaire des sites dont les conclusions seront publiées en janvier 2014.

 

Heureusement pour Aurélie Filippetti, les recettes élaborées rue de Texel contre les sites ne devraient pas exiger cette fois de véhicule législatif mais des mesures volontaristes sollicitées des intermédiaires du Net. Aurélie Filippetti n’aura donc pas à subir ce qu’elle a fait endurer à Christine Albanel.

Patrick Bloche et Christian Paul opposés à l’amendement

Pour le transfert de la Hadopi vers le CSA, les choses se corsent un peu. La voie de l’amendement surprise au sein du projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel risque en effet d’être mal acceptée même des députés de la majorité.

 

Le député Christian Paul (PS) l’a dit voilà peu dans PC INpact: « Jouer le transfert un peu en loucedé [en douce, NDLR] serait une fausse manœuvre et du coup contournerait un débat nécessaire qui doit prolonger au plan politique le rapport Lescure. Nous avons certes eu des échanges y compris à la commission des affaires culturelles avec l’audition d’Aurélie Filippetti, mais nous n’avons pas eu de débat et de prises de position. Aussi, amener ce débat par la bande serait contraire à nos habitudes et à la vision que nous nous faisons de l’avenir. »

 

Toujours dans nos colonnes, Patrick Bloche, président des affaires culturelles, estime que le choix de l’amendement serait même une erreur juridique : « C’est un projet de loi qui vise à rétablir l’indépendance de l’audiovisuel public. Je suis attaché à ce que l’on reste sur ce sujet, ne serait-ce que pour prendre le maximum de protection et éviter tout risque d’anticonstitutionnallité (…) Une jurisprudence du Conseil constitutionnel censure les dispositions qui n’ont pas un rapport direct avec l’objet du projet de loi » (sanction des cavaliers).

 

Olivier Schrameck répondra comme un écho à cette critique : « la jurisprudence sur les cavaliers budgétaires est une jurisprudence nuancée qui admet depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qu’un lien fut il indirect avec les dispositions du projet de loi délibéré en conseil des ministres permet d’échapper à une censure. »

 

Bref, messieurs les sénateurs, votez en confiance ce petit amendement : d’un côté voilà un piratage massif qui assèche la création et ruine les veuves du cinéma, de l’autre un dispositif qui ne présente aucun risque de censure constitutionnelle. Soit très exactement le même schéma préparatoire au débat Hadopi. 

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