Afin de contrer le futur accord de mutualisation entre SFR et Bouygues Telecom, leurs deux principaux concurrents vont-ils en faire de même ? Ce n'est pas encore fait, loin de là, néanmoins, l'idée fait son chemin. Stéphane Richard, le PDG d'Orange, l'a en tout cas plus que sous-entendu.
Vers un duel SFR/ByTel vs Orange/Free ?
La bataille à quatre va-t-elle se transformer en un simple duel ? Nous n'en sommes pas encore là, mais les signes en ce sens se multiplient. Après l'accord d'itinérance 2G et 3G entre Orange et Free Mobile qui a débuté en 2012, et donc le prochain partenariat entre SFR et Bouygues Telecom afin de mutualiser leurs réseaux 2G, 3G et surtout 4G dans les zones peu denses, passer à l'étape suivante est bien une possibilité.
Lors de l'annonce de la couverture intégrale de Paris, devançant ainsi tous ses concurrents, Orange, par la voix de son PDG Stéphane Richard, a abordé le cas de la mutualisation dans le marché mobile français selon La Tribune. « Si Bouygues Telecom et SFR vont au bout de leur accord [de mutualisation, ndlr], il est clair que cela ne nous laisse plus tellement de possibilités » a-t-il ainsi déclaré. Une possibilité qui ne peut concerner que Free Mobile.
Et afin de lever toute ambiguïté sur le sujet, le patron du premier opérateur télécom français a ajouté que « l'accord d'itinérance préfigurait un peu ces questions-là. (...) La mutualisation des réseaux s'inscrit dans une grande logique historique. Je ne ferme aucune porte. » Il est important de noter ici qu'il n'est pas question d'un éventuel accord d'itinérance pour la 4G entre les deux opérateurs (ce qui reste possible pour la bande 800 MHz), mais bien de mutualisation, c'est-à-dire d'investissements communs afin de réduire les coûts et déployer plus rapidement le réseau.
Une mutualisation limitée, encadrée
Cette mutualisation, qu'elle concerne SFR et Bouygues, ou Orange et Free, est de toute façon encadrée par l'ARCEP et l'Autorité de la concurrence. De nombreuses limites sont ainsi imposées afin que les entreprises en accord ne disposent pas d'un avantage concurrentiel trop important. L'Autorité de la concurrence a ainsi précisé en mars dernier qu'une telle mutualisation peut concerner sans problème les zones peu denses ou les zones de déploiement prioritaire.
Pour les zones denses, de « fortes réserves » ont par contre été émises, ne serait-ce que du fait de la problématique d'échanges d'informations qui implique un encadrement trop important. « Dans les zones les plus denses du territoire, là où les économies liées au partage sont les plus faibles, les effets restrictifs liés aux accords de RAN sharing paraissent, a priori, trop importants par rapport aux éventuels gains d’efficacité » résumait ainsi l'autorité à l'époque. Seule exception, les zones semi-denses, qui peuvent dans certains cas être avantageuses pour les opérateurs sans que cela ne crée de désavantage trop important pour la concurrence.
Si l'intérêt financier de la mutualisation est évident pour n'importe quel opérateur, du côté de la 4G, entre Orange et Free Mobile, nous disposons de deux opérateurs au profil très différent. L'un a déjà 2026 antennes en service, principalement sur la bande 2,6 GHz, même s'il compte bien aussi exploiter ses fréquences 800 MHz. A contrario, Free Mobile ne dispose que de la bande 2,6 GHz, il n'a toujours pas lancé d'offres LTE, et il se contente de quelques tests. Deux données doivent toutefois être à prendre en compte pour Free afin de mieux appréhender son futur dans la 4G.
4G : le cas Free Mobile
En premier lieu, du fait de son échec lors de la vente des fréquences 800 MHz, Free Mobile dispose d'un droit d'itinérance. SFR doit ainsi lui faire une proposition, que Free peut ou non accepter. Rien ne l'empêche en effet de signer un accord d'itinérance avec Orange ou Bouygues. Néanmoins, un tel accord ne pourra être signé que s'il couvre au moins 25 % de la population. Cette couverture est donc la première étape que doit atteindre l'opérateur s'il veut profiter de l'itinérance avec l'un de ses trois concurrents. Techniquement, couvrir quelques grandes villes, et en particulier Paris et sa banlieue, suffit néanmoins à se rapprocher du quart de la population française. Cela ne devrait donc pas être complexe pour Free Mobile.
L'autre donnée à prendre en compte concerne l'activation de ses antennes, et par conséquent le lancement de ses offres. Alors que certains dirigeants d'Iliad, la maison-mère de Free Mobile, avaient déclaré vouloir dévoiler des offres 4G en 2013, et plutôt en début d'année, nous sommes au mois de septembre et ne voyons toujours rien à l'horizon. Pourtant, Free a depuis longtemps demandé des accords à l'ANFR pour déployer des antennes. Des accords qui impliquent une mise en service avant dix-huit mois, sans quoi, ces derniers seront perdus. Or si en 2012, quasi aucun accord n'a été réalisé, dès le mois de mai 2013, une demande de 549 accords a été formulée à l'ANFR en sus des précédentes demandes. Cela signifie donc que Free devra exploiter ces supports avant novembre 2014. Dans le cas contraire, il ne disposera plus de l'autorisation d'exploiter ces supports.
Le mois de novembre 2014 étant une date particulièrement lointaine, il est peu crédible que Free Mobile attende si longtemps pour se lancer dans la 4G. Néanmoins, il s'agit d'une date butoir importante à prendre en compte quand on sait que l'opérateur souhaite couvrir au maximum le pays avant de lancer ses offres LTE. Un accord de mutualisation dans les zones de faible densité avec Orange lui permettrait assurément d'atteindre plus rapidement un pourcentage élevé de la population couverte, ceci en économisant quelques millions d'euros au passage.
Quant à Orange, cela lui permettra d'assoir un peu plus son avance sur la concurrence, même si Bouygues avec la bande 1800 MHz et SFR avec la bande 800 MHz comptent bien sortir du lot. Pour Bouygues, cela commencera d'ailleurs dès le mois prochain. Mais Stéphane Richard n'a pas caché que son concurrent ne l'inquiétait d'aucune manière. « Je vous donne rendez-vous au milieu de l'année prochaine, vous verrez, il n'y aura plus cet avantage. »