Sauf surprise, la guerre de la 4G opposera bien Orange et Bouygues Telecom lors des prochains mois. En effet, si l'on se fie aux données publiées hier par l'Agence Nationale des Fréquences (ANFR), Orange est l'opérateur qui compte le plus d'antennes 4G en service, ceci avec un écart très conséquent sur la concurrence. Bouygues, qui pourra exploiter ses antennes 1800 MHz le 1er octobre prochain pour la 4G, devrait toutefois le surpasser.
Un support peut contenir plusieurs antennes, d'où un total souvent différent.
4G : Orange écrase la concurrence... pour l'instant
SFR et Free Mobile peuvent trembler. Alors que le premier communique massivement sur la 4G, et que le second se fait au contraire plus que discret, leurs concurrents que sont Orange et Bouygues Telecom travaillent d'arrache-pied afin de prendre la tête du pays. Orange, qui annonçait hier la couverture complète de Paris en 4G et son intention d'offrir ce service à 40 % de la population fin 2013, domine ainsi de la tête et des épaules le marché hexagonal. Les chiffres de l'ANFR vont d'ailleurs dans son sens. L'agence indique ainsi que le premier opérateur national compte 2026 supports 4G en service, soit plus de quatre fois le nombre de supports de SFR (479) et de Bouygues Telecom (439).
L'avance considérable d'Orange pourrait toutefois appartenir au passé dès le mois prochain. En effet, Bouygues a déjà cumulé 4144 accords auprès de l'ANFR, dont 3353 sur la bande 1800 MHz, contre 2276 pour Orange toutes fréquences confondues. Certes, rien n'oblige l'opérateur à exploiter ces accords avant un an et demi, et rien ne prouve que l'intégralité de ces accords se transformera en mise en service. Néanmoins, le potentiel de Bouygues est quasi deux fois supérieur à Orange, et l'écart pourrait être plus important encore dans le futur. Et surtout, il serait surprenant que le troisième opérateur du pays n'utilise pas ses antennes 4G sur la bande 1800 MHz dès le 1er octobre. Cela lui donnera un avantage fantastique et surtout difficilement opposable à court terme.
Le nombre d'antennes ne fait pas les affaires de SFR
Mais le nombre de supports et d'antennes ne fait pas tout. En effet, comme le tableau en début d'article le montre clairement, trois bandes différentes sont plus ou moins exploitées par les opérateurs. Concrètement, Bouygues mise essentiellement sur le 1800 MHz (80 % de ses accords) et en partie sur le 2,6 GHz. Orange, lui, déploie quasi intégralement (86 %) sur la bande 2,6 GHz. La raison en est simple, l'opérateur est celui qui a le plus dépensé pour ces fréquences (287 millions d'euros) et il dispose donc en conséquence des meilleures parties. Quant à Free Mobile, il ne détient pour l'instant ni de fréquences en 800 MHz (enchères perdues) ni en 1800 MHz (vendues avant son arrivée). Il n'a donc pas le choix de déployer autrement qu'en 2,6 GHz, ce qui représente ainsi 100 % de son déploiement 4G. Il est d'ailleurs l'opérateur a avoir mis le plus d'argent pour cette bande (271 millions), largement devant Bouygues (228 millions) et SFR (150 millions).
SFR, justement, est lui aussi dans une situation très différente des autres opérateurs en matière de 4G. S'il n'a pas demandé à exploiter ses fréquences 1800 MHz pour le LTE contrairement à Bouygues Telecom, l'opérateur au carré rouge dispose à la fois des bandes de 800 MHz et de 2,6 GHz, à l'instar d'Orange. Mais SFR a dès le départ opté pour une autre stratégie en investissant très peu dans le 2,6 GHz (150 millions donc) et massivement dans le 800 MHz. 1,065 milliard d'euros ont ainsi été mis sur la table par l'opérateur uniquement pour cette bande, contre 891 millions pour Orange et 683 millions pour Bouygues.
Depuis le mois de mai, et plus encore depuis le mois d'août, SFR a montré son vif intérêt pour le 800 MHz.
Pour SFR, la manœuvre consiste donc à tout miser sur le 800 MHz. Pour l'instant, cette stratégie n'est pas totalement visible, puisque l'opérateur compte 473 supports 4G en service en 2,6 GHz, et à peine 126 en 800 MHz. Ce ne sont néanmoins pas ces chiffres qu'il faut observer. Si l'on regarde du côté des accords déjà négociés avec l'ANFR, nous remarquons que SFR en compte 934 en 2,6 GHz, soit deux fois moins que Bouygues et Orange, et surtout 832 accords en 800 MHz. C'est deux fois plus qu'Orange, et quatorze fois plus que Bouygues Telecom. Dans les mois à venir, la filiale de Vivendi devrait donc déployer l'essentiel de ses antennes en 800 MHz, et ainsi doubler celles en 2,6 GHz. SFR nous a d'ailleurs confié être proche de son maximum pour cette bande, et que le 800 MHz était aujourd'hui sa priorité.
Cette tactique mise en place par SFR a deux atouts et un défaut. Les atouts sont simples. La bande de 800 MHz, dite fréquences « en or », est de bien meilleure qualité que les autres car pouvant pénétrer plus aisément les bâtiments notamment. Si la bande de 2,6 GHz était peu coûteuse, c'est aussi parce qu'elle implique le déploiement d'un grand nombre d'antennes pour assurer un bon réseau. A contrario, la bande de 800 MHz a certes forcé les opérateurs à ouvrir leur portefeuille, mais elle demande bien moins d'antennes pour obtenir un réseau de qualité. SFR qui mise donc sur ces fréquences, aura donc toujours du retard sur ses concurrents si l'on compte juste le nombre d'antennes. Dès lors que les autres préfèrent déployer sur les bandes de 1,8 et de 2,6 GHz, qui nécessitent plus d'antennes, ils seront nécessairement devant.
C'est la raison pour laquelle se baser exclusivement sur le nombre d'antennes déployées toutes fréquences confondues est une erreur. Orange et Bouygues pourraient mettre en avant ces données d'un point de vue marketing. SFR ne le peut évidemment pas. Tous les opérateurs devraient d'ailleurs plutôt vanter le nombre de villes concernées et surtout le pourcentage de la population touché. Et malgré beaucoup moins d'antennes que ses concurrents, SFR pourrait ne pas avoir tant de retard que cela. Tout dépendra de son déploiement en 800 MHz.
Free Mobile se fait attendre
Afin de mieux mesurer la progression des autres opérateurs en matière de 4G, que ce soit en terme d'accord ou de mise en service, voici un tableau résumant leur croissance sur un mois.
Les données montrent ici nettement que Free Mobile est en retrait des autres opérateurs. Il a même été surpassé par SFR en matière d'accords, alors qu'il le devançait ces derniers mois. Le mois d'août a néanmoins été très calme pour Free avec seulement 64 nouveaux accords, ce qui explique cette situation. Mais c'est surtout du côté des mises en service que l'on attend le nouvel opérateur. Alors qu'Orange et Bouygues prennent de l'avance et que SFR fera assurément tout pour rattraper son retard grâce au 800 MHz, le silence de Free pousse à imaginer toutes sortes de scénarios.
Le plus optimiste implique une mise en service uniquement lorsque l'opérateur aura couvert avec ses propres antennes au moins près de la moitié de la population, ceci pour un tarif identique à ses offres 3G. Cela lui permettra d'obtenir un accord d'itinérance 4G avec SFR (ou un autre opérateur), qui lui louera ses antennes en 800 MHz dans les zones les moins denses, c'est-à-dire pour 18 % de la population française. Néanmoins, avec seulement 1158 accords dans la bande 2,6 GHz, même en cas d'une mise en service de 100 % de ces accords, Free aura bien du mal à rattraper la concurrence. Néanmoins, en cas de transformation intégrale de ses antennes 3G en 4G, la situation pourrait rapidement s'inverser.
3G : SFR bondit, Free progresse à pas de sénateur
Du côté de la 3G justement, les chiffres de Free Mobile sont relativement décevants. Avec 2641 accords et 2253 antennes en service, l'opérateur n'affiche ainsi une croissance mensuelle que de 51 accords et 46 mises en service. Un rythme bien trop lent pour rattraper la concurrence, et qui oblige de nombreux abonnés à exploiter en itinérance le réseau d'Orange.
L'autre donnée importante dévoilée par l'ANFR en ce début du mois de septembre concerne SFR pour la 3G. En un mois, l'opérateur est passé de 13 179 antennes en service à 15 207 antennes. Un bond anormal qui nous a poussés à contacter l'ANFR et SFR afin de mieux comprendre la situation. La première nous a expliqué qu'il s'agissait probablement d'une régularisation des antennes mises en service, sans plus d'information.
Contacté, SFR a été nettement plus précis sur le sujet. Tout d'abord, l'opérateur a confirmé qu'une régulation du nombre d'antennes en service, en particulier sur la bande 2,1 GHz, avait été réalisée. Enfin, et surtout, SFR a tenu à rappeler qu'il réalisait un « refarming massif » en 900 MHz. Pour rappel, les opérateurs peuvent exploiter leurs fréquences 900 MHz (2G) pour offrir de la 3G à leurs clients. Un point que nous avions déjà détaillé lors de l'ouverture de la 4G à Lyon. Du fait de son accord avec Free Mobile et des nombreux clients voix de ce dernier, Orange ne peut exploiter à son plein potentiel cette bande. A contrario, SFR et Bouygues peuvent parfaitement exploiter cette possibilité, qui a de plus l'avantage d'offrir une très bonne qualité 3G aux clients.
En un mois, ce « refarming » a ainsi concerné plus de 1000 nouvelles antennes en service pour SFR. Avec 6691 accords et déjà 4982 antennes en service pour l'UMTS en 900 MHz, l'opérateur au carré rouge domine donc largement les débats sur ce point. Bouygues, avec 5102 accords, se prépare d'ailleurs à en faire de même visiblement. Le but des deux opérateurs est d'offrir la 3G la meilleure possible (à 42 Mb/s notamment) en exploitant le moins d'antennes possible. Car à l'instar de la 4G pour les bandes 800 MHz et 2,6 GHz, pour la 3G, la bande 2,1 GHz implique la mise en service de plus d'antennes pour une qualité égale.