L’architecte du Patriot Act fustige la collecte des métadonnées par la NSA

Un périmètre « sans limite »

En juin dernier, l’American Civil Liberties Union (ACLU) déposait plainte contre quatre membres de l’administration Obama au motif que la gigantesque collecte des métadonnées, via l’accord avec Verizon, était inconstitutionnelle. L’affaire prend désormais un nouveau tournant avec le soutien apporté à l’ACLU par une importante personnalité : Jim Sensenbrenner, l’un des architectes du Patriot Act.

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Crédits : Electronic Frontier Foundation, licence Creative Commons

Les métadonnées de tous les appels passés vers et depuis les États-Unis

La collecte des métadonnées par Verizon est le premier et l’un des plus grands coups d’éclat d’Edward Snowden, le lanceur d’alertes qui détient des dizaines de milliers de documents sensibles émanant de la NSA (National Security Agency). Pour rappel, l’opérateur de téléphonie mobile stocke de nombreuses informations sur les appels, notamment qui appelle qui, à quelle heure, pendant combien de temps, la position géographique quand elle est disponible, et ainsi de suite.

 

Peu de temps après ces premières révélations, alors que le scandale Prism éclatait, l’American Civil Liberties Union (ACLU) décidait de déposer plainte pour inconstitutionnalité de la collecte. La plainte visait pas moins de quatre hauts responsables, tous membres de l’administration Obama : James Clapper, directeur national du renseignement, Chuck Hagel, secrétaire à la Défense, Robert Mueller, directeur du FBI (Federal Bureau of Investigation) et Eric Holder, procureur général des États-Unis. James Clapper a depuis dû s’expliquer plusieurs fois devant le Congrès américain au sujet de Prism, tandis qu’Eric Holder était notamment le destinataire d’un courrier de la commissaire européenne Viviane Reding, dans laquelle elle posait des questions très précises sur l’impact de Prism en Europe.

Quand l'un des architectes du Patriot Act apporte son soutien à l'ACLU 

Dans un communiqué publié hier par l’EFF (Electronic Frontier Foundation), on apprend désormais que le principal architecte de la fameuse loi Patriot Act (votée peu de temps après les attentats du 11 septembre), Jim Sensenbrenner, apporte son soutien à la plainte de l’ACLU. Le système judiciaire américain permet en effet à une personnalité ou un organisme de participer à un procès sous la forme d’un amicus, une lettre ou un document comportant des informations susceptibles d’éclairer le tribunal.

 

 

Cet « amicus curiae » se concentre sur plusieurs points particuliers. Jim Sensenbrenner commence par rappeler que le Congrès américain a spécifiquement autorisé la collecte de documents et d'autres éléments dans le cadre très strict de la lutte anti-terroriste. En outre, le renseignement devait avoir la preuve que les données collectées revêtaient une importance quelconque et étaient en phase avec la mission qui lui avait été confiée.

Pourquoi le Congrès aurait signé « une clause aussi dénuée de sens » ?

D’autre part, il insiste sur le fait qu’à aucun moment le Congrès n’a donné son accord pour la collecte aveugle de tous les appels entrant et sortant des États-Unis, la capture de ces informations et « le viol de la vie privée de millions d’américains innocents ». Il s’oppose en cela aux explications de la défense pour qui le Congrès « a ratifié implicitement le programme ».

 

Pour résumer, la collecte opérée par le renseignement américain ne correspond pas à l’autorisation donnée explicitement par le Congrès. « La vaste majorité des enregistrements collectés n’a absolument aucune relation avec les enquêtes terroristes. Cette collecte de millions d’enregistrements sans aucun rapport est intégrée au programme de collecte de masse » accuse-t-il dans son amicus. L'homme indique par ailleurs que la théorie de la défense autour du mot « pertinence » n’a pas lieu d’être et est tout simplement « au-delà de n’importe quelle compréhension raisonnable du terme ».

 

Il pointe en outre la fragilité de la défense, pour qui le Congrès savait très bien ce qu’il signait. Ainsi, elle serait incapable d’expliquer pourquoi le Congrès aurait signé « une clause aussi dénuée de sens », avant d’ajouter que le périmètre du programme est « sans limite ». Sensenbrenner résume la question et pose une interrogation simple : « La NSA rassemble sur une base journalière les détails de chaque appel que chaque Américain passe, ainsi que chaque appel passé par des étrangers vers ou depuis les États-Unis. Comment est-il possible que chaque appel que chaque Américain passe ou reçoit puisse être en rapport avec une enquête spécifique ? »

Le fossé entre collecte proactive et requêtes spécifiques 

C’est là toute la différence d’approche entre les opérations pratiquées par la NSA et la vision du Congrès selon Jim Sensenbrenner. Ainsi, la NSA enregistre de manière proactive l’ensemble des métadonnées pour y repérer des relations suspectes. Le Congrès, quant à lui, n’aurait autorisé la collecte que dans un cadre précis, via des facteurs de motivation spécifiques : l’agence devait avoir des raisons de collecter des données.

 

Si l’amicus de Jim Sensenbrenner est important car il apporte l’avis d’un homme très impliqué dans la guerre au terrorisme, il n’est cependant pas le seul. Dans un autre document, on trouve ainsi toute une liste de personnalités et d’organismes, par exemple Michael Lynch, un professeur de philosophie de l’université du Connecticut, le Reporters Committee for the Freedom of the Press ou même encore la très puissante NRA (National Rifle Association), l’organisme de défense des armes à feu. Selon cette dernière, la collecte opérée par la NSA crée « de facto » une liste des possesseurs d’armes.

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