Hadopi : la peine de 15 jours de suspension à Internet ne sera pas appliquée

In mitius

Exclusif PC Inpact : Le premier abonné condamné à une peine de suspension après une procédure Hadopi conservera finalement son accès à Internet. Un petit miracle que nous a confirmé la Hadopi. Explications.

 

Malgré de multiples avertissements adressés par la Hadopi, l’adresse IP de cet employé de la mairie de Montreuil continuait à être repérée par les ayants droit via les radars de l’entreprise Trident Media Guard (TMG). En cause selon nos sources, deux MP3. Un titre de Rohff, un autre du Collectif Métissé.

 

Saisi par la Hadopi, le tribunal d’instance de Montreuil sanctionnait le 3 juin 2013 cet homme de 46 ans à 600 euros d’amende et 15 jours de suspensions d’accès (le jugement dévoilé dans nos colonnes).

 

Le 9 juillet, le ministère de la Culture publiait un décret annoncé notamment lors du Festival de Cannes. Il abrogeait la suspension d’accès à internet, peine complémentaire à la fameuse contravention pour défaut de sécurisation. La ministre applaudissait sa décision sur son compte Twitter : « La coupure internet c'est fini. Le changement c'est maintenant ». Sur le site de la Rue de Valois, même salve d’autosatisfaction: « ce n’était pas une peine purement théorique, comme l’a montré, il y a quelques semaines, le prononcé d’une suspension de 15 jours d’accès à Internet par un tribunal d’instance de Seine-Saint-Denis. »

La peine de suspension de 15 jours ne sera jamais appliquée

De fait, la peine restera bien théorique. Questionnée sur la mise en œuvre effective de cette suspension après le jugement de Montreuil, Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la Commission de protection des droits à la Hadopi, nous le dit clairement : « nous ne savons pas où en est l'exécution de la décision du tribunal d’instance de Montreuil. Mais nous n'avons plus aucune raison d'en être informés ».

 

Pourquoi ? « Lors de la publication du décret abrogeant la peine de suspension pour la contravention de négligence caractérisée, la décision n'était pas passée en état de force jugée. Le jugement rendu par défaut (c'est vous qui me l'avez appris) n'avait pas encore été signifié et le délai d'opposition n'avait pas encore couru ». Le fait que l’abonné ne s’est pas présenté au tribunal a conduit celui-ci à rendre un jugement « par défaut » ouvrant dans le même temps une période procédurale un peu brumeuse.

 

C’est justement durant cette période que le décret mettant fin à la suspension a été publié. Or, il existe en droit pénal un principe bien connu : si les textes plus sévères ne sont pas rétroactifs, les mesures plus douces s'appliquent aux faits du passé. Et c’est exactement ce qui s’est produit ici, selon Mireille Imbert-Quaretta : « La suppression de la peine de suspension s'est appliquée immédiatement et elle ne peut plus être mise en œuvre. Pour être un peu pédante c'est l'application de la règle pénale de la rétroactivité "in mitius" ». Ainsi, ce premier et dernier condamné par défaut à une peine de suspension ne verra pas sa peine de 15 jours appliquée, le décret annulant dans le Code la suspension ayant été publié entre-temps.

Une peine de suspension qui était de toute façon impossible techniquement ?

Comme signalé plusieurs fois dans nos colonnes (voir notre procédure CADA contre la CNIL), la peine de suspension a toujours posé de lourds problèmes techniques. La loi Hadopi prévoit en effet que le juge peut condamner l’abonné à un mois de suspension, non à Internet comme on a coutume de résumer, mais aux « services de communication au public en ligne ».

 

Dans la première version du projet de loi Hadopi, le texte tapait large pour infliger une « peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne et de communications électroniques ». Le 22 juillet 2009, deux amendements similaires signés des députés Martine Billard et Jean Pierre Brad d’un côté, Lionel Tardy et Dionis du Séjour de l’autre, supprimaient la partie « et de communications électroniques ». Seule restait la partie « à un service de communication au public en ligne ».

 

Cette nuance juridique a eu des effets lourds. En effet, avec elle, la suspension ne doit viser finalement que l’accès au web (les fameux services de communication au public en ligne), non à tout Internet. Cela devait laisser intact notamment les correspondances privées (mails, messagerie Facebook, Skype, etc.), la télévision et la téléphonie. Interrogé sur la mise en œuvre de cette usine à gaz en mai 2011, la Hadopi refusait de nous donner le moindre détail. Elle renvoyait la problématique dans les mains du tribunal : « c’est (…) au juge qu’il appartient de prononcer la peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne et d’en déterminer les contours au regard des circonstances du dossier. »

 

Alors certes, le tribunal de Montreuil a bien infligé ce 3 juin 2013 une peine de suspension, mais il n'en a pas déterminé « les contours au regard des circonstances du dossier ». L’intervention du décret supprimant la suspension enfoncera les derniers clous dans le cercueil de cette problématique. Avec finalement, une sèche conclusion : la suspension Hadopi sera bien restée une peine « purement théorique ».

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