Amazon a dévoilé hier les grandes lignes de son offre Matchbook. Le principe ? Proposer à tarif préférentiel la version numérique d’un livre physique déjà acheté dans ses rayons depuis 1995. Le Syndicat de la librairie française nous donne sa première analyse de ce mécanisme pour l’heure réservé aux États-Unis, qui porte déjà sur 10 000 titres.
L'article 4 de la loi du 26 mai 2011 sur le livre numérique
Amazon a décidé de s'inspirer de son offre AutoRip pour l'adapter à l'univers du livre. Vous achetez un livre papier dans ses rayons, et Amazon vous propose ce même livre en version numérique gratuitement ou à tarif promotionnel, entre 0,99 $, 1,99 $ ou 2,99 $ suivant les titres.
Mais quelle est la légalité de l’offre Matchbook d’Amazon au regard de la loi du 26 mai 2011, celle-là même qui encadre le commerce de livre numérique ? Hervé Bienvault, Chargé de mission sur le numérique au SFL nous a confié sa première analyse. « Le cadre de la loi est clair : les offres sont faites par les éditeurs. Pour déployer une telle offre, Amazon doit donc avoir leur aval. Et quand bien même il y aurait cet aval, les éditeurs doivent potentiellement pouvoir proposer cette offre à l’ensemble des acteurs du marché ». À l’aide des historiques de vente des libraires, constitué notamment grâce aux cartes de fidélités, ce service pourrait ainsi être proposé dans des librairies indépendantes si elles s’organisent.
Une offre couplée rétroactive
En attendant, le mécanisme d’Amazon s’apparente à « une offre couplée rétroactive » jauge le SNL au vu des premiers éléments disponibles. « Théoriquement, il n’y a pas de restriction particulière, du moins les éditeurs le décident ». Le syndicat nous pointe spécialement l’article 4 sur le prix du livre numérique qui n’autorise ces ventes à primes de livres numériques « que si elles sont proposées par l'éditeur. »
Il existe déjà un exemple de cette grande latitude tarifaire : les offres Eclair d’Amazon qui casse sur la journée, le prix des eBook pour Kindle. Ces opérations ne sont possibles que parce que le détaillant a eu l’accord de l’éditeur. « L’offre est faite par l’éditeur et est disponible sur l’ensemble du réseau » nous décrit Hervé Bienvault, avant de temporiser : « je ne pense pas que les éditeurs [français, NDLR] aillent tout de suite sur cette offre Matchbook déjà parce qu'il y a une perte de valeur très importante ».
Les difficultés sont accentuées par la situation d'Amazon sur ce marché. Développer Matchbox n'est pas à la portée du premier venu. « Autant c'est facile pour Amazon qui est dans un système propriétaire fermé et vertical, autant pour les libraires, c'est très compliqué ». Même si potentiellement il est possible pour les libraires de développer des offres similaires, la réalité est plus délicate puisque chaque libraire doit alors récupérer les références clients, les adresses e-mail, etc.
La question des fichiers numériques d'occasion
La question du commerce de livres numériques déborde aussi sur celle, sensible, de la revente des fichiers d’occasion. Comme souligné dans nos colonnes, la problématique est actuellement étudiée par le Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique, au sein du ministère de la Culture. En attendant ses conclusions, le SNL surveille ce sujet comme le lait sur le feu. Le syndicat a déjà des yeux sur ce qui se passe en Allemagne « où les juges ont estimé que le fichier numérique ne pouvait être revendu. »
La médiation promise par Aurélie Filippetti
Ces différents sujets – sans oublier celui des frais de port offerts par Amazon – devraient normalement être abordés par les professionnels après la nomination du médiateur du livre. Cette médiation a été annoncée par Aurélie Filippetti lors du Salon du livre en mars 2013. Les discussions s’annoncent déjà serrées alors que l’aiguillon concurrentiel s’aiguise sur ces biens culturels. « Amazon est en train de changer son fusil d’épaule. Le site avait jusqu’alors besoin des libraires pour ses marketplaces. Aujourd’hui c’est moins vrai ». Témoignage de ce mouvement ? Amazon a relevé ses commissions sur ses marketplaces à 15 % en début d’année, contre 10 % auparavant et dans le même temps, le géant américain construit des entrepôts de plus en plus grands « afin de favoriser les ventes qu’il fait lui-même avec ses stocks. »