Lors d’une récente actualité, nous avons soulevé de nombreuses questions sur la fin du support de Windows XP. Nous nous sommes entretenus avec Luc Badier, le chef de produit Windows de Microsoft France, au sujet de cette période très délicate. Et une conclusion s’impose : l’éditeur souhaite la mort définitive de son ancien produit.
Windows XP détient un record chez Microsoft : celui du Windows le plus longtemps supporté. Un support qui s’arrêtera le 8 avril 2014, soit dans un peu plus de sept mois. À partir de cette date, toutes les failles découvertes ne seront plus corrigées, laissant alors les machines Windows XP sans défense face aux menaces des malwares, comme autant de victimes très affaiblies prêtes à devenir des zombies dans les immenses armées des botnets.
Pour Microsoft, un évident problème de ressources affectées
De fait, cet arrêt pose de multiples questions, notamment sur cette phase très délicate qui courra de l’arrêt du support au renouvellement des machines avec un système plus récent. Nous nous sommes entretenus avec Luc Badier sur ce sujet épineux. Un sujet que Microsoft n’ignore pas puisque la firme est parfaitement au courant des problèmes engendrés par un support aussi long.
Pour le chef produit, le principal « est au niveau des ressources affectées à ce support. On n’a jamais aussi longtemps supporté un système, ni autant patché un système après sa période normale de support ». Conséquences ? « Cela mobilise des ressources de support qui ne sont donc pas affectées aux produits plus récents. Surtout quand on sait que XP ne correspond plus ni aux besoins ni aux appareils aujourd’hui commercialisés ».
La fragmentation représente donc un évident problème pour la firme. Pour les utilisateurs aussi bien sûr car n’importe quel logiciel récent distribué par Microsoft refusera de s’installer sur XP, qu’il s’agisse d’Internet Explorer, de la suite Live (aujourd’hui retirée) ou encore d’Office. Pour l’éditeur, il s’agit encore d’un problème de ressources : « On a des équipes de développement qui sont dédiées à chacun des systèmes. Et puisqu’il y a une rupture de plateforme entre Windows XP et Windows 7, ça nous fait en effet un véritable problème de garder des équipes à la fois sur l’ensemble de ces plateformes ».
Custom Support : oui, mais dans des cas bien particuliers
Hier, nous soulignions qu’une partie des produits de Microsoft peut faire l’objet d’un Custom Support. Il s’agit d’une période de trois ans pendant laquelle le produit peut continuer à recevoir des mises jour pour corriger les failles critiques. Mais ce traitement n’est valable que pour certains grands comptes, à un tarif relativement élevé, environ 200 dollars par machine et par an. Pour les failles de niveau « important », il faut encore payer un supplément.
Mais alors, est-ce pour Windows XP l’arrêt définitif du support ou bien certains grands comptes pourront-ils quand même bénéficier du Custom Support ? « Oui, il y en aura bien un ». Cependant, le chef produit Windows se montre très clair sur la question : « Pour répondre à votre question, oui il s’agit bien du véritable arrêt du support de Windows XP puisque la définition du support est que l’on s’occupe de l’ensemble de la plateforme et non de clients en particulier ». Il s’agira donc « d’un support dédié et contractuel, qui n’engage que les clients qui y souscrivent. Les clients qui recevront les mises à jour ne pourront pas les redistribuer à d’autres clients ».
Et si cet aspect du support de Windows XP n’est pas abordé, c’est que la firme se montre très discrète sur le sujet. Les clients éventuellement concernés sont très peu nombreux, à peine une partie des grands comptes. L’éditeur n’a pas besoin d’en faire une publicité quelconque puisque les intéressés connaissent déjà la formule. De plus, « on ne veut pas associer le Custom Support au grand public pour ne pas créer de confusion » indique Luc Badier. Pas question de créer un faux « espoir » car la quasi-totalité des utilisateurs de XP ne pourra rien faire d’autre que chercher une autre solution : « Non les clients n’auront pas trois ans de support supplémentaires ».
Le scénario catastrophe de la sécurité
Si, comme on l’a vu, Microsoft semble décidé à débrancher le respirateur artificiel de Windows XP, cela ne sera pas sans conséquence. Dès lors que les machines ne recevront plus de correctifs, les malwares risquent de s’en donner à cœur joie. Or, comme nous l’indiquions hier, certains pays comme la Chine ont encore un nombre très important de machines sous Windows XP. Il y a donc un risque réel pour que ces parcs viennent deviennent des armées de machines zombies, les fameux botnets, et donc autant d’usines pour générer du spam, des attaques et infecter d’autres machines à leur tour.
De fait, d’un problème concernant Microsoft, on passe à un problème qui pourrait affecter Internet lui-même, et on peut imaginer que les pirates se frottent déjà les mains en mettant de côté des failles qui pourraient servir. Nous avons donc interrogé la société sur ce point problématique : des mesures sont-elles prévues dans le cas où la situation déraperait ? « Pour répondre franchement, non, il n’y aura rien de fait ».
Windows XP doit mourir...
Luc Badier explique que Microsoft prépare le terrain depuis deux ans maintenant pour l’arrêt du support. La conséquence est radicale : « Non il n’y aura pas de reprise en main, il n’y aura pas d’intervention pour sauver les systèmes, on est véritablement tournés vers cet arrêt, et il est grand temps de migrer » explique le responsable. Nous avons tout de même voulu savoir si Microsoft comptait mettre en place une communication particulière, mais la réponse est une nouvelle fois fois non : « Nous continuerons à accompagner les clients comme nous le faisons dans leurs migrations. Mais d’un point structure de produit ou structure de support, il n’y aura comme je vous le disais aucune modification à la date ».
Pour résumer, quand va se présenter la fin du support de Windows XP, Microsoft continuera à vaquer à ses occupations. Aucune campagne de communication ne prendra place, et a priori aucune promotion sur le prix des licences ne sera faite. Luc Badier rappelle d’ailleurs à ce sujet que lorsque Windows 8 est sorti, il était disponible en mise à jour pour 20 euros : « Beaucoup d’utilisateurs l’ont acheté sans pour autant le déployer. On peut donc parier sur des installations à ce moment-là, quand ils n’auront plus vraiment le choix ».
... et Microsoft restera spectateur
En définitive, la fin de vie de Windows XP sera probablement brutale. Le support étendu est la dernière barrière qui empêche le système d’être dévoré vivant par les malwares et autres menaces de sécurité. En quelques mois, quand les failles se seront multipliées et laissées béantes, la situation risque vite de devenir très pénible pour les utilisateurs, et les antivirus ne pourront guère faire de miracle. Pourtant, et même si l’absence de mesures peut sembler radicale, il ne faut pas oublier que Microsoft prévient de cet arrêt depuis plusieurs années maintenant. Les conséquences exactes n’avaient pas été encore clairement annoncées, mais le résultat était prévisible.
Le message de Microsoft est donc simple : migrez. Et pourtant, la firme s’attend à ce qu’une partie des utilisateurs se tourne vers des solutions alternatives. Nous avons posé la question du cas Linux, et le responsable pense effectivement que les distributions pourront représenter une solution pour une partie des machines. Mais la majorité des utilisateurs pourrait simplement se débarrasser de leur vieux PC et se racheter une machine neuve. En sautant les étapes Vista et Windows 7, ils se retrouveront alors face à Windows 8.1 et de nombreuses habitudes à réapprendre.