Il y a quelques semaines, ASUS levait le voile sur son premier écran capable d'afficher une définition 4K Ultra HD (3840 x 2160 pixels) : le PQ321QE. Nous avons eu l'occasion de passer un peu de temps avec celui-ci, et avons décidé non pas de le tester pour ses qualités propres, mais pour voir comment fonctionnait un un tel produit sur différentes plateformes.
Le PQ321 a été évoqué pour la première fois en amont du Computex par ASUS. Celui-ci dispose d'une dalle IGZO de 31,5", qui est pour le moment l'une des rares à pouvoir être utilisée dans un moniteur affichant une définition de 3840 x 2160 pixels. L'écran n'est d'ailleurs lui-même qu'une reprise d'un modèle Sharp : le PN-K321H. Une manière pour la marque de montrer son intérêt pour l'ultra haute définition à moindres frais.
Asus PQ321QE : pas d'HDMI 1.4 en Europe, mais ce n'est pas grave
En Europe, sa référence exacte est PQ321QE. Une distinction qui a une raison simple : il est dépourvu de connecteurs HDMI en Europe afin d'éviter la taxe de 14 % appliquée aux produits assemblés hors de l'UE, car considérés comme des téléviseurs à partir d'une certaine diagonale lorsqu'ils disposent d'une connectique numérique spécifique. Dans le reste du monde, deux ports HDMI 1.4 sont aussi présents. Ceux-ci permettent un fonctionnement à la définition annoncée, mais avec une fréquence de 30 Hz seulement dans le meilleur des cas.
En effet, seul le DisplayPort 1.2 est capable d'assurer un fonctionnement à 60 Hz dans de telles conditions, et comme nous le verrons un peu plus loin, ce n'est pas toujours aussi simple que l'on pourrait le penser.
Nous n'avons pas eu la possibilité de récupérer ce produit au sein de nos labos, et nous avons donc décidé de rendre une petite visite à ASUS en fin de semaine dernière afin d'effectuer certains tests qui nous tenaient à cœur. Seule condition : pouvoir le faire comme nous le voulions, sans contrainte. Ce que la marque a accepté. Elle nous a donc simplement mis à disposition une machine de test avec les composants demandés, et l'écran pour quelques heures.
Notre but n'était de toute façon pas de tester la bête en tant que telle, ce que d'autres de nos confrères ont déjà fait. Vous pourrez ainsi lire une analysée chez Hot Hardware, Les numériques, ou même Hardware.info pour la version vendue sous la marque Sharp.
3500 € pour le premier écran 4K : un modèle qui incite au triple Cinema Display
Petit rappel des caractéristiques néanmoins : la dalle IGZO annonce des angles de vue de 176° sur les deux axes, un temps de réponse gris à gris de 8 ms, un taux de contraste de 800:1 et une luminosité de 350 cd/m². Les dimensions de l'ensemble sont de 750 x 489 x 256 mm pour un poids de 13 kg.
On ne peut pas dire que le tout fasse en effet dans la discrétion. Côté tarif, ne rêvez pas, ce sera bien entendu indécent : 3500 € si l'on en croit LDLC et Materiel.net qui le proposent depuis peu... autant dire que les amateurs de surface préfèreront sans doute se payer trois Cinema Display 27 d'Apple, bien que le modèle d'ASUS dispose d'un avantage appréciable à notre sens : une dalle matte.
Tentant, non ?
L'écran était calibré lors de nos essais, autant dire que la colorimétrie nous semblait plutôt bonne. La dalle respecte ce qui est annoncé en terme d'angles de vue, mais il semblerait tout de même que les réglages d'usine pourraient être améliorés selon nos différents confrères. La question du temps de réponse est aussi parfois posée, mais rien ne nous a spécialement choqués lors de nos essais en jeu. Certains sont néanmoins plus sensibles que d'autres sur ce point, mais ce produit se destine surtout à des graphistes et / ou une utilisation « Pro » avant tout.
En réalité, ce qui nous a plutôt déçus de prime abord concerne l'ergonomie de l'écran tant ses boutons placés sur le côté droit ne sont pas pratiques à utiliser : on ne sait pas à quoi ils correspondent, leur organisation est assez inhabituelle et leur réactivité assez perfectible. Rajoutez à cela un OSD un peu vieillot, et le tour est joué.
Pour le reste, on appréciera le fait que la hauteur de l'écran soit ajustable et que l'ensemble puisse pivoter autour du pied. Impossible par contre d'effectuer une rotation pour l'utiliser en mode portrait par exemple. Il faudra aussi aimer jouer du tournevis puisque le produit est livré en trois morceaux qu'il faudra assembler : la dalle, l'axe et son pied. Une fois le tout monté, on ne pourra pas se passer de l'effet « waow » d'une dalle de 31,5", même lorsque l'on est habitué à du 27" ou du triple 22/24" au quotidien.
La 4K à 60 Hz en 2013 : tout va bien, tant que vous êtes sous Windows
Mais passons maintenant à l'installation et l'utilisation de la bête dans la pratique. Nous avons décidé d'effectuer nos tests sur une machine exploitant un CPU Intel de la génération Haswell (Core i7 4770K) qui supporte nativement la 4K Ultra HD via une carte mère Maximus VI Formula qui propose nativement d'un connecteur DisplayPort 1.2. C'était aussi le cas des Radeon HD 7970 DirectCU II et GeForce GTX 770 DirectCU II OC de la marque que nous avons utilisées, avec les derniers pilotes publics à notre disposition.
La machine fonctionnait sous Windows 8.1 dans sa version « Public Preview » (voir notre dossier), à jour elle aussi. Nous avons fait ce choix car la nouvelle version du système d'exploitation de Microsoft dispose de certains avantages vis-à-vis des écrans disposant d'une telle définition comme nous le verrons plus loin.
Un bureau Windows 8.1 4K, voilà le résultat
Que les amateurs de Linux se rassurent, nous ne les avons pas oubliés. Mais malheureusement, nos premiers essais n'ont pas été très concluants et nous n'avons pas pu faire fonctionner nos configurations dans la définition annoncée. Par manque de temps, nous n'avons pas pu creuser les choses pour le moment, mais nous tenterons de revenir sur le sujet de manière séparée dès que nous en aurons l'occasion. Il en sera de même pour OS X.
Quoi qu'il en soit, une fois la machine démarrée, que ce soit avec une solution AMD, Intel ou NVIDIA, la définition de 3840 x 2160 pixels était parfaitement fonctionnelle. Nous avons néanmoins noté que le curseur de la souris semblait afficher une certaine latence à l'affichage, ce qui est plutôt logique puisque nous étions limités à du 30 Hz. En effet, les contrôleurs actuels ne peuvent dépasser cette limite, et en attendant une prochaine génération, les constructeurs se doivent de ruser.
Des contrôleurs pas encore prêts : heureusement, le mode MST est là
C'est là que le mode MST (Multi-Stream Transport) du DisplayPort, déjà utilisé dans d'autres produits comme ce hub de Club 3D, entre en jeu. Il suffit en effet de l'activer via l'OSD (avec un peu de patience). Une fois ceci effectué, votre système ne sera plus reconnu comme un seul écran, mais deux, avec un résultat au départ un peu étrange :
Deux écrans en un seul : l'un sur le bureau, l'autre sur l'écran d'accueil
En effet, le connecteur DP fera transiter deux flux 4K Ultra HD à 30 Hz, qu'il sera possible de combiner pour obtenir une seule image à 60 Hz. Pour cela, il suffira d'utiliser les modes prévus par chaque constructeur : Collage chez Intel, Eyefinity chez AMD ou Surround chez NVIDIA. En général, cela est l'affaire de quelques clics.
ASUS avait pour sa part détaillé la procédure dans cette vidéo :
Ce n'est certes pas aussi simple qu'une solution « Plug n' Play », mais c'est pour le moment la seule manière de disposer d'un écran 4K avec une telle fréquence d'affichage. Les choses devraient néanmoins se tasser dans les mois et années qui viennent avec de nouvelles générations de produits, mais c'est le lot habituel des « early adopters ». Si vous refusez de vous rendre dans le moindre menu ou de payer un écran plus de 111 € le pouce, vous devrez donc plutôt passer votre chemin et prendre votre mal en patience.
Des soucis pratiques, qui auraient pu être facilement réglés
Dans tous les cas, nous n'avons pas rencontré le moindre problème. La seule limite de ce système est ailleurs. En effet, outre les soucis rencontrés lors de nos premiers essais sous Linux, impossible d'avoir accès à l'UEFI de la carte mère en mode MST. Enfin, celui-ci s'affichait bien, mais seulement sur une moitié de l'écran. L'OSD et la gestion des boutons étant ce qu'ils sont, on ne pourra pas activer ou désactiver ce mode rapidement, il aurait donc été préférable de proposer un « switch » à cet effet.
Vous prendrez bien une moitié d'UEFI ?
Une fois l'ensemble configuré, ce qui ne prendra pas plus d'une dizaine de minutes même dans le pire des cas, on peut commencer à utiliser le système comme avec n'importe quel écran. Et ceux qui aiment disposer d'un grand espace de travail seront plutôt conquis. Il nous a en effet été possible d'afficher TweetDeck et nos dix colonnes en taille large, sur un même écran. Des sites comme PC INpact, avec une largeur d'un peu plus de 1000 pixels peuvent tenir par trois ou quatre sans le moindre problème, etc.
Pour ce qui est des vidéos, nous avons effectué de nombreux essais avec des fichiers annonçant des débits de plus de 100 Mb/s, et tout s'est bien passé avec nos trois plateformes. Vous en trouverez certains à cette adresse. Attention, pour cinq minutes, il faut parfois compter jusqu'à 5 Go.
La question du High DPI, et les réglages proposés par Windows 8.1
Il faudra parfois faire quelques réglages, en fonction de vos goûts. Tout d'abord, il faut savoir que toutes les applications ne sont pas pensées pour le « High DPI » et des écrans qui affichent une telle définition. Si c'est nativement le cas d'Internet Explorer 11, il faudra par exemple bidouiller sous Chrome. Seule la version Canary propose pour le moment un mode spécifique, qu'il faudra activer en rajoutant le paramètre suivant dans les propriétés de vos raccourcis :
--high-dpi-support=1
Si vous trouvez les interfaces trop petites à votre goût, Windows proposera aussi nativement des options permettant une mise à l'échelle dans le panneau de configuration, section « Apparence et personnalisation > Affichage ». Avec Windows 8.1, en plus de 125 % et 150 %, il sera possible de passer à 200 % si vous jugez cela nécessaire.
Les réglages de Windows 8.1 et l'effet sur la fenêtre affichée pendant l'installation de Firefox
Notez aussi que vous pourrez désormais utiliser un niveau différent en fonction de vos écrans dans le cas d'une configuration qui en comporte plusieurs par exemple. Bien entendu, cela ne sera pas totalement bien géré par toutes les applications, notamment celles qui fonctionnent sur le bureau comme on peut le voir ici avec l'installation de Firefox. On voit que si le titre de la fenêtre a été effectivement agrandi, le zoom dans son contenu ne se passe pas sans accroc.
Globalement, ce phénomène pourra être constaté dans de nombreuses applications qui exploitent une interface Win32 encore utilisée dans de très nombreux cas. Celles proposées sur le Windows Store, qui exploitent Modern UI, ont l'avantage de s'adapter de par leur conception vectorielle. Mais elles fonctionnent en plein écran ou sur une partie de celui-ci. Est-ce bien utile de disposer de « Courrier » ou de l'application « Télé 7 jours » en 3840 x 2160 pixels ?
Afin que vous puissiez vous rendre compte du résultat des différents réglages sur l'affichage des applications du bureau et de leur contenu, nous avons utilisé Chrome Canary en mode « High DPI » en affichant PC INpact sur une moitié de l'écran :
100 % et 125 %
150 % et 200 %
Il faudra donc trouver le bon compromis en fonction de ce que vous appréciez, mais aussi des compromis que vous accepterez de faire au quotidien. Là encore, tout n'est pas parfait pour le moment, et il faudra attendre un peu pour que cela évolue dans le bon sens.
Dans les jeux, une Radeon HD 7970 ou une GeForce GTX 770 peuvent suffire...
Passons maintenant aux jeux. Ici, tout n'est pas rose non plus, ou tout du moins, cela dépendra des configurations. En effet, les modes Collage, Eyfinity et Surround doivent être pris en compte pour que cela fonctionne. Dans les deux premiers cas, nous avons rencontré des soucis sous World of Warcraft par exemple qui refusait de s'afficher correctement via DirectX 11. Nous avons donc du retourner sous DirectX 9 pour que ce soit le cas.
Du côté de chez NVIDIA, nous n'avons pas noté de souci de ce genre, mais là encore, cela dépendra des titres que vous souhaitez utiliser et de leur compatibilité.
Nous avons ensuite effectué des essais dans plusieurs titres, mais des relevés dans seulement quatre d'entre eux : Sleeping Dogs, DiRT : Showdown, et World of Warcraft en mode DirectX 9 puis DirectX 11 lorsque cela était possible. Nous n'avons gardé que les résultats DirectX 9 puisque les résultats étaient identiques. Bien entendu, inutile de vous dire que seules les Radeon et GeForce ont tenu le choc, la partie intégrée des processeurs Intel n'étant pas pensée pour le jeu en haute définition, c'est encore moins le cas en 4K.
Voici nos résultats :
Comme vous pouvez le voir, on note qu'il est parfaitement possible de jouer avec des cartes mono GPU dans une telle définition à l'heure actuelle. Nos confrères de Hot Hardware qui ont effectué des relevés similaires en 1080p puis en 4K on noté une déperdition qui va de 1 à 3 en moyenne, parfois plus, parfois moins selon les jeux et les réglages, ce qui est plutôt raccord avec nos propres essais.
... mais pourquoi se priver ?
Si les constructeurs vantent leurs produits très haut de gamme, ce sera surtout pour ceux qui veulent vraiment pousser les réglages à leur maximum (comme dans Sleeping Dogs) ou jouer à des titres encore plus gourmands avec une marge assez confortable. Il sera alors possible de passer sur des produits comme la GeForce GTX 780, la Titan ou la Radeon HD 7990, qui valent en général au moins 600 € pièce. Mais après tout, lorsque l'on vient de dépenser 3 500 € dans un écran, est-on à cela près ?
Enfin, pour ceux qui voudraient se rendre compte de la différence de définition dans une scène de jeu, voici un petit montage que nous avons effectué sous DiRT : Showdown en mode Ultra avec une scène 1080p à côté de la même en 4K Ultra HD :
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