Malgré de nouvelles offres, malgré B&You, malgré les forfaits Sensation, malgré l'approche de la meilleure couverture 4G du pays en octobre, la filiale télécom du groupe Bouygues continue de souffrir. Si cette situation n'est pas si surprenante dans le mobile, il faut surtout noter que l'opérateur ne recrute quasiment plus de clients dans le secteur haut débit fixe.
Bouygues en panne dans le fixe
Il y a encore quelques trimestres, Bouygues Telecom était l'opérateur le plus dynamique dans le marché du haut débit fixe français. Mais depuis le début de l'année, la situation s'est fortement dégradée, au point qu'au deuxième trimestre 2013, l'opérateur à la Bbox n'a recruté que 10 000 nouveaux clients nets. Un bilan catastrophique qui nous rappelle celui de SFR en 2011 et 2012.
L'évolution des recrutements d'abonnés dans le fixe pour Bouygues Telecom entre 2012 et 2013 est ici flagrante :
- 1er trimestre 2012 : 88 000
- 2e trimestre 2012 : 70 000
- 3e trimestre 2012 : 77 000 (hors acquisition de Darty)
- 4e trimestre 2012 : 88 000
- 1er trimestre 2013 : 45 000
- 2e trimestre 2013 : 10 000
Bouygues s'explique assez peu sur cette situation. Tout au plus l'opérateur note-t-il une « concurrence accrue » ainsi qu'une volonté de « se concentrer sur l’optimisation des coûts ». En somme, le fournisseur d'accès est moins agressif et cherche plus à gagner de l'argent sur ses clients existants plutôt que d'en recruter de nouveau, ce qui implique nécessairement des coûts.
Au total, Bouygues compte 1,901 million d'abonnés haut et très haut débit.
Mobile : le prépayé continue sa chute, les forfaits sauvés par B&You
Si depuis le début de l'année, Bouygues peut au moins avoir la satisfaction d'avoir des bilans positifs dans le secteur mobile et de recruter des abonnés, il faut néanmoins donner quelques précisions. Ces bilans sont ainsi moins flatteurs que ceux de la fin de l'année 2012, période où le nombre de clients était en bien plus forte augmentation. La faute aux clients prépayés qui fuient les offres de Bouygues Telecom comme la peste, ce qui est de toute façon aussi le cas chez Orange et SFR, le marché du prépayé connaissant une chute sans précédent depuis l'arrivée de Free Mobile.
Il faut de plus noter que les bons résultats de Bouygues dans les forfaits sont en totalité tirés du succès de B&You. C'est le cas depuis plusieurs trimestres, et cela l'est à nouveau lors du second de 2013. Ainsi, alors que la marque annonce avoir recruté 184 000 nouveaux clients en forfait, B&You, lui, en a attiré... 188 000. Cela signifie donc que hors B&You, l'opérateur perd des abonnés. Néanmoins, la situation tend à se stabiliser, alors qu'au premier trimestre 2013, hors B&You, le bilan de Bouygues était catastrophique avec la perte de 145 000 abonnés.
Au total, B&You a recruté depuis sa création 1,601 million de clients. Un excellent résultat qui permet à Bouygues de compter au 30 juin dernier 11,286 millions de clients, dont 9,802 millions de forfaits. Cela représente 18 000 clients de moins qu'au 31 décembre 2011, mais 692 000 abonnés (forfaits) de plus par rapport à cette période. Néanmoins, quand on sait que B&You a représenté le triple de cette croissance, cela permet de relativiser la performance.
Finances : Bouygues Telecom plombe le groupe
D'un point de vue financier, la filiale télécom continue de peser lourd sur l'intégralité du groupe. Le chiffre d’affaires de Bouygues Telecom n'a ainsi atteint que 2,287 milliards d'euros lors des six premiers mois de l'année, en baisse de 15 % en un an. « La baisse plus forte qu’attendu du chiffre d’affaires s’explique par des performances commerciales modestes ainsi que par la part croissante des ventes sans terminal » note l'opérateur. Résultat, la société a de nouveau revu ses prévisions pour toute l'année 2013 et s'attend désormais à un chiffre d'affaires annuel de 4,6 milliards d'euros, en baisse de 12 % par rapport à 2012.
Le bénéfice net de Bouygues Telecom souffre lui aussi, avec 49 millions d'euros (toujours pour le premier semestre), contre 83 millions en 2012, ce qui représente une chute de 41 %. La seule filiale du groupe Bouygues à afficher un bilan plus négatif encore est TF1, avec un résultat net en baisse de 56 %.
Bonne nouvelle toutefois, Bouygues annonce que son plan d’économies est plus efficace que prévu et que 339 millions d'euros ont déjà été enregistrés dans le secteur mobile depuis fin 2011, avec une forte accélération au premier semestre 2013. Et l'opérateur ne compte pas s'arrêter là, puisqu'il prévoit de continuer son recentrage de la distribution sur ses propres boutiques et son site internet. Cela implique ainsi un abandon de tous ses partenaires distributeurs.
L'accord de mutualisation avec SFR très attendu
L'opérateur voit aussi l'avenir avec sérénité du fait de sa future couverture 4G à partir du 1er octobre prochain (40 % de la population) mais aussi de ses négociations avec SFR. Officialisé fin juillet, le futur accord de mutualisation des réseaux 2G, 3G et 4G entre Bouygues et SFR ouvre « des perspectives de partage des coûts et d’optimisation de la qualité du réseau Mobile » résume l'opérateur. Ce dernier précise néanmoins que ce futur accord aura trois bases (selon ses propres mots) :
- Exclusion des zones denses et des zones blanches
- Mutualisation des infrastructures passives (sites, antennes…) et RAN sharing
- Capacité d’innovation autonome et indépendance commerciale totale conservées
Bouygues et SFR espèrent arriver à un accord avant la fin de cette année. Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, et Fleur Pellerin, ministre déléguée notamment à l'innovation et de l'économie numérique, ont déjà réagi à ce sujet. Ils ont ainsi annoncé qu'ils seront vigilants à l'investissement individuel de chaque opérateur dans les nouveaux réseaux. Mais pour le gouvernement, la mutualisation des réseaux « apparaît particulièrement adaptée lorsque les niveaux de marge sont plus contraints, comme c'est le cas à l'heure actuelle ». Il ne devrait donc pas y avoir d'opposition de sa part.
Du côté de l'ARCEP, cette dernière a rappelé « que le cadre d’attribution des licences 4G qu’elle a élaboré en 2011 est favorable et incite, sous certaines conditions, à la conclusion d’accords de mutualisation », ce qui là encore laisse entendre que l'autorité ne compte pas utiliser un quelconque véto. Néanmoins, l'ARCEP a noté que l'accord devra lui être transmis « afin qu’elle puisse vérifier sa conformité au cadre législatif et réglementaire des communications électroniques ».
Quant à l'Autorité de la Concurrence, elle n'a pas donné un avis sur cet accord en particulier, mais a toutefois affirmé dans le passé qu'elle n'était en aucun cas opposée à des mutualisations, notamment dans les zones peu denses. Deux réserves ont néanmoins été émises par l'autorité. Tout d'abord, les opérateurs qui souhaiteront mutualiser leurs réseaux devront justifier, notamment au niveau technique, les raisons de ce rapprochement. Enfin, l'autorité s'inquiète des possibles échanges d'informations entre les deux sociétés, ceci pour des raisons évidentes de concurrence faussée. Des précautions sur ce point devront donc être prises. Une entreprise commune pourrait être créée pour l'occasion conseille l'autorité.
Enfin, du côté des concurrents, Orange, sûr de sa force, n'a pas semblé inquiet et ne craint donc pas cette future alliance. « Nous sommes très en avance sur la concurrence en matière de 4G. Mais nous avons toujours pensé que ce type d'accord est légitime » a ainsi déclaré Stéphane Richard, le PDG d'Orange. Il faut dire que si un accord entre Bouygues et SFR venait à être finalisé d'ici la fin de l'année, il ne pourra être réellement exploité qu'après plusieurs années. Quant à Free, il n'a pas commenté la nouvelle.