En Belgique, le ministère de la Justice a transmis il y a deux mois des consignes afin que les messages racistes ou haineux diffusés sur Internet fassent l'objet d'une attention particulière de la part des autorités. De la même manière qu'en France, la lutte contre ce phénomène - qui se constate notamment sur les réseaux sociaux - est porté en priorité par l'exécutif.
En mars dernier, le président de la République promettait qu’il veillerait à « contraindre » les réseaux sociaux (Twitter, Facebook,…) à fournir les noms des auteurs de messages de haine, et ce pour qu’il y ait « dissuasion et répression ». François Hollande le lançait, fermement : « L’espace de liberté qu’est Internet ne doit en aucun cas être utilisé à des fins de propagande de haine ». Depuis, Twitter à certes accepté de livrer à la justice les données d’identification de certains de ses utilisateurs dans le cadre de l’affaire « #UnBonJuif », mais les problèmes demeurent, comme l’illustre la récente plainte du comité IDAHO suite à un déversement de tweets homophobes (voir notre article).
Les autorités judiciaires vont porter une « attention particulière » à la cyberhaine
Mais la France n’est pas le seul pays dans lequel les propos tenus par quelques internautes posent problème. Dans une circulaire en date du 17 juin dernier, le Collège des procureurs généraux de Belgique s’inquiète des discriminations et autres délits de haine commis grâce à Internet et aux réseaux sociaux. Dans ce document (PDF), les autorités indiquent d’ailleurs qu’elles veulent désormais accorder « une attention particulière » à la recherche de ce type d’infractions.
La circulaire décrit la procédure à suivre en cas de découverte d’un acte de « cyberhaine » - cette notion étant décrite comme se rapportant « aux expressions de haine (harcèlement, brimades, insultes, propos discriminatoires) sur internet à l’encontre de personnes en raison de leur couleur de peau, leur prétendue race, leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle, leurs convictions philosophiques ou religieuses, leur handicap, leur maladie, leur âge… ». Par exemple, si un magistrat se trouve face à un site Internet en « .be » et dont le contenu est contraire aux lois « anti-discrimination », il est indiqué qu’il lui est possible de faire usage de l’article 39 bis §3 du Code d’instruction criminelle, à partir duquel il pourra prendre un réquisitoire imposant au gestionnaire des noms de domaines situés sur le territoire belge de bloquer le site à la racine.
La circulaire le reconnaît cependant : en cas de découverte sur un réseau social étranger de messages haineux ou racistes, « en l’état actuel de la législation, il n’y a pas d’autre moyen de procéder que la voie de l’entraide judiciaire, sachant que la destination des demandes d’entraide sera souvent dirigée vers les États-Unis dont la manière d’appréhender la liberté d’expression ne laisse guère d’espoir de les voir aboutir ». Afin d’éviter cet écueil, le ministère de la Justice invite donc les magistrats à préférer l’usage de l’article 145 §3 bis de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques. Rappelons à cet égard que pour ordonner à Twitter la divulgation des données relatives aux utilisateurs accusés dans le cadre de l’affaire de l’UEJF, le tribunal de grande instance de Paris avait écarté les dispositions de la LCEN pour s'appuyer sur l’article 145 du Code de procédure civile (voir notre analyse).
Une priorité affichée également du côté du gouvernement français
Notons enfin qu'en juillet dernier, au détour d’une réponse à une question parlementaire, la ministre de la Justice française insistait sur le fait que la lutte contre les contenus à caractère raciste ou antisémite sur internet constituait « un impératif et une priorité de la politique pénale du gouvernement ». Outre la législation actuelle qu’elle jugeait « très complète » à l'encontre « la réduction de ces fléaux », Christiane Taubira mettait en avant l’action des différents Parquets de France en la matière. « Tous les parquets disposent aujourd'hui d'un pôle anti discriminations, comprenant en son sein un magistrat référent ainsi qu'un ou plusieurs délégués du procureur spécialisés. Les magistrats référents participent régulièrement à des actions de formations dans les écoles, dédiées à la lutte contre les discriminations ».