Dans un article publié ce dimanche, le New York Times a pointé du doigt une situation semble-t-il étonnante : 98 % des foyers américains peuvent avoir accès à du haut débit, et pourtant des dizaines de millions de personnes n'ont jamais touché à internet. Un parallèle peut être fait avec la France, sensiblement dans la même situation.
La couverture ADSL d'Orange.
Une couverture du haut débit nationale, mais de nombreux non-connectés
Selon les dernières données de Médiamétrie, la France compte environ 45 millions d'internautes. Un nombre non négligeable sachant que les bébés et les plus jeunes diminuent de fait les statistiques. Si du côté des adolescents et des vingtenaires et même des trentenaires, le niveau de connexion frôle les 100 % (quand il ne les atteint pas tout simplement), avec le temps, nous avons bien entendu remarqué une montée en puissance d'internet parmi les personnes âgées, tandis que d'autres y accèdent grâce à leurs smartphones.
Aujourd'hui, la France compte fibrer la quasi-intégralité de son territoire d'ici la prochaine décennie. Mais en ce qui concerne le simple haut débit, si l'on se fie uniquement aux données publiées par Orange, qui dispose de la couverture ADSL la plus large du pays, nous atteignons près de 99 % des foyers français. En rajoutant d'autres technologies, on peut atteindre potentiellement les 100 %, même si les coûts ne sont pas forcément les mêmes.
Cela signifie donc que pratiquement toute la population française, tout du moins en métropole, peut accéder à du haut débit, même s'il est parfois assez lent au regard des besoins actuels. Cela prouve surtout que des millions de Français pourraient accéder à internet mais ne le veulent ou peuvent pas, que ce soit pour des raisons financières, de manque d'habitude, ou tout simplement d'intérêt.
« Si vous ne savez pas comment utiliser internet... »
Pourtant, comme le note le New York Times, internet peut devenir indispensable dans certaines conditions du fait de l'évolution de l'administration ou encore du marché de l'emploi. Notre confrère prend pour exemple un homme de 70 ans, ancien conducteur de camion, a qui on a demandé des connaissances en informatique pour son nouveau travail. Des connaissances logiquement nécessaires si l'on veut accéder à internet. « J'aimerai savoir comment, vraiment. Les gens ne veulent même pas vous parler si vous ne savez pas comment utiliser internet. »
Cette fracture numérique est inquiétante dès lors que le monde évolue et tend de plus en plus vers l'informatique et en particulier internet. Pendant ce temps, de nombreuses personnes restent sur le quai. Si pour les plus anciens et ceux sortis du marché du travail, cela peut sembler moins problématique, le NYT note surtout que le taux d'Américains n'ayant internet ni à la maison, ni à l'école, ni au travail, ni via leur mobile, reste dramatiquement aux alentours des 20 %. Un taux stable lié à la géographie du pays qui ne pousse pas les opérateurs à investir les zones les plus désertiques du territoire. Ceci malgré les politiques fédérales ou de chaque État.
Une fracture qui se creuse
Selon notre confrère, environ 60 millions de personnes outre-Atlantique n'ont pas accès à des emplois, des services gouvernementaux, de santé et d'éducation du fait de leur imperméabilité au Net, « et les effets sociaux et économiques de cette fracture sont de plus en plus grands ». Un constat que l'on peut faire en France, mais que partiellement. Certes, de nombreux services sont de plus en plus disponibles sur internet, et parfois d'une façon quasi exclusive, à l'instar de certaines offres d'emplois. Mais nous avons surtout noté depuis deux à trois ans que les 65 ans et plus envahissent internet dans l'Hexagone. Une très récente étude publiée en juin dernier montrait même que les internautes visionnant des vidéos étaient de plus en plus nombreux en France. Surprise, cette croissance est tirée par les 65 ans et plus, devant même les 15-24 ans.
Néanmoins, si l'âge est un facteur important, comme n'importe où ailleurs, il n'est pas le seul. Le revenu moyen et le niveau de l'éducation sont aussi des facteurs aggravants. Mais l'histoire et l'évolution du pays comptent aussi. Or si les États-Unis ont été des pionniers en matière d'internet, l'explosion du web durant les années 90 et 2000 a totalement changé les cartes. Résultat, selon l'Union internationale des télécommunications (des Nations Unies), le taux d'internautes aux États-Unis est inférieur à de nombreux pays du globe, y compris la France, la Grande-Bretagne, le Canada, l'Allemagne, l'Australie ou encore la Corée du Sud. Une situation improbable il y a encore quinze ans, à la fin des années 90, où le pays de John Steinbeck dominait sans partage le reste du monde.