Nouveau fait divers, nouvelle réaction politique. Le gouvernement vient en effet de condamner la vague de tweets homophobes de ce week-end, après qu’une ONG a décidé de porter plainte contre Twitter et plusieurs de ses utilisateurs. Toutefois, force est de constater que l’exécutif, qui s’était beaucoup engagé politiquement sur ce dossier, peine encore à obtenir des résultats suffisants.
De la même manière que lors de l’affaire « #UnBonJuif », le gouvernement est rapidement monté au créneau pour dénoncer le déferlement de messages haineux sur Twitter. Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, et Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Économie numérique, ont effectivement fait savoir hier par voix de communiqué qu’elles « [condamnaient] fermement les propos homophobes émis par des utilisateurs du réseau social Twitter en fin de semaine dernière ».
Comme nous l’expliquions hier, le comité IDHAO France devait déposer plainte à la fois contre Twitter, mais aussi contre plusieurs de ses utilisateurs, pour incitation à la haine. À l’origine de cette action : une avalanche de messages manifestement homophobes, diffusés sur le célèbre réseau social au détour des hashtags #LesGaysDoiventDisparaître ou #BrulonsLesGays. Les reproches sont cependant bien distincts. À l’entreprise américaine, il est reproché de ne pas avoir modéré ses « top tendances », et donc laissé ces deux hashtags caracoler en tête des « mots dièse » les plus populaires du moment. C’est en revanche pour la teneur de leurs propos que les utilisateurs du réseau social sont accusés.
Le Net n'est pas une zone de non droit
« Les ministres rappellent que l'incitation à la discrimination, la haine ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur religion ou de leur orientation sexuelle est contraire à la loi française. Ces actes ou propos sont réprimés par la loi et le canal virtuel qu'ils ont emprunté ne rend pas moins punissables ceux qui les commettent », clament Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem dans leur communiqué. Un tel délit est même passible d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende, voire cinq fois plus dans le cas d’une personne morale (tel qu’une entreprise), et ce même s'il est commis à travers un moyen de communication électronique tel qu'Internet.
Une ambition refroidie par des résultats qui se font attendre
Cependant, le précédent de l’affaire « #UnBonJuif » est passé par là. En décembre dernier, la ministre des Droits des femmes signait une tribune dans laquelle elle exigeait que Twitter trouve « des solutions pour que des messages envoyés depuis notre territoire, dans notre langue et à destination de nos concitoyens ne portent pas une atteinte manifeste aux principes que nous avons fixés ». Non sans difficulté, une concertation était organisée entre l’entreprise américaine, différentes associations, et l’exécutif.
Depuis ? Le gouvernement s’est fait relativement discret à ce sujet. L’on devine d’ailleurs pourquoi : l’association SOS Homophobie a obtenu en mars dernier un compte de « signalant prioritaire », lequel lui permet de faire remonter plus rapidement à Twitter des hashtags ou des messages que l’association estime illicite. Mais les résultats se font attendre. En juin dernier, l’organisation nous confiait effectivement avoir réussi à obtenir le retrait de hashtags, mais pas encore de tweets. Dans leur communiqué d’hier, les deux ministres évoquent d’ailleurs ce dispositif de signalement à deux vitesses, reconnaissant à demi-mots son manque d’efficacité. « Cette procédure a été mise en œuvre au cours des derniers jours et doit désormais donner des résultats effectifs » écrivent ainsi Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem.
L'on apprend néanmoins que le groupe de travail interministériel sur la cybercriminalité - lancé il y a plusieurs mois par les ministères de la Justice, de l'Économie, de l'Intérieur et de l'Économie numérique - doit rendre ses conclusions « d'ici à la fin de l'année » 2013. Celles-ci devraient prendre « pleinement en compte la question de l’incitation à la haine sur internet » indique le communiqué.
« Twitter a fait des efforts » selon Fleur Pellerin
Interrogée hier par BFMTV, la ministre déléguée à l’Économie numérique a quoi qu'il en soit assuré que l’entreprise américaine avait « fait des efforts ». « Il y a une procédure de signalement : aujourd’hui, n’importe qui peut signaler ces tweets qui sont illicites pour que Twitter réagisse en les enlevant des tendances » a-t-elle expliqué. Or, c’est pourtant bien le dispositif de signalement des tweets qui est vivement critiqué en France par le comité IDAHO ou l’UEJF, et même au Royaume-Uni - comme nous avons également eu l’occasion de l’évoquer dans ces colonnes. « Aujourd’hui, il y a tout un arsenal juridique et puis une collaboration qui s’est installée entre le gouvernement et les réseaux sociaux, Twitter en particulier - mais également Facebook, pour qu’on puisse traiter plus efficacement ces problèmes là » a également affirmé Fleur Pellerin.