En juin dernier, l’International Trade Commission américaine rendait un verdict pour le moins radical envers Apple : la firme violait bien un brevet de Samsung. Il était alors évoqué un potentiel blocage de certains anciens produits, dont l’iPhone 4 et l’iPad 2. Mais Barack Obama vient d’opposer son veto à une telle action, ce qui n’était pas arrivé depuis les années 80.
Un blocage basé sur un brevet FRAND
Dans une décision datée de samedi, le délégué au commerce Michael Froman s’est fait l’écho d’une importante décision prise par l’administration Obama : le président américain a opposé son veto à un possible blocage de certains produits Apple par l’International Trade Commission. Cette dernière avait considéré en juin dernier que ces modèles violaient un brevet de Samsung et qu’ils pourraient donc être bloqués lors de leur rapatriement sur le sol américain.
Même s’il s’agissait d’anciens modèles, certains étaient toujours vendus. C’était notamment le cas de l’iPhone 4, toujours commercialisé à des tarifs beaucoup plus bas, voir attribué pour un dollars symbolique avec certains forfaits. L’iPad 2 était lui aussi concerné dans sa version 3G, un problème puisque cette version de la tablette est vendue moins chère et sert d’offre d’appel. La situation est toutefois un peu moins vraie depuis l’iPad mini, présentant les mêmes caractéristiques techniques mais étant moins cher.
La décision potentielle de l’ITC posait la question de la qualité du brevet. Il s’agit en effet d’une technologie jugée comme essentielle à l’industrie des télécommunications. Cela signifie que Samsung a en théorie l’obligation de licencier cette technologies selon des termes dits FRAND, pour « fair, reasonable, and non-discriminatory », autrement dit des conditions « justes, raisonnables et non-discriminatoires ».
Violation d'un côté, conditions « justes » de l'autre
Selon la lettre publiée par l’administration Obama, c’est justement ce qui a posé un problème épineux. D’un côté, Apple a bien enfreint un brevet, mais de l’autre, Samsung n’a pas vendu cette technologie sous licence. Pour le gouvernement américain, laisser la possibilité d’un blocage reviendrait à entériner la mauvaise utilisation d’un brevet FRAND, censé justement empêcher une situation de s’envenimer devant un tribunal. On se souvient notamment de la plainte de Motorola contre Microsoft au sujet du H.264 : la firme n’avait pas hésité à demander plus d’un milliard de dollars, soit de 4 à 6 dollars par Xbox 360 vendue. Elle n’avait récolté finalement que 3,5 cents par unité.
Or, le cas Apple/Samsung survient à un carrefour pour le gouvernement américain, qui veut en finir avec les batailles de brevets, notamment lorsque celles-ci se rapportent aux « patent trolls ». Si Samsung n’entre évidemment pas dans cette catégorie, l’administration Obama a à cœur de soulager la FTC et l’ITC de ces guerres qui vampirisent leurs ressources. Donner la possibilité à un blocage d’entrer en vigueur reviendrait alors à encourager d’autres batailles sur la base des brevets FRAND.
« Les standards, et en particulier ceux basés sur des consensus volontaires, jouent un rôle croissant dans l’économie des États-Unis. D’importantes considérations sur cette politique se font jour dans la mise en œuvre de ces brevets dans les standards techniques, sans lesquels de tels standards ne pourraient pas être implémentés » indique ainsi la réponse officielle du gouvernement.
Samsung libre de poursuivre sa route vers les tribunaux
Le droit de veto du président sur une décision de l’ITC n’avait pas utilisé depuis les années 80. Il s’agit pour la Commission d’un véritable camouflet et la gifle passe difficilement inaperçue : le dernier paragraphe est une mise en garde. Il est ainsi rappelé à la Commission que dans les futures affaires qui mettront en œuvre des brevets FRAND, les décisions devront être prises « minutieusement et prudemment », en gardant à l’esprit « l’intérêt du grand public ».
Enfin, Michael Froman précise bien qu’en dépit du veto, le rôle de l’ITC n’est pas remis en cause, pas non plus que la capacité de Samsung à chercher des dommages et intérêts. Au contraire, il considère que la firme coréenne peut désormais poursuivre son chemin vers les tribunaux.