Testé progressivement depuis 2008 et généralisé depuis le début de l’année, le dispositif de pré-plainte en ligne trouve petit à petit son public. Un peu moins de 14 000 pré-plaintes ont ainsi été effectuées via Internet en avril 2013. Le procédé, censé faire gagner du temps aux autorités comme aux plaignants, connaît toutefois certaines limites. Un tiers des dépôts en ligne n’est par exemple pas suivi d'une plainte réelle.
Le 12 juillet dernier, le ministère de l’Intérieur a publié un rapport portant sur « l'enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure » (PDF). Ce document, rédigé par l’Inspection générale de l’administration (IGA), s’arrête notamment sur le dispositif de pré-plainte en ligne, généralisé à l’ensemble du territoire français depuis cette année. Pour rappel, toute victime supposée peut gagner du temps en se rendant sur le site pre-plainte-en-ligne.gouv.fr, sur lequel elle y remplira une télédéclaration. Un rendez-vous est ensuite fixé auprès du service de police ou de gendarmerie de son choix, au cours duquel la fameuse plainte sera déposée et signée. Quelques bémols toutefois : seules les plaintes relatives à des atteintes aux biens sont prises en compte (vol, vandalisme, escroquerie, abus de confiance,...) et il faut que l’auteur présumé de l’infraction soit inconnu.
« Les premiers chiffres montrent une montée en puissance régulière du dispositif avec 13 314 (11 420 pour la police nationale et 1 894 pour la gendarmerie nationale) pré-plaintes déposées en mars et 13 688 (12 010 et 1 678) en avril » indique le rapport. Ce chiffre pourra néanmoins paraître faible à certains. Le document de l’IGA n’insiste pas sur ce point, mais on soulignera ici le témoignage exprimé par le commissaire de Saint-Jean-de-Luz il y a quelques semaines, lequel faisait part à nos confrères de Sud-Ouest de sa déception à l’égard de la faible utilisation du dispositif.
Tableau issu de l'annexe au rapport (PDF).
Un tiers des pré-plaintes n’aboutissent pas à une véritable plainte
D’autre part, ces pré-plaintes en ligne conduisent-elles toujours à un dépôt réel auprès des autorités ? La réponse est non, et dans une assez large mesure. Sur le mois de mars par exemple, ce sont près d’un tiers des pré-plaintes qui n’ont pas été suivies des effets escomptés. « Que ce soit pour la police et la gendarmerie le taux de prise de plainte effective suivant la pré-plainte est très stable depuis le début, soit deux tiers des pré-plaintes initiales » retient à cet égard le document de l’IGA.
Afin d’expliquer ceci, le rapport met en avant trois différentes raisons :
- Les supposées victimes ont télé-déclaré des faits qui ne correspondaient pas aux infractions visées par le dispositif (atteintes aux personnes et non aux biens, si l’auteur présumé est connu,...).
- Les faits visés ont fait l'objet d'un traitement en dehors du champ pénal ou d'une saisine directe de la justice par voie d'une lettre de plainte, et ce dans le cadre de la politique pénale du Parquet concerné.
- Les plaignants ont décidé de leur propre chef de ne pas se présenter au rendez-vous.
En guise de premier bilan, le rapport note que l’impact du dispositif sur l’organisation de l’accueil et de la prise de plainte « reste relativement marginal ». Même si les circonscriptions de sécurité publique les plus sollicitées ont néanmoins dû mettre en place une organisation spécifique, explique l’IGA, ceci « ne semble pas perturber le service et permet même une plus grande fluidité, ce qui est un des objectifs recherchés ».
D'autre part, aucun changement majeur n’a été observé du côté des plaignants. Si certains pouvaient craindre que la généralisation de ce dispositif ne provoque une envolée du nombre de plaintes déposées, ceux-ci peuvent être rassurés. « Ce dispositif ne paraît pas engendrer pour le moment, de propension accrue des plaignants à déposer plainte » évacue ainsi le rapport à cet égard.
Manuel Valls à Lyon, le 8 juillet 2013.
Début juillet, au détour d’une réponse à une question écrite du député UMP Philippe Meunier, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls assurait que ces premiers mois de généralisation du dispositif avaient suscité un « fort intérêt » ainsi qu’une « réelle satisfaction des usagers ». Très clairement, la pré-plainte en ligne semble avoir de beaux jours devant elle. Le locataire de la Place Beauvau affirmait en effet être « très attaché à cette mesure de facilitation des démarches des citoyens, d'autant plus qu'ils sont victimes, et quel que soit son impact sur les statistiques des délits enregistrés ».
Rappelons enfin que Manuel Valls a assuré que les forces de police et de gendarmerie seraient amenées à se servir de plus en plus des outils de communication numérique afin d’interagir avec le public. « Je veux une police et une gendarmerie modernes, (...) avec une utilisation des réseaux sociaux et d’Internet » a-t-il ainsi déclaré le mois dernier, à Lyon, promettant de présenter « à la rentrée » un projet qui engagerait les agents « dans cette voie de modernité, et notamment à travers les réseaux ».