[Interview] Hadopi et téléchargement illégal : l’avis du groupe Archimède

Euréka !

Que pensent les artistes français du téléchargement illégal ou du dispositif de riposte graduée mis en place par la Hadopi ? Pour avoir un élément de réponse, nous avons interrogé Frédéric et Nicolas Boisnard, les deux frères du groupe Archimède.

 

Frédéric et Nicolas Boisnard, fondateurs du groupe Archimède, ont sorti leur premier album en 2009. L’un des titres phares du disque, « Vilaine Canaille », a suscité un buzz traversant nos frontières grâce à un clip visionné près de 600 000 fois en un mois sur YouTube. Depuis, ces artistes ont continué leur route, sortant un second disque, Trafalgar, en 2011, lequel a été accompagné d'une tournée. Un prochain album est même en préparation pour l’année prochaine.

 

Alors que l’on entend régulièrement des discours tendant à justifier les dispositifs de lutte contre le téléchargement illégal au nom de la survie de la création artistique, PC INpact a pu recueillir l’avis des deux frangins vendredi dernier à Chambéry.

Pour vous qui êtes un groupe ayant percé après la crise du disque, qu’est-ce que vous inspire tout ce qui a trait au téléchargement illégal ?

Fred : On est ni pour ni contre, « bien au contraire ! » comme disait Coluche (rires).

 

Nico : Évidemment, dans l’absolu, on préfère que les gens achètent notre musique. Un artiste, c’est comme n’importe quelle personne qui exerce un métier et qui est content de pouvoir vivre de son art. Après, on a donné la possibilité aux gens de télécharger illégalement des titres, via les nouvelles technologies... Mais comment les en empêcher ? Du coup, on a plutôt une démarche assez zen et puis une philosophie assez ouverte là-dessus : on n’est pas pour mais on pardonne amplement !

 

Fred : Et puis on voit souvent des gens qui nous disent qu’ils ont téléchargé notre disque, sont venus à notre concert et ont acheté le disque après. C’est quand même cool, puisque ça veut dire que le concert leur a plu et qu’ils ont quand même la délicatesse d’acheter le disque !

 

Nico : C’est pas antinomique en fait, il y a plein de gens qui nous écoutent sur Deezer, Spotify, ou qui téléchargent même illégalement et qui après viennent au concert et qui, voyant qu’on a un groupe aussi de scène, achètent le disque par courtoisie, délicatesse ou enthousiasme.

 

Fred : Je me souviens aussi que quand j’étais plus jeune, quand j’achetais une cassette ou un CD, je faisais une copie pour mes potes. Dès l’instant où la musique peut être échangée ou partagée et que ça permet aux gens de la découvrir, moi ça ne me dérange pas ! Du moins tant que les gens n’en font pas un commerce à côté. Les disques n’ont qu’à être moins chers aussi, c’est trop cher un disque aujourd’hui !

 

Nico : Honnêtement, je comprends vraiment les gens qui estiment qu’un disque c’est trop cher. Ceci dit, il y a aussi de la musique sur Internet qui revient au prix d’un pain au chocolat ou d’un croissant quand on la coupe en chansons : 99 centimes. Moi, une chanson que je kiffe absolument, d’un artiste que j’adore, je préfère me priver un peu d’un croissant et acheter la chanson. Après, je comprends que 10 euros, pour les gens qui ne gagnent pas très bien leur vie, ce soit difficile. Et donc ces gens là, on comprend et on pardonne !

Pensez-vous que les pratiques illicites de certains internautes aient aujourd’hui un impact sur vos revenus ?

Fred : Quand on a arrêté notre travail, on était loin de penser qu’on pourrait vivre de notre musique. Mais aujourd’hui, on y arrive et donc on est hyper contents ! On se satisfait de ce qu’on a.

 

Nico : De toute façon, c’est sur qu’on ne fait pas ce métier là pour gagner de l’argent. On ne crachera pas dessus s’il arrive, mais ce n’est vraiment pas notre moteur ! Nous, en fait, on a arrêté de travailler dans des sociétés privées précisément pour pouvoir vivre une vie de liberté, d’épanouissement personnel, écrire des chansons, etc. Donc on se contente de faire des chansons et après, s’il y a des gens qui les téléchargent illégalement et qui après viennent nous voir en concert, c’est le principal.

 

archimèdeNicolas Boisnard, au chant, et Frédéric à la guitare, à droite. 

Estimez-vous qu’un dispositif tel que celui mis en place par la Hadopi, en l’occurrence la riposte graduée, vous soit utile pour vous, artistes ?

Fred : C’est tellement nébuleux... On ne sait même pas comment ça fonctionne ! Honnêtement, je n’ai pas trop d’avis là dessus.

 

Nico : Je n’ai pas non plus d’avis tranché car il faudrait bien connaître le sujet, et j’avoue humblement que je n’en maîtrise pas les rouages...

 

Fred : Il vaudrait mieux que les gens comprennent l’impact du téléchargement illégal que de les sanctionner. C’est un peu comme la vitesse sur la route : expliquer aux gens que rouler vite ça peut entraîner des accidents c’est mieux que de leur mettre une amende. En France, malheureusement, les gens comprennent beaucoup avec la répression...

 

Nico : Ceci dit, c’est bien qu’ils aient essayé de sensibiliser les gens. C’est bien que les gens comprennent aussi que ce qu’on fabrique, on y met de la sueur, on y met du temps, et il y a un moment où il faut que ceci soit rétribué.

Finalement, comment voyez-vous Internet aujourd’hui : plutôt comme un danger ou comme une opportunité ?

Fred : Pour nous, c’est une opportunité exceptionnelle pour se faire connaître, et qui est en plus complètement gratuite. On rentre chez les gens grâce à ça !

 

Nico : C’est vrai qu’Internet est un vecteur fabuleux : on a 20 000 fans sur Deezer, 30 000 personnes nous « aiment » sur Facebook, notre clip « Vilaine Canaille » a dépassé le million de vues sur YouTube... On a construit notre petit univers, notre « fan base » grâce à Internet, donc évidemment on ne va pas cracher dessus.

J’imagine que vous observez de près l’utilisation de plus en plus importante des nouvelles technologies durant vos concerts (téléphones portables, appareils photo numériques...). Quel est votre sentiment là-dessus ?

Nico : Des fois, ça nous blesse un peu de voir des vidéos où le son est pourri. J’ai vu que certains artistes ne supportaient pas que les gens filment et interdisaient les portables à l’entrée. Nous, même si des fois ça nous fait chier d’avoir des vidéos au portable qui circulent sur Internet, on n’interdira jamais ça. Les gens sont libres de faire ce qu’ils ont envie de faire. Déjà qu’ils payent une place ou qu’ils prennent leur temps pour venir, c’est bien l’essentiel !

 

Fred : Ce qui est toujours un peu frustrant, c’est quand je vois des gamins qui regardent le concert à travers un écran. Je me dis que c’est dommage qu’ils ne vivent pas le truc pleinement et qu’ils lâchent un peu leur appareil photo ou leur téléphone. Il y a un côté un peu pathétique, un peu triste...

 

Merci Archimède.

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