Les recours s’enchaînent contre le texte organisant l’ouverture des pharmacies en ligne. Cette fois, c’est le site Pharmashopi.com qui lance un recours devant le Conseil d’État pour faire annuler l’arrêté du 20 juillet 2013.
L'arrêté du 20 juillet 2013 relatif « aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique » a encadré de très près la vente de médicaments en ligne. D’un peu trop près même, puisque le site 1001pharmacies avait déjà intenté une action devant le Conseil d’État. Et pour cause : il pose le principe d’un site par pharmacie, ce qui interdit les pure player ou la mutualisation des officines auprès d’un seul site web, le modèle d’affaire de 1001pharmacies.
Pharmashopi.com, un autre site, devine d’autres imperfections légales dans cet arrêté qu’il juge trop gourmand. « L'arrêté étant fondé sur l'article L.5121-5 du code de la santé publique, le ministre chargé de la santé n'est autorisé à fixer par arrêté que "les règles relatives à la seule dispensation des médicaments, ainsi qu'à la traçabilité" ». Le site reproche à Marisol Touraine, ministre de la Santé, d’être allée bien au-delà de ces deux bornes. « Toutes les dispositions prises dans l'arrêté qui ne concernent pas la dispensation et la traçabilité des médicaments sortent du cadre des fonctions accordées au ministre de la Santé. »
Interdire un référencement en France autorisé aux pharmacies étrangères
Le site estime par ailleurs que l’interdiction de référencement dans les moteurs contre rémunération est trop sévère. « Cette contrainte, comme l'a déjà souligné l'Autorité de la Concurrence, risque d'isoler la France de ses concurrents de l'Union européenne qui eux, ont la possibilité d'utiliser ce type de service pour accroître leur visibilité. Conséquence, peu de chances pour les pharmacies en ligne françaises d'être compétitives face à leurs concurrents allemands, pour ne citer qu'eux. »
L’Autorité de la Concurrence avait estimé en effet que le référencement payant est « un facteur important d’animation de la concurrence entre les pharmaciens » et qu’il était primordial d’assurer l’égalité avec les sites basés dans d’autres pays de l’Union européenne. « La règle consistant à interdire le référencement payant par des moteurs de recherche ou par des comparateurs de prix apparaît donc superflue et devrait être supprimée, afin de laisser toute sa place à l’application des règles déontologiques de la profession » recommandait l'institution, qui n’a cependant pas été suivie par Marisol Touraine.
Des prix similaires entre l'officine et le site, un visa pour l'étranger ?
Mais Pharmashopi.com craint aussi qu’une disposition de l’arrêté oblige finalement à la similarité des prix entre officine et site internet. C’est ce qu’il déduit à la lecture de l'arrêté qui pose que « le logiciel d'aide à la dispensation de l'officine permet l'exportation vers le site de la pharmacie du prix selon une procédure normalisée. » Leur analyse est rejointe par Philippe Gaertner, président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France.
Laurence Silvestre, gérante de Pharmashopi.com, et Philippe Lailler, pharmacien à Caen, trouvent absurde cette obligation de prix semblables : « proposer les prix de l’officine sur internet c’est assurer non seulement la marginalisation des pharmacies en ligne françaises, mais aussi inciter les internautes français à se diriger vers une offre plus abordable à l’étranger ».
Le CODEMI, Collectif pour le développement des médicaments sur Internet, a justement été créé par Philippe Lailler afin de défendre l'intérêt de ce secteur en développement. Ce 12 juillet, il y avait 35 pharmacies en ligne ouvertes au premier jour de la libération « conditionnelle » de ce marché. Selon le dernier relevé disponible, en date du 19 juillet, elles sont désormais 36 dans toute la France.