« Depuis la loi du 20 décembre 2011, la rémunération pour copie privée n’est pas due pour les usages strictement professionnels ». Voilà ce qu’annonçaient la SACD et l’ADAMI dans un document présenté lors d’une récente conférence à Avignon. Des millions d'euros « ne seront jamais remboursés » répondaient les importateurs, distributeurs et industriels du secteur. On sait désormais combien ont été effectivement remboursés aux pros depuis cette date.
Pressée par la justice européenne et le Conseil d’État, la loi du 20 décembre 2011 oblige les ayants droit à rembourser aux professionnels la copie privée qu’ils n’avaient pas à payer. Selon l’étude d’impact qui accompagne les travaux parlementaires, Copie France, l’organisme collecteur, pouvait craindre une hémorragie : « les ayants droit vont perdre les perceptions correspondant aux supports acquis à des fins professionnelles. S’il est impossible à l'heure actuelle d'en mesurer l'importance exacte, cette perte pourrait toutefois représenter entre 20 et 30 % des rémunérations perçues chaque année » expliquait le ministère de la Culture. Soit entre 40 et 50 millions d’euros chaque année.
Au second semestre 2012, PC INpact révélait que ce mécanisme était cependant quasiment grippé. Notre récente expérience auprès de Copie France ou cette vaine demande de remboursement réclamée par un pro apportaient un témoignage sur l'épineuse situation. Les dernières données du ministère de la Culture confirment un peu plus l'état des lieux. Suite à une question posée par la députée Isabelle Attard sur l’état des remboursements aux pro pour 2012 et 2013, le ministère a dévoilé en effet les derniers chiffres.
170 000 euros remboursés depuis 2012
Ces chiffres sont éloquents : « le montant total des remboursements effectués par la société Copie France s'élevait, au 4 juin 2013, à 167 971 € HT, soit 67 000 € HT remboursés au titre de l'année 2012 et 100 971 € HT remboursés au titre de l'année 2013 ».
Selon Copie France, l’organisme collecteur des ayants droit, il y a eu en tout « 294 demandes reçues ». Cependant, « 176 ont été acceptées et 118 ont été refusées ». 167 971 euros pour 176 demandes, soit une moyenne de près de 1 000 euros par professionnel. À ces chiffres, il convient d’ajouter les 1 506 conventions d'exonération actives au 4 juin 2013, toutefois ce chiffre est là encore une goutte d’eau alors qu’on dénombre plus de 4 millions de sociétés et d’associations en France. À comparer aux 60 à 90 millions d’euros anticipés sur cette année et demi.
Pourquoi ces refus de remboursement ? La ministre de la Culture liste les raisons suivantes :
- la date d'acquisition du support est antérieure à l'entrée en vigueur de la réglementation
- le montant de la rémunération pour copie privée n'apparaît pas sur la facture
- la demande porte sur un support non soumis à la rémunération pour copie privée
- le demandeur n'est pas l'utilisateur final.
Un droit au remboursement effectif ?
La question de la facture est l’un des principaux freins au dispositif outre le défaut d'information. Si Archos ou Apple prennent soin d’indiquer le montant de la RCP, ce n’est pas le cas pour la quasi-totalité des distributeurs. Et pour cause : un texte d’application de la loi de 2011 doit obliger la distribution à informer les pros de leur droit au remboursement – tous ne le savent pas – et à mentionner sur la facture le montant de la copie privée versée.
Problème : ce décret n’est programmé que pour 2014. Ce retard pourrait ouvrir une nouvelle source de conflits. Dans un arrêt rendu ce 11 juillet, la Cour de justice de l’Union européenne a en effet exigé que le droit au remboursement des acquéreurs non particuliers soit effectif, sans rendre « excessivement difficile la restitution de la redevance payée. » Ce texte pourrait cependant être publié plus tôt, si on en juge les derniers propos de la Rue de Valois tenus après cette décision.
Ces chiffres confirment que le remboursement est loin d'être simple. En 2012, Copie France a perçu 174 millions d’euros au titre de la copie privée. Les sommes qui n’ont pas été remboursées aux professionnels sur les achats de clefs USB, cartes mémoires, tablettes, téléphones, disques durs externes, box, etc. sont considérées comme acquises par les ayants droit.