Ce n’est pas une grande surprise : les industriels du numérique ne veulent pas entendre parler d’une taxe ciblant leur secteur. Plutôt qu'une pluie de ponctions, ils préfèrent « donner priorité à l’harmonisation fiscale internationale et européenne ». Si la Rue de Valois vante l'exception culturelle, eux dénoncent cette culture de l'exception.
Dans un communiqué, l’Afdel, le Giteps Tics, le Sfib et le Syntec Numérique (*) demandent au gouvernement d’abandonner son projet de taxation ciblant leur secteur d’activité.
Leurs voeux rejoignent les conclusions attendues d'un très prochain avis du Conseil national du numérique sur la fiscalité. Ces différents acteurs qui ont participé aux débats préparatoires à ce rapport l’assurent : « qu’il s’agisse de la taxe sur la publicité en ligne, de la taxe sur l’achat de services de commerce électronique (TASCOé), de l’extension du système obsolète et opaque de redevance pour Copie privée au Cloud Computing, de la taxe sur la bande passante, ou de la taxe sur les données personnelles, toutes menacent de pénaliser les acteurs français les plus innovants, c’est-à-dire la croissance et les emplois d’aujourd’hui et de demain. »
De l'indolore massif
Les critiques se focalisent avant tout sur la taxe sur les appareils connectés préconisée par le rapport Lescure. Aurélie Filippetti a soutenu en juin que ce mécanisme serait « vertueux » et même « indolore pour le consommateur, mais qui aurait un impact fort pour toute la filière culturelle ». Et pour cause : en taxant à 1 % le moindre appareil connecté, ce sont des dizaines de millions d’euros qui tomberont dans la poche des ayants droit. « Une taxe anachronique et inefficace » assurent les professionnels du secteur. « Loin d’être "indolore", comme le laisse entendre le ministère de la Culture, cette taxe censée prendre le relai de la très contestée redevance pour copie privée, reviendrait à taxer directement l’usage numérique quand il faudrait le promouvoir... »
En fait, cette taxe sectorielle viendra surtout en complément de la « rémunération » pour copie privée. Le rapport Lescure promet une substitution un jour lointain, mais en attendant c’est bien un sandwich de ponctions qui s’abattra sur les appareils connectés à mémoire embarquée. Pire, s’ils sont en plus doués pour la réception de la TV, ils devraient être en plus soumis à la redevance audiovisuelle (133 euros en 2012).
Vache à lait ou cercle vertueux ?
Ce n’est pas tout. Les industriels du numérique jugent « pour le moins paradoxal de souhaiter mettre en place des dispositifs dont la conséquence première sera de s’opposer à la diffusion la plus large possible des équipements et services numériques. Rappelons que les nouveaux usages sont à la fois le moteur de la démocratisation des contenus culturels, en particulier auprès des jeunes générations, et le principal levier de la compétitivité des entreprises, qui dépend entièrement de la digitalisation. »
Entre la poule et l’œuf, ils remettent du coup les pendules à l’heure, du moins selon leur fuseau horaire : « Le principe d’une telle taxe repose sur l’idée abusive de la captation de valeur par les acteurs du numérique alors même que ces derniers sont à l’origine d’une diffusion inédite et démocratique des contenus culturels, condition sine qua non de la valorisation de ces contenus. »
En guise d’issue de secours, ils préconisent des alternatives « pertinentes », par exemple « dans le domaine du droit de la concurrence ou dans l’établissement de nouvelles relations contractuelles. »
(*) L’Association Française des Éditeurs de Logiciels et Solutions Internet (AFDEL) le groupement des industries des technologies de l’information et de la communication (le GITEP TICS), le Syndicat de l'industrie des technologies de l'information (SFIB) et le syndicat professionnel des entreprises de services du numérique, des éditeurs de logiciels et des sociétés de Conseil en Technologies (Syntec Numérique)