Hier soir, M6 diffusait un nouveau numéro de son magazine Capital qui consacrait l'un de ses reportages à Orangina, et plus précisément à sa campagne de communication. Un choix anodin ? Pas forcément. En effet, l'une des opérations évoquées était la fameuse Mission 404 dans lequel est impliqué Golden Moustache, un collectif qui fait partie du groupe M6 Web.
L'été est souvent l'occasion pour les émissions de TV de nous servir des programmes « frais ». Capital, qui diffuse chaque année des inédits spécifiques à cette occasion a ainsi décidé hier soir de s'attarder sur le cas de la boisson Orangina dans son reportage Une fortune bien secouée. L'occasion de revenir sur l'histoire de « l'une des marques les plus fortes qui existe » et pour qui « rien n'a jamais été simple depuis son invention par un français, il y a plus de 75 ans ».
La saga Orangina : un reportage qui commence comme un autre
Tout au long des trente minutes que dure le reportage, on nous expliquera tout d'abord comment « la dernière boisson française encore présente au rayon des sodas » est à l'origine de la fortune d'une famille qui s'est depuis reconvertie dans le vin avant de passer à une bonne dose de story-telling plutôt classique sur la marque, ses chiffres, ses concurrents et quelques témoignages : « l'été vous buvez un Orangina, c'est agréable, ça rafraichit, c'est froid, ça picote » pourra-t-on entendre parmi les avis sélectionnés. On aura aussi droit à une mise en cause sur les calories contenues, tout de suite ponctuée par un « je ne sais pas, ça me rappelle ma jeunesse tu vois ».
Orangina visible / Orangina flouté
Certains sur Twitter se sont d'ailleurs émus du fait que Coca-Cola, évoqué comme le concurrent numéro 1, ait été la première marque à passer lors de la coupure publicitaire. On notera aussi que les règles du CSA et la façon dont elles se doivent d'être appliquées sont toujours aussi efficaces. La marque, qui est clairement nommée pendant tout le reportage est clairement visible au début, avant d'être floutée de temps à autre.
Bref, rien de plus classique pour l'émission qui est friande de ce type de reportages, mêlées d'histoire de la marque et de mise en avant de celle-ci, sans doute un passage obligé afin de se faire ouvrir les portes des usines comme ce fût ici le cas. Le reportage, alors loin de la complaisance, rappelle que la production espagnole n'hésite pas à s'appuyer sur du concentré de fruit issu du Brésil et à analyser le contenu de la bouteille afin d'en percer ses secrets.
La communication de la marque : un atout, surtout grâce à sa dernière initiative
Mais ce qui nous intéresse se situe surtout dans la dernière partie du reportage (52 minutes, après la publicité). L'occasion de s'attarder sur la communication de la publicité ces dernières années. Les campagnes les plus récentes, pensées par l'agence Fred & Farid, sont bien entendu évoquées, et présentées comme décalées et adaptées à la jeunesse (malgré une interdiction en Angleterre), bien que parfois « un peu cra-cra ».
Vient enfin le tour de la dernière initiative de la marque : s'attaquer à la génération internet via les contenus qui font le buzz, sur le web. Y sont évoqués pêle-mêle la présence forte sur les réseaux sociaux, le travail de manière conjointe avec certains humoristes tels que Rémi Gaillard ou Kévin Razy, le tout bricolé avec des webcams pour faire rire les ados.
On apprend alors qu'Orangina a trouvé une nouvelle méthode pour arriver à ses fins : « se glisser dans un de leurs films ». On y voit alors assez distinctement le court-métrage Mission 404 qui a fait le tour du web il y a quelques semaines. Il a aussi été l'occasion d'une avant-première parisienne, évoquée dans le reportage. « Du jamais vu pour une vidéo diffusée sur le net » où le « gratin du web français était invité », rien que cela.
Mission 404 : Studio Bagel et Golden Moustache / M6 Web aux commandes
Un succès mérité, tant le résultat est effectivement réussi. Certains se sont d'ailleurs sans doute dit que tout cela était réalisé en amateur par quelques amis, un peu comme le projet N00b. Pas vraiment.
En effet, comme le rappelle le reportage, Orangina a au final investi pas moins de 200 000 € dans cette « approche 2.0 de la communication ». Mais ce qu'oublie de mentionner la voix off, c'est que cette coproduction gérée par l'agence Nosite pour le compte d'Orangina regroupe certes des comédiens et humoristes qui ont fait leurs premiers pas sur le web (on reconnaît Jérôme Niel, Mr Poulpe, Davy Mourier, Dedo, ou encore Natoo), mais les sociétés qui sont derrière ce film sont tout ce qu'il y a de plus institutionelles.
Il s'agit en effet d'un regroupement de Studio Bagel (Ludoc à la réalisation) et Golden Moustache (Raphaël Descraques du « Visiteur du futur » à l'écriture), deux collectifs qui font fureur chez les jeunes (et les moins jeunes). Derrière le premier, on retrouve BlackDynamite qui se focalisait au départ sur la production TV (50 Minutes inside) ou ciné (Les infidèles avec Jean Dujardin) mais a décidé de se diversifier sur le web avec The Social Company. La chaîne fait d'ailleurs partie du programme officiel de YouTube en France qui ne compte que quelques élus.
Dans le second cas, on retrouve Golden Moustache qui n'est rien de moins qu'une marque du groupe... M6 Web. Il compte lui aussi quelques grands noms et a d'ailleurs récemment eu droit aux honneurs d'Alexandre Astier pour l'écriture et la réalisation de l'une de ses dernières vidéos : Street Magic. Un programme de W9 reprend d'ailleurs le meilleur de la chaîne YouTube.
L'humour en vidéo : le nouveau média prétexte à la production pour les marques
Mais derrière les humoristes et leurs réalisations plutôt réussies qui sont mis en avant, se cache au final la volonté de placer des marques et des contenus, notamment dans le cas de Golden Moustache. M6Web ne s'en cache d'ailleurs pas vraiment. La production de films, appréciés par leur public, n'est ainsi qu'un moyen d'y associer des partenaires comme le rappelait assez justement Le Monde dans un article assez complet sur la question du fameux « Brand content » que nous avons déjà évoqué. Une pratique qui n'a rien de nouveau mais qui commence à se démocratiser en France.
Sur les pages YouTube, on voit surtout les humoristes et les équipes
Plusieurs agences de publicité cherchent ainsi à se transformer en média d'une manière ou d'une autre, notamment grâce à l'aide de la vidéo qui allie un bon rapport coût / efficacité. La cible humoristique est d'ailleurs bien plus souple que celle des actualités, où les placements de produits et autres partenariats sont moins aisés et plus vite critiqués, bien que cela soit désormais monnaie courante.
Une fin de reportage sur Orangina, ou sur les possibilités de M6 dans la publicité ?
Mais le reportage, qui est revenu sur le cas de la Lambada qui constituait alors l'un des premiers placements publicitaire à la télévision, ne reviendra pas sur ces liens. Studio Bagel, Golden Moustache, BlackDynamite ou M6 Web ne seront d'ailleurs pas évoqués. Là encore ce sont les humoristes qui sont mis en avant plutôt que les structures. L'équipe qui a travaillé six mois sur le projet n'est d'ailleurs pas en cause, elle a reçu d'autres médias durant son tournage, comme une équipe du Point par exemple.
Mais l'on aurait au moins attendu de la part de la « petite chaîne qui monte » qu'elle nous explique que la dernière idée géniale qui se cache derrière la communication maline d'Orangina était en partie celle de l'un de ses sites, plutôt qu'un silence qui ne manquera pas de faire naître la suspicion.
Contactés, M6 et M6 Publicité Digital n'ont pour le moment pas répondu à nos questions.