Selon le bilan 2012 de la Bibliothèque nationale de France (BnF) relatif au dépôt légal, la musique est particulièrement sortie du lot avec un bond exceptionnel par rapport aux années précédentes, que ce soit du nombre de dépôts ou de celui des déposants. Une croissance étonnante due selon l'institution à Internet et à l'essor des productions non professionnelles.
Dépôts pas pourris
Depuis plusieurs centaines d'années, la Bibliothèque nationale de France a pour mission de collecter tout type de documents. Cela concerne en premier lieu les livres bien entendu, mais aussi la musique (tous supports confondus), la photographie, les films,... et même le Web. Le but est ainsi de sauvegarder le patrimoine français. Les dépôts varient donc en fonction du rythme des productions nouvelles et des rattrapages d'anciens documents.
Ces dernières années, avec la crise du CD, les dépôts dans le secteur de la musique ont connu une baisse importante. En 2003, 15 709 dépôts pour 344 déposants ont ainsi été comptabilisés pour ce seul secteur. Quelques années plus tard, en 2011, les dépôts sont tombés à 9 555 dépôts, soit une chute non négligeable de 40 %. Signe de l'évolution du secteur, le nombre de déposants était de 457 il y a deux ans, soit un tiers de plus qu'en 2003.
Les professionnels n'ont plus le monopole
Mais c'est l'année 2012 qui surprend avec 14 669 dépôts, soit un niveau proche de 2003, et surtout 916 déposants, soit deux fois plus qu'en 2011 et 2,66 fois plus qu'en 2003. Ces bonds exceptionnels sont clairement liés à l'essor de nouveaux acteurs (hors majors et labels), à l’autoproduction, et à Internet explique la BnF :
« La démocratisation d’Internet et le développement des nouvelles technologies ont permis au plus grand nombre d’investir un espace de production et de diffusion autrefois réservé aux seuls professionnels. L’éclatement de la sphère éditoriale accompagne l’évolution du marché en même temps qu’elle est le fruit de mutations profondes dans les modes de production, diffusion et même de consommation. »
Cette année 2012, en contradiction avec la décennie précédente, n'est pas le fruit d'une quelconque explosion des dépôts immatériels note l'établissement public. Si pour la première fois, la BnF a enregistré ses premiers fichiers numériques, ils restent encore très secondaires. Qui plus est, le rattrapage de références non déposées d’un catalogue n'a concerné que 459 titres en 2012, ce qui n’explique donc pas la différence de 5 000 dépôts entre 2011 et 2012.
Le CD est « loin d’être mort »
Pour la BnF, « loin d’être mort, le disque (support optique d’une manière générale, mais aussi le vinyle) reste un objet qui concrétise un projet musical (le plus souvent, mais pas seulement), matérialise un spectacle vivant ou commémore un événement ». Ce support est donc encore massivement utilisé par les labels comme les artistes totalement indépendants pour se faire enregistrer auprès de l'institution.
La principale explication est donc à chercher du côté des déposants. Bien entendu, les quatre grandes majors (Universal, Sony, EMI et Warner) représentent une part non négligeable des dépôts : 4 570 en 2012. Il reste toutefois un peu plus de 10 000 dépôts issus de sociétés ou d'individus hors majors. On retrouve tout d'abord des milliers de dépôts issus de labels indépendants, dont 2 263 pour Abeille Musique (spécialiste du jazz et du classique), qui a d'ailleurs l'honneur de figurer en première position, devant Universal (1 540). On retrouve ensuite le label Naïve, connu pour des artistes comme Asa, Jil is Lucky et M83, avec 877 dépôts (devant Warner Music, qui n'a cumulé que 604 titres). Enfin, derrière, avec quelques centaines de dépôts, vous pouvez retrouver Wagram Music, Harmonia Mundi, etc.
Les petits déposants deux fois plus nombreux
Mais si l'on regarde dans les détails, la croissance des dépôts vient des grands labels, mais aussi des petits déposants. En 2011, ceux qui ont déposé moins de cinquante titres étaient 437 et ne représentaient que 1 826 dépôts, soit 19 % du total des titres. En 2012, non seulement cette catégorie a explosé pour passer à 885 déposants, mais ils ont proposé 3 880 titres, plus du double de 2011. Rajoutons que 415 personnes ont réalisé un dépôt unique, contre 224 individus en 2011, et que 366 ont réalisé entre 2 et 9 dépôts en 2012, contre 167 en 2011.
Ces données confirment « l'éclatement et la dispersion de la production » selon la BnF. « Ainsi les déposants qui ont entre 10 et 49 dépôts annuels représentent 11,3 % des déposants pour près de 14,6 % des dépôts en 2012 (contre 8,8 % des déposants pour 8,9 % des dépôts en 2010). Enfin, si le ratio relatif des plus petits déposants (moins de 10 dépôts dans l'année) reste relativement stable (autour de 85% des déposants !), le poids relatif de leurs dépôts suit la même courbe en un peu moins accentuée (8,5 % des dépôts en 2010 pour 11,9 % des dépôts en 2012). »
Le marché de la musique, en matière de dépôts tout du moins, ressemble ainsi à celui du livre, qui a compté l'an passé 83,2 % de déposants entre 1 et 10 livres, et 14,3 % entre 1 et 100. Et à l'instar du secteur musical, seul quatre éditeurs ont dépassé la barre des 1 000 dépôts en 2012.
Quant au marché de la vidéo, lui aussi a connu une forte progression du nombre de dépôts (+58 %), mais pas spécialement du nombre de déposants. La BnF explique cette bizarrerie par des « dépôts exceptionnels de grands catalogues institutionnels ou associatifs, principalement sur vidéo-cassettes, qui relèvent de ce qu’on appelle usuellement « dépôt légal rétrospectif ». 4 897 dépôts relèvent de cette catégorie, dont 3 184 d’un seul déposant. Même s’ils se sont faits plus réguliers dans les deux dernières années, grâce au développement d’un réseau de contacts et à la prise de conscience générale de l’obsolescence des fonds sur support magnétique, ces entrées très précieuses restent par nature ponctuelles. » Un constat qui diffère totalement de celui de la musique donc.