La fonctionnalité Do Not Track, qui permet de bloquer le suivi publicitaire, fait l’objet de nombreuses discussions depuis plusieurs années. Alors que chaque éditeur de navigateur y va de sa propre solution, parfois même activée par défaut, le W3C réfléchit à un socle commun. Cependant, même si le consensus se dessine lentement, la route reste encore longue, tant les intérêts en jeu sont divergeants.
Un débat qui ne date pas d'hier
Les débats autour de la fonction DNT ont souvent été houleux. Cette fonction a pour objectif d’envoyer un signal pour refléter la volonté de l’utilisateur de ne pas être suivi par les outils publicitaires, notamment via l’enregistrement des cookies. Mais non seulement le débat a monté d’un ton quand Microsoft l’a activée par défaut dans Internet Explorer 10, mais l’industrie de la publicité n’a aucune obligation de tenir compte de ce signal.
C’est pour cela qu’un groupe de travail a été créé en septembre 2011 au W3C, huit mois après que Firefox a dégainé le premier sur ce sujet. Il s’agissait alors de réunir un maximum d’intervenants pour accoucher d’un standard auquel tout le monde pourrait se référer, c’est-à-dire les éditeurs de navigateurs et l’industrie. Problème : les navigateurs sont utilisés par les internautes qui, eux, souhaitent globalement ne pas être suivis, tandis que l’industrie, représentée par la DAA (Digital Advertising Alliance), compte sur ce suivi pour proposer des publicités ciblées.
La question cruciale de la définition
Le groupe de travail devait notamment collecter les visions des acteurs en présence, à commencer par la DAA dont les propositions ont été accueillies assez fraîchement. Ainsi, la thématique du Do Not Track recouvre deux points différents : Do Not Target, qui s’attache au caractère ciblé de la publicité, et Do Not Collect, qui pointe l’enregistrement des données de navigation. La proposition de la DAA ne s’attaque ni à l’un, ni à l’autre : elle suggère essentiellement des outils de type opt-out, à charge pour l’utilisateur de les utiliser. En ce qui concerne une quelconque limitation sur la collecte des données, la DAA a même précisé que toute tentative à ce sujet la ferait quitter la table des négociations.
Pourtant, le groupe a tout de même réussi à avancer. Au bout de deux ans de discussions tendues sur la définition exacte, les 110 membres ont fini par s’entendre sur une définition commune de ce que doit être la fonction Do Not Track : l’expression par l’utilisateur de ne pas recevoir de publicités ciblées, basées sur sa navigation. En dépit de cette lenteur, il s’agit d’une étape significative car elle marque le rejet majoritaire de la proposition faite par la DAA. Pour autant, l’association reste dans le groupe de travail, ce qui, là encore, est un élément capital.
Un très long chemin encore à parcourir
La construction d’un standard commun ne peut dans tous les cas aboutir que si les 110 membres peuvent arriver à un consensus respecté par l’ensemble des acteurs. L’exposé de la dernière réunion par le groupe du travail en dit long sur l’ambiance tendue qui y règne, notamment car la DAA ne lâche que peu de lest, sa proposition ayant été de plus rejetée. Et pourtant, sa présence est essentielle : si elle quitte le groupe de travail, il lui suffira de repousser les tentatives dans le domaine du DNT, et la situation restera dans le statu quo. Or, le groupe de travail estime désormais que ce temps est révolu et que les évènements bougent enfin dans le bon sens, même si très lentement.
Le standard n’est pour autant pas encore à l’ordre du jour car il reste de très nombreux détails à régler, notamment sur le plan technique. La DAA compte d’ailleurs examiner chaque élément de très près, le consensus ne lui étant pour l’instant pas certain : « Nous participerons toujours à un effort qui se veut significatif, qui a du sens et qui continue de préserver les bénéfices des consommateurs face aux produits et services que nos membres offrent. Mais participer à un processus et accepter un standard raté sont deux choses différentes ».
La route sera donc encore longue.