Aux États-Unis, de grandes sociétés spécialisées dans la publicité en ligne viennent de signer une charte de bonnes pratiques afin de lutter contre les sites liés à des activités de piratage ou de contrefaçon en ligne. Google, Microsoft ou bien encore Yahoo! ont en effet accepté de fournir les efforts nécessaires dans le cadre d’un dispositif de notification similaire aux requêtes DMCA. Un système fonctionnant simplement sur la coopération des acteurs, ce qui avait d'ailleurs plu il y a peu au rapport Lescure.
C’est la Maison Blanche qui l’a annoncé hier : Yahoo!, Microsoft, Google, AOL, 24/7 Media, Adtegrity, Condé Nast et SpotXchange viennent de signer une « charte de bonnes pratiques » relative aux publicités en ligne. Mais pas n’importe quel type de publicités, puisqu’il s’agit uniquement de celles qui ornent les sites participant à des activités portant atteinte aux droit de propriété intellectuelle (piratage ou contrefaçon). L’objectif a été maintes fois soulevé dans le passé : tarir les sources de financement de ce genre de sites Web afin de les rayer définitivement de la carte. Sous la houlette de l’administration Obama, les signataires se sont donc engagés à respecter certaines grandes lignes. Les moyens d’action restent toutefois à la discrétion des publicitaires, ceux-ci pouvant mettre en œuvre la solution de leur choix pour atteindre le but recherché.
Un dispositif de notification similaire aux requêtes DMCA
Principalement, cette charte de bonnes pratiques décrit un mécanisme de signalement des sites impliqués dans des activités illicites de type piratage ou contrefaçon en ligne. Le dispositif s’avère relativement similaire aux requêtes DMCA de notification des contenus illégaux aux hébergeurs, sauf qu’il n’est pas ici question de retrait ou de blocage direct des activités illicites. En effet, à partir du moment où une plainte est déposée dans les formes par un ayant droit puis vérifiée, le publicitaire s’engage à cesser sa coopération avec le site en question. Et ce au moins jusqu’à ce que la licéité des activités de ce site ait été à nouveau établie. Tout responsable de site Internet s’estimant visé par une plainte erronée pourra déposer une contre-notification.
La Maison Blanche a applaudi des deux mains la signature de cette charte de bonnes pratiques : « Nous pensons qu’il s’agit d’une étape positive et que ces efforts peuvent avoir un impact significatif sur la réduction du piratage et la contrefaçon en ligne ». L’administration Obama a au passage salué cet exemple d’auto-régulation, les grands acteurs américains de la publicité ayant accepté d’eux-mêmes de coopérer, sans qu’il fût besoin d’en passer par des dispositions législatives. « Ce guide de bonne conduite a pour but d’encourager et de compléter les actions des ayants droit, pas de les remplacer » a néanmoins insité AOL dans un communiqué. L’entreprise note en effet que l’accord signé hier n'oblige pas les publicitaires à surveiller les activités des différents sites avec lesquels ils travaillent.
Cette nuance a d’ailleurs bien été relevée par la Motion Picture Association of America (MPAA), le puissant lobby de l’industrie cinématographique américaine. Si l’organisation a salué par la voix de Chris Dodd, son numéro un, la reconnaissance du « rôle important joué par les réseaux de publicité pour contribuer à la sécurité et la sûreté de l’internet pour tous », il a surtout regretté la timidité du dispositif. « Ce pas en avant ne porte que sur une sous-partie du problème, et fait reposer une charge trop importante sur les épaules des ayants droit » déplore-t-il dans un communiqué.
Le rapport Lescure préconise lui aussi une charte de bonnes pratiques
Notons enfin qu’en France, Pierre Lescure a récemment proposé au gouvernement d’adopter le même schéma de coopération avec les acteurs de la publicité, afin d’assécher financièrement les sites menant des activités illicites. Sa proposition n°67 est très inspirée du rapport de Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la commission de protection des droits de la Hadopi.
Elle vise en effet à « Inviter les organisations professionnelles représentant les régies à signer une charte de bonnes pratiques, dans laquelle elles s’engageraient à empêcher la diffusion de messages publicitaires sur les sites coupables de manquements répétés aux droits de propriété intellectuelle ». Comme nous l’expliquions alors, un index des sites trop souvent dénoncés par les ayants droit serait transmise aux régies publicitaires. « Les annonceurs et les agences média pourraient, dans leurs relations avec les régies, faire référence à cet index et en exiger le respect » expliquait alors la mission sur l’acte 2 de l’exception culturelle.
Sauf que Pierre Lescure a vu plus loin que n’ont bien voulu aller les acteurs situés outre-Atlantique : si un message publicitaire apparaissait sur un site présent sur cette sorte de « liste noire », la régie perdrait « sa bonne foi », avec trois sanctions à la clef :
- Sanction contractuelle sur initiative de l’annonceur dont les consignes n’auraient pas été respectées
- Sanction « réputationnelle », par une publication, par exemple sur le site de l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité), de la liste des régies ayant manqué à leurs obligations
- Sanction pénale, sur plainte des titulaires de droits et sur le fondement de la complicité de contrefaçon.