Lundi et mardi, se tenait à Lyon un forum international relatif à la cybersécurité, auquel participaient différents pays dont l’Iran, la Chine ou le Zimbabwe. À quelques pas des conférences portant sur des thèmes tels que « Protéger les libertés et droits fondamentaux », se trouvaient différentes entreprises soupçonnées d’avoir vendu du matériel de surveillance à des États peu scrupuleux en matière de droits de l’Homme. PC INpact a tenté d’en interroger certaines, en vain.
Lundi matin, alors que les différentes personnalités politiques conviées à la plénière d’ouverture du forum « Technology Against Crime » écoutaient attentivement les responsables d’Interpol ou le ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, évoquer « le fil rouge » que devaient constituer selon lui les libertés publiques en matière de relations entre la sécurité et la technologie, plusieurs entreprises spécialisées dans l’interception ou la surveillance des communications faisaient leurs petites affaires à quelques pas de là. Présent sur place, PC INpact a eu l’occasion de faire le tour des différents stands installés dans le hall situé à proximité des salles de conférences.
Au total, une dizaine d’entreprises étaient là pour vanter les mérites de leurs produits et services auprès de la cinquantaine de pays ayant envoyé une délégation à Lyon (dont l’Iran, la Chine, le Quatar, le Zimbabwe, l’Angola,...). Sur les pancartes des stands, en anglais, les mots « Interception de données » ou « Interception de communication » attirent l’œil du chaland. Certaines sociétés présentes sur place sont d’ailleurs très connues : Thales, Hacking Team, Gamma, etc. Sauf que lorsqu’on s’avance pour demander plus d’explications sur ces fameuses offres, les portes se referment étrangement devant la presse.
Nous avons ainsi notamment approché :
- Hacking Team, une entreprise italienne où l’on nous a expliqué ne pas être autorisé à parler aux journalistes. Cette société a été épinglée en mars dernier par Reporters sans frontières, qui la désignait comme « Ennemie d’Internet ». Et pour cause : Hacking Team est accusée d’avoir vendu à des pays dit « sensibles » (en l’occurrence le Maroc et les Émirats arabes unis) un logiciel permettant de casser le chiffrement utilisé pour les emails, les fichiers et les protocoles VoIP.
- Gamma, une autre société mise à l’index par RSF lors de son dernier rapport. Cette entreprise britannique fait en outre l’objet d’une plainte pour avoir vendu des technologies de surveillance au Bahreïn. Cette fois, un porte-parole se trouve sur place, mais refuse de s’exprimer devant PC INpact. Raison invoquée ? La presse aurait « falsifié » des communiqués signés par l’entreprise, d’où un arrêt des prises de position publiques.
- Gobham, une société anglaise vantant pour l’occasion sa branche « Surveillance et communications tactiques ». Sur les pancartes, différents produits promettent par exemple un pistage des personnes ou des véhicules. L’entreprise dit vouloir rester discrète et ne nous donnera aucune information. « On travaille avec les gouvernements, donc tout ce qu’on fait c’est un petit peu particulier... » nous explique-t-on.
- Même refus de s’exprimer du côté de « RCS - Lawful Interception Solutions ».
Extrait d'un catalogue HackingTeam.
Pendant ce temps, Manuels Valls était déjà parti du forum TAC. Sauf que si le ministre de l’Intérieur n’a pas manqué d’en appeler durant son intervention à une coopération « exceptionnelle » entre les différents États, les organisations et les entreprises privées, il a néanmoins oublié de parler des discussions relatives au contrôle des exportations d’armes de surveillance. Le locataire de la place Beauvau était pourtant attendu au tournant par certains membres de l’assistance, alors que le Premier ministre a marqué en février dernier sa volonté d’inclure les technologies de surveillance et de contrôle d’Internet dans la liste des biens à double usage dont l’exportation est soumise à autorisation. Une ambition dont on ne connaît donc toujours pas l’état d’avancement.