La Cour des comptes a rendu aujourd’hui un rapport (PDF) relatif à l’organisation territoriale de l’État. En clair, les magistrats ont examiné de près le fonctionnement des services déconcentrés des ministères dans les départements français, ainsi que celui des opérateurs qui en dépendent. L'institution dresse un bilan assez accablant, notamment sur le plan de l'usage du numérique et de l'organisation des systèmes d'information.
Au travers de ce rapport, la Cour des comptes s’arrête à un moment donné sur les « techniques numériques », qu’elle juge « sous-utilisées » par l’administration territoriale. Les magistrats concluent tout d’abord que l’organisation des systèmes d’information est actuellement « défaillante ». Ils expliquent en effet qu’en matière de communication interne à l’administration, « chaque système a été conçu par et pour l’administration ou le ministère qui le finançait et qui en avait décidé la création ».
Avec pour conséquence des problèmes très concrets et aux implications financières évidentes : « Malgré un souci d’harmonisation, le résultat en est une non-interopérabilité entre les divers systèmes et l’absence de communication entre les services ». La Cour s’illustre en rapportant une situation accablante : celle d’agents obligés de disposer de deux ordinateurs sur leurs bureaux pour être en ligne avec deux administrations centrales différentes...
Des sites Internet conçus par et pour l'administration
En matière de relations avec l’usager, la Cour des comptes salue néanmoins les « progrès considérables » effectués par certaines administrations depuis quelques années : télédéclaration et télépaiement des impôts sur le revenu, pré-plainte en ligne, sont notamment montrés en exemples. Toutefois, si « les gains financiers et d’effectifs sont significatifs » selon les magistrats, « toutes les possibilités sont cependant loin d’avoir été explorées ». Les magistrats regrettent ainsi que l’administration n’ait pas encore utilisé les avantages du numérique pour proposer le télépaiement des impôts locaux, permettre la déclaration en ligne de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), ou d’une manière plus large pour améliorer les procédures judiciaires.
D’autre part, la Cour des comptes tacle sévèrement les pages Web développées par les différentes administrations. « Nombre de ces sites ne permettent pas d’accéder, par des liens hypertextes, à des informations complémentaires. Souvent, il n’est pas indiqué de numéro de téléphone », regrettent ainsi les magistrats. Ils en déduisent alors que dans ces cas-là, le site est clairement conçu pour que l’administration en question ne soit pas trop dérangée par des coups de fil. « Ce constat est révélateur de ce que la plupart des progrès ont été conçus pour les besoins propres des administrations, et non pour les usagers » tranche le rapport. S’agissant des réseaux sociaux, nouvelles vitrines en ligne de certains services de l’État : « Sauf exception, [ils] demeurent très peu utilisés ».
Ces retards entraînent deux types de conséquences selon la juridiction financière. Premièrement, le papier reste toujours très utilisé par l’administration et de nombreux usagers continuent à se rendre sur place pour effectuer différentes démarches. L’administration se trouve ainsi « contrainte à maintenir un nombre élevé´ d’implantations physiques et des réseaux plus développés que ne le lui permettent, aujourd’hui, ses moyens ».
Deuxièmement, il s’avère que « la sous- utilisation des techniques numériques limite la capacité de l’administration à percevoir et analyser les attentes des usagers ». Si la Cour des comptes se dit consciente qu’une partie de la population n’a pas accès au numérique ou ne peut pas s’en servir, elle juge dans son rapport que « toute réflexion sur l’implantation des services administratifs devrait désormais prendre en compte le développement potentiel des techniques numériques qui bouleversent la notion de proximité ».
Des systèmes d'information devant être pensés à un niveau interministériel
À partir de ce constat, la Cour des comptes invite les autorités à moderniser ses moyens de fonctionnement. Cela passe notamment selon l’institution « par un usage étendu des technologies de l'information ». Afin d’utiliser pleinement les potentialités des nouveaux outils numériques, les magistrats conseillent tout d’abord de « donner toute la priorité requise à l’interopérabilité des systèmes d’information ». Plus concrètement, il est préconisé que le lancement de chaque projet informatique soit précédé d'une phase d’information et de coordination interministérielle. L’idée est de préciser ensuite le périmètre de tous les projets, d’en examiner les problèmes de compatibilité ainsi que leurs évolutions futures. « Cette méthode engendrerait des économies à moyen-long terme » indique la Cour des comptes.
Plus de relations par voie électronique
Cette modernisation doit également passer selon la juridiction financière par un développement de l’usage des nouvelles technologies dans le but de faire évoluer la relation avec les usagers. « Tout en permettant aux services de l'État de mieux travailler entre eux, un usage intensifié des technologies de l'information est de nature à faciliter les contacts des services déconcentrés avec les usagers et à simplifier et accélérer de multiples procédures » promet ainsi le rapport de la Cour de comptes. « Ces outils peuvent avoir une incidence majeure sur l'implantation territoriale des services de l'État » ajoute l’institution.
Plusieurs pistes sont ainsi dessinées par les magistrats. L’usage des emails est tout d’abord évoqué, que ce soit pour avertir le demandeur d’un document administratif (carte d’identité, passeport,...) de la mise à disposition de cette pièce, ou bien tout simplement pour donner ou confirmer des rendez-vous. « Il ne s’agit pas de supprimer l’ensemble du courrier administratif mais d’utiliser, pour informer ou rendre une réponse simple, un mode de transmission rapide et moins coûteux que la forme écrite traditionnelle » indique ainsi la Cour des comptes.
Cette dernière affirme en outre qu’il existe de multiples domaines pour lesquels les démarches pourraient transiter par la voie électronique, tel que celui des demandes d’avis d’imposition. Pour la mise en place de ces améliorations, la juridiction financière s’en remet au volontarisme des services concernés : « Les administrations doivent adopter une approche proactive, dans un dialogue avec leurs services déconcentrés, pour identifier tous les gisements de productivité et d'amélioration du service rendu que recèle le recours à ces techniques ».