« Trois millions de compteurs Linky seront installés par ERDF d’ici 2016, tous les logements seront équipés d’ici 2020 ». La promesse est signée du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui a ainsi confirmé hier le déploiement progressif de nouveaux compteurs d’électricité intelligents en France. Et ce, en dépit des critiques ou réserves émises de longue date par certaines associations de consommateurs.
Le Premier ministre a présenté hier depuis l’Université Pierre et Marie Curie le plan « Investir pour la France ». Au programme : l’annonce de fonds supplémentaires pour différents investissements d’avenir, dont une majeure partie se veut tournée vers la transition écologique. Parmi les chantiers retenus par l’exécutif pour obtenir un soutien financier de l’État, l’un avait trait aux nouveaux compteurs d’électricité intelligents, également connus sous le nom de « Linky ».
Une première phase de trois millions de compteurs déployés entre 2014 et 2016
Matignon indique ainsi qu’un appel d’offres va être lancé « dès cet été » pour le déploiement par ERDF, d’ici 2016, d’une première salve de 3 millions de ces nouveaux compteurs. Au même moment, au Sénat, le tout nouveau ministre de l’Écologie Philippe Martin expliquait que le déploiement des Linkys débuterait « fin 2014 ». Cela signifie qu’en deux ans environ, 3 millions de foyers français devraient être équipés de ces nouveaux appareils.
Remplacement du parc complet à l’horizon 2020
Le Premier ministre a surtout fixé le cap : « Le déploiement total doit être effectué à l’horizon 2020 ». Autrement dit, l’objectif est de renouveler le parc complet de compteurs (environ 35 millions d’appareils) d’ici sept ans. Coût total du projet ? « C’est un investissement qui est financé par EDF, sur ses fonds propres, estimé au total à 5 milliards d’euros » a précisé hier Jean-Marc Ayrault. En creux, Matignon affirme que ce sont « entre 62 et 80 % du compteur qui sont susceptibles d’être construits en France ». D’où 10 000 créations d’emplois attendues au tournant, dont 5 000 rien que pour pour la pose des compteurs. Au-delà du seul marché français, les autorités espèrent aider le groupe EDF à développer « une véritable filière d’excellence pour l’exportation ».
L’exécutif ne manque d’ailleurs pas d’éloges à l’égard des compteurs Linky : ces derniers devraient « favoriser la transition énergétique en rendant possible l’intégration à grande échelle des énergies renouvelables, l’information des consommateurs, la différenciation des tarifs, la maîtrise de l’énergie, une meilleure maîtrise de la pointe, le développement du véhicule électrique et donc le développement de réseaux intelligents ». De plus, Matignon affirme que chaque foyer équipé d’un tel appareil pourra profiter de la télé-relève, de la facturation sur des index réels, des interventions à distance mais aussi de dépannages plus rapides.
Des compteurs contestés
Pourtant, les détracteurs de ces nouveaux compteurs ne faiblissent pas. Du côté de l’UFC-Que Choisir par exemple, la pilule a décidément du mal à passer. « Effectivement, il y aura une facturation réelle, c’est la grande avancée du compteur Linky. Le problème, c’est que les solutions techniques s’agissant de l’information du consommateur ne sont pas prévues pour tout le monde », déplore ainsi Nicolas Mouchnino, chargé de mission pour l’UFC-Que Choisir. Et pour cause : près de la moitié des compteurs électriques sont actuellement disposés en dehors des lieux de vie. Or certains ménages n’ont pas d’accès ou de maîtrise de certaines technologies (Internet, smartphones...). « Nous proposions qu’à côté de ces services, il y ait à défaut, à la demande du consommateur qui ne maîtrise pas ces technologies-là, une sorte de boitier, un afficheur déporté qui soit dans la maison et qui lui permette d’avoir des informations sur sa consommation ».
L’association tacle au passage la prétendue gratuité de ce nouveau compteur. « Le consommateur, même s’il ne voit pas son abonnement changer, paye ce compteur. C’est sans surcoût, effectivement, mais ce n’est pas gratuit » clame ainsi Nicolas Mouchnino. Pourquoi une telle position ? Parce que si la pose d’un compteur Linky sera bien gratuite pour chaque client, ceux-ci continueront de payer leur abonnement habituel. Problème : EDF devrait faire des économies suite à l’installation de ces compteurs (sur le plan des techniques de facturation, des dépannages à distance, etc.). « Si ce compteur avait vraiment été gratuit, ces économies seraient allées au consommateur, explique ainsi le porte parole de l'UFC. Or là, ce qu’il se passe, c’est que ces économies vont permettre de rembourser ERDF de son investissement ».
En janvier, la CNIL avait d’autre part émis certaines réserves à l’égard de ces nouveaux compteurs dits intelligents. L’autorité administrative avait alors annoncé qu’un groupe de travail, constitué notamment d’industriels, devait élaborer un guide de « bonnes pratiques », lequel était censé être disponible d’ici « l'été 2013 ». Contactée, l’institution nous a expliqué que la publication de ce document surviendrait probablement d’ici septembre ou octobre prochain.