Le logiciel libre obtient la priorité dans l'enseignement supérieur

Propriétaire vs prioritaire

C’est une première dans l’histoire parlementaire : les députés et sénateurs ont voté un texte donnant la priorité au logiciel libre dans un secteur bien particulier. Ce vote a eu lieu dans le cadre du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, adopté hier par l’Assemblée nationale. Le texte attend maintenant sa publication au Journal Officiel.

« Le service public de l’enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques. Les logiciels libres sont utilisés en priorité. ». Cet article a finalement été voté dans les mêmes termes par les députés et sénateurs. En consacrant la priorité au logiciel libre dans l’enseignement supérieur, il est accueilli sous les applaudissements par l’April, l’association pour la promotion du libre : « le logiciel libre est l'incarnation informatique de notre devise républicaine, "Liberté, Égalité, Fraternité" » considère Frédéric Couchet, délégué général de l'organisation, pour qui« le libre permet l'appropriation par tous de la connaissance et des savoirs. »

Priorité ou discrimination ?

Ce vote, après passage en commission mixte paritaire, a surtout été l’occasion d’une foire d’empoigne. Durant la procédure législative, ainsi, Jamel Labed, président de l’AFDEL, Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique et surtout Michel Cosnard, président directeur général de l’Inria, ont adressé un courrier à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche pour l’alerter des risques, selon eux, d’une telle priorité. « Cette rédaction est très problématique pour l'écosystème numérique que nous représentons parce qu'elle introduit une discrimination injustifiée entre les différents acteurs du secteur face à la commande publique, en fonction de leurs modèles d'affaires et du type de licences ou de leurs modes de commercialisation ».

  inria

 

Ce courrier, cosigné par le représentant d’un laboratoire public comme l’Inria, a provoqué un certain émoi en interne. Il a ainsi été adressé à plusieurs rédactions dimanche, accompagné d’une lettre que les syndicats SNCS-FSU, SNTRS-CGT ont eux aussi transmis à la même ministre. « Nous tenons à signaler que cette initiative n'a fait l'objet d'aucune concertation au sein de l'institut et nous sommes choqués par l'implication de notre institut à une telle action de lobbying, écrivent ces syndicats. Nous rappelons que l'INRIA a un rôle d'expertise pour le législateur et le gouvernement, mais n'a pas à prendre parti pour un modèle économique ou un autre, cette question n'étant pas dans le domaine de ses compétences ; L'INRIA est un institut de recherche en informatique et non en économie ou en droit. »

 

inria

 

Mis en cause, Michel Cosnard s’est expliqué sur Twitter et dans une interview à AEF.info (accès payant). Il soutient en substance que cet article donnant priorité au logiciel libre « n’a pas sa place dans une loi générale sur l'Enseignement supérieur et la recherche », ajoutant par ailleurs qu’ « il est important que la diversité des acteurs puisse s'exprimer ». La remarque n'a cependant pas eu d'emprise avec le vote du texte final hier par les députés.

Loi sur l'École, loi sur l'enseignement supérieur

Fait notable : que ce soit l’April ou les signataires de ce courrier, tous constatent une certaine confusion entre ce projet de loi sur l’enseignement supérieur et le projet de loi de refondation de l'École de la République. Là, un amendement du ministre Vincent Peillon a justement gommé la priorité donnée aux logiciels libre dans le futur service public de l’enseignement numérique et de l’enseignement à distance. La version finalement votée dans ce second projet de loi pose mollement que « dans le cadre de ce service public, la détermination du choix des ressources utilisées tient compte de l’offre de logiciels libres et de documents au format ouvert, si elle existe. » On est passé d’une priorité à une simple prise en compte, d'une mise en avant à un simple coup d'oeil.

 

« Nous ne pouvons que déplorer l’incohérence législative qui en résulte, du fait de l’opposition de rédaction entre le texte sur la Refondation de l'École et celui sur l’Enseignement supérieur », regrettent Jamel Labed, Guy Mamou-Mani et Michel Cosnard dans leur lettre. Cette différence devrait selon eux conduire « un même service public à se soumettre à des règles contradictoires : l’un fondé sur la neutralité, l’autre sur la discrimination »

 

Du côté de l’April, on analyse les choses sous un angle plus positif : « au cours des débats autour du projet de loi refondation de l'école, le gouvernement et les parlementaires avaient visiblement subi des manipulations de lobbys, prétendant une impossibilité de donner la priorité au logiciel libre. Saluons l'évolution positive du gouvernement et des parlementaires [dans le projet ESR, NDLR], qui remet l'intérêt général devant l'intérêt particulier de quelques entreprises. Le logiciel libre est un moyen de s'assurer que tout le monde ait accès à l'information, et que les élèves ne soient pas de simples consommateurs de produits numériques. »

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