L’extension Adblock Plus, disponible pour pratiquement tous les navigateurs, est probablement l’un des modules les plus téléchargés pour la navigation. Son blocage des publicités la rend populaire, mais des changements de fonctionnement ont laissé des questions en suspens.
Le critère d’acceptabilité des publicités
Adblock Plus est une extension d’abord apparue sous Firefox puis qui s’est étendue à Internet Explorer, Chrome, Safari, Opera et d’autres navigateurs. Elle permet un blocage des publicités, sujet polémique s’il en est car si d’un côté elle allège les pages web et permet de se débarrasser des pubs trop dérangeantes, elle coupe le financement des sites qui ne pourraient pas exister sans ce modèle. Pour tenter de calmer le jeu, les développeurs d’Adblock Plus avaient quelque peu modifié leur modèle.
Un changement important était ainsi survenu en décembre 2011. Nous indiquions alors que l’extension laisserait passer par défaut les publicités statiques, sans animations ni sons, les images ne contenant que du texte et n’attirant pas « trop » l’attention, ainsi que les scripts ne ralentissant pas le chargement de la page et contenant au maximum une unique requête DNS. Des modifications qui avaient été implémentées dans la version 2.0 mais qui pouvaient être désactivées dans les options. En outre, des soupçons s'étaient déjà manifestés sur un possible paiement par Google et Amazon.
Une liste de publicités acceptable qui doit être financée
C’est précisément sur ce point que ce sont penchés certains confrères. Car Eyeo, éditeur d’Adblock Plus, fonctionne sur la base d’une liste contenant les publicités n’étant justement pas considérées comme « intrusives ». Il est expliqué dans la FAQ de l’extension que la participation à cette liste est gratuite et qu’il suffit de remplir les conditions déjà citées. Une liste qu'il ne faut d'ailleurs pas confondre avec la liste blanche qui, elle, garde en mémoire les sites validés par l'utilisateur. Cependant, la même FAQ contient aussi des informations importantes.
On y apprend notamment que la participation à la liste « acceptable » est gratuite pour les petits sites ainsi que les blogs. « Cependant, gérer cette liste demande des efforts importants de notre côté et cette tâche ne peut pas être remplie uniquement par des volontaires, comme c’est souvent le cas sur ce type de liste ». Et d’expliquer que c’est la raison pour laquelle Eyeo accepte les paiements réalisés par des structures plus importantes pour aider à la gestion de cette fameuse porte d’entrée.
Si une entreprise souhaite passer cette porte, le paiement dépend donc de sa taille. La gestion de la liste serait entièrement manuelle et le processus serait appliqué dans tous les cas : une vérification constante des conditions d’entrée. Une vigilance qui permettrait de garantir l’indépendance et la qualité du filtre pour les utilisateurs. Pourtant, de nombreux soupçons planent sur le véritable fonctionnement de cette liste et la manière dont les entreprises y entrent.
Opacité de la gestion de cette porte d'entrée
En février, Digital Trends avait déjà lancé un pavé dans la marre : selon plusieurs sources, Eyeo approchait les publicitaires pour leur offrir une entrée dans la liste en fonction d’un certain pourcentage des revenus générés (jusqu’à un tiers). Till Faida, fondateur d’Adblock Plus, avait alors répondu que la liste était une bonne initiative mais que le processus était long et fastidieux, notamment car le fonctionnement n’était pas finalisé. Les retours étaient ainsi collectés autant du côté des utilisateurs que de celui des sites web, des publicitaires, des agences et ainsi de suite. En outre, il ne fallait pas considérer la liste comme un moyen de remplir rapidement une caisse mais comme une manière de pousser l’industrie publicitaire dans une direction qui conviendrait à tout le monde.
Le problème est qu’Eyeo se positionne comme le point d’entrée d’un marché potentiellement très lucratif : Adblock Plus est largement assez utilisé pour qu’une liste acceptable soit la garantie d’une belle hausse des revenus publicitaires. La polémique recouvre de fait plusieurs aspects, à commencer par le degré de probité. Si les utilisateurs font en effet confiance à Eyeo pour les « protéger », ils ne se doutent pas que des tractations ont peut-être eu lieu en arrière-plan.
Utiliser Adblock Plus comme une arme
Ensuite, une société comme Google pourrait tout à fait ouvrir le portefeuille pour que ses publicités passent la frontière, tout en laissant ses concurrents sur le carreau. C’est précisément ce qu’affirment nos confrères du site Horizont.com. Salon.com, de son côté, n’hésite pas à poser une autre question, portant cette fois sur le rejet des bloqueurs de pubs sur Android (en mars dernier) : s’agissait-il d’une manipulation de Google pour augmenter la pression sur ces éditeurs ? Car en définitive, la question est de savoir maintenant si Adblock Plus ne deviendrait pas un nouvel arbitre dans le domaine de la publicité. Même en mettant de côté le financement de la liste acceptable, les développeurs de l’extension se positionnent comme juges de ce qui peut être « toléré » ou non.
Cependant, même si les questions se pressent autour d’Eyeo (qui ne répond pas frontalement), le web est un paysage mouvant qui change très rapidement. Ainsi, si l’extension Adblock Plus devait tomber en disgrâce à cause d’une gestion opaque de sa liste , elle serait tôt ou tard remplacée par une autre qui, elle, se voudrait plus radicale dans son approche. Une transition qui pourrait d'ailleurs être facilitée par l'aspect open source du projet.
Nous avons de notre côté contacté Eyeo et attendons actuellement une réponse. De son côté, Google a simplement indiqué que « les publicités dans la recherche, les résultats sponsorisés et les liens AdSense se sont qualifiés comme publicités acceptables » pour la liste acceptable d’AdBlock Plus. Le géant indique également que d’autres acteurs tels qu’Amazon, Reddit et Yandex avaient procédé de même. Interrogée sur le montant de la transaction, la firme n’a cependant pas souhaité commenter.
Le fait est que d’outil pratique pour les utilisateurs qui l’utilisent, l’extension devient une arme de domination pour un ou plus grands acteurs de la publicité. Dans le cas de Google, et étant donné la très forte popularité d’Adblock, elle devient un puissant levier de maximisation des profits.